ÉB
Élaine B.
Intérêts littéraires : Biographies, Littérature, Voyages, Psychologie

Activités de Élaine B.

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Vivre vite

Par Philippe Besson
(3,0)
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Comme dans La ballade de Robert Johnson de Jonathan Gaudet, Philippe Besson a choisi de donner voix à son sujet et à ceux qui l'ont côtoyé et bien connu (parents, comédiens, amis, réalisateurs, professeurs), donnant ainsi une dimension bien vivante à une biographie somme toute assez brève. James Dean s'est tué dans un accident de la route en 1955; il n'avait que 24 ans. Les trois films qu'il a tournés (À l'est d'Eden, La fureur de vivre et Géant) promettaient une carrière d'acteur exceptionnelle mais c’est sa mort prématurée qui le propulsera au statut d'icône cinématographique. Certains l'ont qualifié d'ambitieux et de suffisant, soucieux de son image. Il assumait sa bisexualité sans complexe, promenant sa dégaine de voyou avec toute l’arrogance de la jeunesse et de la beauté. Sa disparition soudaine aura cristallisé chez les cinéphiles cette figure d’un être éternellement jeune, à l’abri des ravages du temps qui passe. C’est ma première incursion dans l’écriture de Philippe Besson et je compte bien renouveler l’expérience. Vivre vite se lit rapidement, comme l’existence de James Dean vécue dans l’urgence.
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La ballade de Robert Johnson

Par Jonathan Gaudet
(4,0)
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Avant même de commencer cet étonnant roman biographique, j’avais en tête les mots que chantent Francis Cabrel dans Cent ans de plus : « Toujours plaire aux marchands de fantôme Elle qu'on achète et lui que l'on donne Naître avec la peine maximum Toujours vivant dans ce que nous sommes Peuple interdit du reste des hommes Cherchant le bleu de l'ancien royaume C'est eux qui ont fait faut pas qu'ça t'étonnes Son House et Charlie Patton Blind Blake et Willie Dixon Ma Rainey et Robert Johnson Howlin' Wolf et Blind Lemon » « J’ai toujours aimé le blues. Pas seulement la musique, mais aussi la mythologie. Les vieux vêtements, les musiciens vagabonds, les paroles codifiées, les trains de marchandises, les guitares surtout. » Jonathan Gaudet évoque la brève existence de Robert Johnson né dans une plantation de coton en 1911 à Robinsonville dans l’État du Mississippi et mort sans le sou des suites d’un drame passionnel en 1938. Conçu en 29 chapitres portant les titres de 29 chansons enregistrées par Johnson, l’auteur donne la parole aux gens qu’ils l’ont connu, côtoyé et aimé. Musicien itinérant et troubadour des villes et villages, Johnson préférait exercer son art à la façon nomade, au jour le jour, sans entrave ni lien. La légende disait de lui qu’il avait « vendu son âme au diable à la croisée des chemins » pour jouer de la guitare et chanter de la sorte. À la source de l’émergence du talent de Johnson, c’est d’abord son écoute attentive des vieux musiciens et chanteurs qui s’exécutaient aux abords des champs de coton dans son enfance et la puissante certitude que c’est la musique qui l’emporterait sur tout le reste. Ce qui distingue cet ouvrage d’une simple biographie, c’est son côté fictionnel permettant ainsi à l’auteur d’imaginer des dialogues, des impressions et le déroulement d’événements sinon impossibles de recréer dans la réalité. Et même si la ségrégation raciale sévissait encore à cette époque dans le Sud des Etats-Unis, Gaudet ne s’appesantit pas trop sur le sujet, préférant faire briller Robert Johnson dans sa simplicité et sa joie de vivre de sa musique.
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La fièvre

Par Sébastien Spitzer
(3,0)
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À peine son roman terminé, Sébastien Spitzer voyait la pandémie de COVID-19 s’installer dans le monde; comme quoi, la fiction rejoint parfois la réalité. Le 4 juillet 1878, jour de la fête nationale américaine, les citoyens de Memphis s’apprêtent à célébrer dans les rues. Des vapeurs sillonnant le Mississippi tentent d’accoster au quai, mais un seul parvient à faire descendre quelques passagers avant de recevoir l’ordre de faire demi-tour en urgence. La fièvre jaune (autrement appelée Jack le Jaune, vomito negro ou coup de bambou) est de retour dans la ville après quelques années d’absence. On ne sait pas d’où elle origine ni quels sont ses moyens de transmission; un seul fait connu, sa virulence et son extrême contagion. À travers des personnages typiques (la tenancière de bordel et ses filles, le journaliste ambitieux, l’adolescente métisse au père inconnu, le barbier milicien à ses heures, le docteur débordé, le maire impuissant) Spitzer revisite la gestion d’une épidémie à l’époque du télégraphe comme seul moyen de communication rapide. Un roman qui s’adapterait très bien au cinéma mais qui ne relève pas de la grande littérature. J’ai beaucoup mieux apprécié Le cœur battant du monde du même auteur. Trois étoiles pour la recherche et pour un moment de lecture agréable.
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Un monstre et un chaos

Par Hubert Haddad
(5,0)
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Une écriture sublime au service d’une histoire bien cruelle, de surcroît véridique sur le fond, celle d’un petit garçon à figure d’ange, témoin du meurtre de son jumeau et de sa mère par des soldats de la Wehrmacht. Sa fuite éperdue à travers bois et villages sera le fil conducteur de la narration. De l’invasion de la Pologne par l’armée allemande en 1939 jusqu’à la fin de la guerre en 1945, Hubert Haddad raconte avec une indicible beauté l’horreur quotidienne du ghetto juif de Łódź, renommée Litzmannstadt par les nazis. Placé à la tête de cette communauté par les Allemands, la figure conciliante et collaboratrice du juif polonais Chaïm Rumkowski, un homme d’affaires jadis prospère, qui s’offre à pactiser avec ses bourreaux afin d’atermoyer de jour en jour, de mois en mois, d’année en année, la voracité du IIIe Reich dans son obsession à exterminer le plus grand nombre de Juifs. « Élu conjecturel d’une farce tragique », Rumkowski ira jusqu’à donner en pâture aux camps d’extermination un grand nombre d’enfants et de vieillards, prétextant que « dans un monde en guerre, seul compte la survie du plus grand nombre. » Un récit à glacer le sang porté par une magnificence littéraire, qui s’est même invité dans mes songes la nuit dernière, me réveillant avec l’urgence de refermer définitivement le livre. J’ai lu bon nombre de romans portant sur ce thème mais celui-ci possède réellement un caractère particulier, une charge émotive explosive. Dans la même veine que ce que Jonathan Littell a fait avec Les Bienveillantes. « Disons tout bonnement que l’homme, privé de simple humanité, n’est qu’un monstre et un chaos. »
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Matricule 728 : servir et se faire salir : mon histoire

Par Bernard Tétrault et Stéfanie Trudeau
(3,0)
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Stéfanie Trudeau, ex-policière du Service de police de la Ville de Montréal, raconte son parcours éprouvant à la suite des émeutes du Printemps Érable de 2012. Aux premières manifestations étudiantes et citoyennes concertées, des éléments perturbateurs n'ayant rien à voir avec les revendications initiales s'ont venus s'intégrer au sein de la foule, créant grabuge, vandalisme et attaques envers les forces de l'ordre. Et le soir du 20 mai, à la fin du long congé de la Fête des Patriotes, après une quarantaine de minutes à tenter de maintenir les assauts des émeutiers en délire, Stéfanie Trudeau, en charge d'une cohorte de policiers peu préparés et sans protection, a aspergé de poivre de Cayenne les premiers assaillants à proximité. L'événement a été filmé et diffusé en boucle dans les médias et les réseaux sociaux. Au grand dam des autorités gouvernementales et municipales. Stéfanie Trudeau est alors marquée au fer rouge par son employeur et jetée en pâture dans l'espace médiatique, telle une victime expiatoire d'un plan de match mal évalué au préalable. Son récit, semblable à une catharsis, offre un point de vue, le sien, peu entendu jusqu'à maintenant. Le style est verbeux, plein de redites, mais on sent la sincérité et la souffrance dans chaque phrase. Ce n'est pas une oeuvre littéraire mais le cri du coeur d'une femme brisée.
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Le diable est dans les détails

Par Leïla Slimani
(4,0)
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Le diable est dans les détails est un recueil de courtes nouvelles de Leïla Slimani, parues dans l'hebdomadaire « Le 1 » sous la direction d'Éric Fottorino. « Quoi de mieux qu'un livre pour poursuivre le combat des idées et des mots, pour conformer cette intuition que les grands textes d'écrivains sont toujours d'actualité. » Leïla Slimani s'inscrit parfaitement dans cette optique prônée par Fottorino dans la préface de ce court ouvrage. Court mais sacrément pertinent : Slimani pourfend les idéologies derrière le terrorisme islamiste, l'ignorance et la barbarie des djihadistes et réaffirme le pouvoir de la littérature et du savoir contre l'obscurantisme religieux. « Si les romans ne changent pas le monde, ils modifient substantiellement la vision que l'on en a. Ils la questionnent, l'affinent, ils interrogent ce que l'homme sait du fait d'être. » Une auteure que j'affectionne particulièrement et que je continue à suivre avec bonheur.
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Kampuchéa

Par Patrick Deville
(4,0)
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Le Kampuchéa démocratique c’est le nom officiel du Cambodge de 1975 à 1979, durant le règne cruel instauré par les Khmers rouges. « L’Angkar est à la fois le rêve d’une société monastique et du communisme ancestral des tribus, la morale stricte des chasseurs-cueilleurs et les préceptes du bouddhisme. », utopie ayant abouti à la barbarie. Dans ce récit tortueux à dessein, Patrick Deville tente, dans l’attente du verdict des tribunaux envers les ex-dirigeants des Khmers rouges, d’appréhender le monde asiatique par les nombreux conflits ancestraux disputés aux frontières du Laos, du Cambodge, de la Thaïlande et du Vietnam. La lecture s’avère exigeante autant pour la somme considérable de faits historiques dont le lecteur est bombardé que par un processus de narration non linéaire, partagée entre réflexions et rêveries. En ce sens, l’auteur s’est parfaitement intégré à l’univers dans lequel il évolue, les lents déplacements sur le long fleuve Mékong instillant chez lui mysticisme et fatalisme. Comme dans ses deux précédents romans constituant le cycle Sic Transit (Pura Vida et Equatoria), Deville convoque écrivains renommés (André Malraux, Graham Green), explorateurs du XIXe siècle (Henri Mouhot, Auguste Pavie, Francis Garnier, Ernest Doudart de Lagrée) et hommes politiques contemporains cambodgiens, laotiens et vietnamiens (Ho Chi Minh, Norodom Sihanouk, Lon Nol, Khieu Samphan, Pol Pot, Hun Sen) afin de mieux appréhender ce qui fait tourner cette partie du monde qui reste encore bien mystérieuse aux Occidentaux. Sic transit gloria mundi…
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Ce qu'elles disent

Par Miriam Toews
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1. Ne rien faire. 2. Rester et se battre. 3. Partir. Trois possibilités évoquées par huit femmes de la colonie mennonite Molotschna en Bolivie; elles sont mères, sœurs, tantes et nièces réunies en secret dans le fenil d’Earnest Thiessen, un vieil homme inoffensif, pour décider de leur avenir au sein de la communauté. Entre 2005 et 2009, elles, et d’autres femmes et fillettes, ont été violées dans leur sommeil par certains hommes de la colonie qui les endormaient au moyen d’un pulvérisateur de belladone destiné aux animaux. C’est l’instituteur August Epp qui est chargé de produire un procès-verbal de la réunion et c’est lui le narrateur du roman. Miriam Toews a tiré de ce fait vécu un récit puissant qui donne la parole à des femmes longtemps bafouées par un régime patriarcal et qui osent secouer, tout en douceur et en réflexions, le carcan des dogmes édictés par leur évêque et les règles religieuses. J’avais auparavant, heureux hasard, visionné un documentaire sur une colonie mennonite installée au Bélize. Contrairement à celle de Molotschna, on y alphabétisait autant les filles que les garçons, jusqu’à l’âge de quinze ans. Mais tout le reste se résume à une existence de labeur et d’austérité à travailler la terre, sans machinerie agricole, sans électricité et pour les femmes, du poulinage à outrance dès l’âge de la puberté, possiblement associé de violence conjugale, un enfermement de tous les instants, sans contacts avec le monde extérieur. « Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. Nous sommes des femmes en dehors du temps et de l’espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. » À la fin, ce qu’elles disent et ce qu’elles souhaitent : une société démocratique, communautaire et alphabétisée. Un roman porteur d'espoir, enfin, j'aime le croire...
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Deux dans Berlin

Par Richard Birkefeld et Göran Hachmeister
(5,0)
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« Berlin était une ville à l'agonie, elle se changeait en bûcher funéraire du Reich. » Hiver 1944 : Ruprecht Haas, évadé du camp de Büchenwald, retourne à Berlin à la recherche d'une vengeance à la hauteur des humiliations subies. Hans Kalterer, officier SS (Sturmbanführer), lui aussi de retour à Berlin, se voit confier l'enquête sur l'assassinat d'Egon Karasek, un membre haut placé du parti nazi. La trajectoire de ces deux hommes que tout oppose se croisera dans une finale au cynisme délirant, bien appropriée à la future Allemagne divisée de l'après-guerre. Les historiens Richard Birkefeld et Göran Hachmeister ont écrit un roman policier aux images fortes dont l'intrigue, simple à priori, s'insère toutefois dans un contexte puissant de délitement du IIIe Reich. Les ravages des bombardements alliés, le moral de la population civile allemande aux abois, les désertions, la corruption à tous les niveaux du gouvernement, les délations citoyennes, véritable « (…) panier de crabes de la communauté patriotique nationale (…) », tout est décrit dans un souci de vérité historique. Cinq étoiles pour la recherche, la construction, les personnages et cette fin à la hauteur d'un récit brillamment mené.
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Par les routes

Par Sylvain Prudhomme
(3,0)
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Faire du pouce me renvoie inévitablement à une époque, me semble-t-il, bien révolue... Celle des années 1970, du Flower Power , des hippies, d'un certain angélisme et d'un immense je-m'en-foutisme. Sylvain Prudhomme réinvente cet art naïf de prendre la route et le cheville au corps d'un de ses personnages identifié simplement par l'auto-stoppeur. Un type marié, père d'un petit garçon, mais qui ne peut tenir en place au même endroit très longtemps. Sa rencontre fortuite avec un ami de jeunesse, Sacha, viendra chambouler son univers jusque là maîtrisé. Narré avec justesse, d'une écriture simple et belle, ce roman du voyage m'a fascinée autant par son propos que par sa construction. Et je me suis amusée à rechercher sur le Web ses drôles de noms de villages ou de communes du territoire français parcourus par l'auto-stoppeur, les croyant tout droit sortis de l'imagination de l'auteur pour les besoins de la fiction. Une lecture inspirante et dépaysante.
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Du fond de ma cabane

Par Jean Désy
(3,0)
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« Les histoires de cabanes dans le bois sont-elles devenues le lot des seuls nostalgiques? » Jean Désy, médecin et écrivain, s’interroge sur nos vies aseptisées, déconnectées de la nature mais hyperconnectées à la technologie. Dans les pas de Henry David Thoreau mais plus près de nous, Désy se repose ces questions existentielles qui ont hanté l’écrivain du XIXe siècle. Celles qui toujours nous interpellent encore aujourd’hui et plus que jamais en ces temps de pandémie. Usant du vouvoiement pour nommer sa personne, Jean Désy n’ose apposer le « je » dans son récit aux accents poétiques et philosophiques. Une certaine pudeur peut-être à le faire ou un détachement face à ce qu’il écrit. Mais la somme de ce petit ouvrage est tout simplement magnifique. Je me suis délecté de ses mots qui racontent ses séjours dans la forêt, ses randonnées dans le nord québécois, ses rencontres avec la faune et son regard bienveillant sur le monde. Civilisation douillette ou contact total avec la nature? Tuer (chasser, pêcher) ou ne pas tuer? Entre ses hésitations, Jean Désy regrette aussi cette tyrannie des écolos radicaux qui voudraient les forêts exemptes de toute humanité et qui vont jusqu’à prôner l’abolition de tout feu ou chauffage au bois, jugés trop polluants… La liberté qu’offrait jadis le nomadisme, serait-elle disparue avec ces nouveaux diktats? Pourtant, à en croire Désy, voilà pourtant ce qui ramènerait l’humain à mieux penser sa vie : solitude et nature. Mais je continue à penser que, l’hiver, mieux vaut avoir sous la main une cabane et un poêle à bois…
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1793

Par Niklas Natt och Dag et Rémi Cassaigne
(4,33)
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1793 : pendant que la Terreur sévit à Paris, les habitants de Stockhölm vivent la leur, aussi politique que quotidienne : pauvre, pestilentielle et bestiale. À chaque coin de rue, l’indigence et la brutalité s’étalent, dans les tavernes, des hommes se saoulent la gueule pour oublier la bassesse du monde et un soir d’octobre, un corps mutilé et énucléé est rejeté sur les rives d’un lac aux eaux pestilentielles. Une enquête s’ébranle sous la gouverne de Cecil Winge, un officier judiciaire intègre qui se meurt lentement de tuberculose. Il est secondé dans sa tâche par Mickel Cardell, un ancien combattant estropié, encore ébranlé par les horreurs de la dernière guerre que la Suède a mené contre la Russie. Le roman s’étale sur quatre saisons dans le désordre de l’année 1793; de l’automne et d’un bond à l’été, retour au printemps jusqu’au grand saut à l’hiver débutant, l’intrigue se déploie et se ramifie autour de personnages forts, certains d’une telle cruauté, qu’on peine à lire la suite. L’univers du roman est glauque, puant et sordide, surtout dans la première moitié. Les descriptions explicites s’enchaînent les unes après les autres; j’ai eu mal et j’ai eu peur pour certains des protagonistes au point que j’ai dû reposer le livre par moments, le temps de reprendre mes esprits. L’auteur a visiblement choisi de ne pas épargner son lecteur. Mon mari, désespéré, a choisi de stopper sa lecture juste avant que l’histoire ne bascule vers un peu plus d’espoir. Dommage, car le dénouement, bien ficelé, vient transcender tout le reste. Un polar historique incontournable que je n’hésite pas à classer cinq étoiles.
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L'année de l'éveil

Par CHARLES JULIET
(4,0)
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« Trop de questions me taraudent. Des questions concernant le sens de la vie, ma destinée, mes études, l’amour qu’elle me porte, ce qu’elle et moi deviendrons, mon chef, la boxe, mon enfance, ma mort peut-être proche, les camps de concentration, la cruauté dont l’homme est capable, l’immensité de cet univers qui n’est qu’énigme et où je me sens seul. » Charles Juliet est derrière ce narrateur, adolescent admis dans une école militaire à titre d’enfant de troupe, qui déroule son année scolaire sous nos yeux, sans fausse pudeur, dévoilant ses détresses du moment et ses peurs de l’avenir. Une camaraderie inattendue avec son chef de section autour des rudiments de la boxe lui apporte un regain d’espoir. Invité dans sa maison les dimanches de permission, il rencontre la femme du chef qui l’initie à la sexualité. Cette histoire secrète le jette alors dans d’affreux tourments de culpabilité et de trahison. L’auteur, comme dans son journal dont j’avais préalablement lu le premier tome, ose tout dire, confiant sur le papier ses plus profondes pensées, telles qu’elles se présentent à son esprit troublé. La promiscuité dans les chambrées, le chahut des garçons, l’intimidation au réfectoire, le tout combiné à la discipline militaire en vigueur à la fin des années 1940 dans ce type d’établissement, n’incitent pas à calmer les indécisions d’un adolescent sans famille. Un roman d’apprentissage au propos sombre que j’ai lu avec intérêt, sachant que cet enfant blessé s’est sauvé en quelque sorte par l’écriture et est devenu un écrivain respecté.
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Griffintown

Par Marie Hélène Poitras
(3,0)
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La récente parution du dernier roman de Marie-Hélène Poitras (Desiderata) m’a rappelé la sortie de son précédent, Griffintown, il y a déjà une bonne dizaine d’années. La critique avait été favorable, tout comme pour son premier (Soudain le minotaure). J’avais retenu les titres mais les avait délibérément ignorés à l’époque, préférant plutôt me concentrer sur la littérature étrangère. Mais je n’avais pas oublié et ayant plus de temps libre maintenant à consacrer à la lecture, je me suis donc empressée de rattraper Griffintown avant de commencer Desiderata. L'action de Griffintown se déroule à l'ouest de la rue Berri à Montréal, au bord du canal Lachine, où se situe la dernière écurie de chevaux de calèches. Pressé de toutes parts par les promoteurs immobiliers, le propriétaire Paul Despatie résiste aux assauts jusqu'à ce que Billy, son vieux palefrenier, retrouve son corps criblé de balles dans le ruisseau d'à côté. Marie-Hélène Poitras fait revivre avec chaleur et vivacité l'industrie des calèches touristiques, disparues depuis peu du Vieux-Montréal. On sent, dans les mots et qualificatifs choisis par l’auteure, un réel attachement pour ces bêtes en fin de carrière qui ont longtemps servi les humains aux siècles précédents, tout comme envers ses personnages de cochers bourrus à l’allure de cow-boy, pressentant la disparition imminente de leur petit monde enclavé dans la ville tentaculaire. Quelques apartés historiques s’insèrent avec justesse dans le récit, lui donnant du même coup un relief plus intéressant, car l’intrigue elle-même se révèle un peu mince. Bref, une lecture franche et plaisante.
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Lumières aveugles

Par Benjamin Labatut
(3,0)
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Vous savez, cette image du savant fou dépassé par ses découvertes ou accablé par elles, véhiculée par le cinéma ou la littérature, et bien, c’est ce qui me vient à l’esprit après la lecture de Lumières aveugles. Benjamin Labatut reprend le fil des recherches entreprises par les plus grands scientifiques de la première moitié du XXe siècle (Haber, Grothendieck, Schrödinger, de Broglie et Heisenberg) touchant l’astronomie, la physique, la chimie et les mathématiques, et brasse le tout dans un immense chaudron bouillonnant d’idées abstraites et avouons-le, plutôt absconses. Au début, le récit semble confus et le ton décousu, mais Labatut arrive à imbriquer l’un dans l’autre tous les tâtonnements, les équations, les matrices issus du cerveau de ces hommes de science, qui, à la suite d’épiphanies ou de fortes projections mentales, ont réussi à appréhender le monde invisible. La pensée poussée à son extrême limite atteint ici des sommets. Un ouvrage inclassable qui me rappelle celui de Jérôme Ferrari, Le Principe, dédié aux tourments du physicien allemand Werner Heisenberg.