ÉB
Élaine B.
Intérêts littéraires : Biographies, Littérature, Voyages, Psychologie

Activités de Élaine B.

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L'apparition du chevreuil

Par Élise Turcotte
(3,66)
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Une écrivaine se réfugie dans un chalet isolé pour tenter de voir clair dans une affaire familiale aux noeuds inextricables. Une soeur éloignée depuis longtemps revient dans la famille avec, dans son sillage, un conjoint et un garçon à naître. On comprend que de ce retour qu'on n'espérait plus, la donne a changé pour les parents et la fratrie. L'écrivaine est celle qui parle, qui ose tout dire et qui se révolte. Car le nouveau beau-frère intimide, harcèle et subjugue à la fois sa femme et son fils. « Je n'écris pas pour dévoiler la vérité. Simplement, j'ai besoin de dessiner une ouverture afin qu'une vérité ne soit pas enterrée vivante. S'il existe un cimetière de mots arrachés aux êtres qui comprennent, je veux pouvoir m'y promener. » L'écriture est obsédante, propice au huis-clos; la narratrice se parle à elle-même, évoquant ses entretiens avec une psychologue et les phrases échangées lors des rencontres familiales. de même, la figure du neveu, pris entre des adultes qui s'entredéchirent pour son bien, est particulièrement bien évoquée. J'ai eu parfois du mal avec le style décousu et certaines tournures de phrases alambiquées, mais dans l'ensemble, j'ai bien apprécié ma lecture.
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Le cavalier suédois

Par Leo Perutz
(4,0)
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Pour une première incursion dans l'oeuvre de Leo Perutz, j'ai opté pour un de ses plus célèbres, le cavalier suédois. Mon mari avait déjà lu le cosaque et le rossignol, sans m'inciter plus qu'il ne le faut à prendre sa suite. Je n'avais donc aucune idée préconçue sur le style ou le genre littéraires de cet auteur. J'ai été agréablement surprise par ce conte fantastique qu'on dirait tout droit sorti de l'imaginaire d'un écrivain du XVIIIe siècle, époque à laquelle se déroule le récit. La rencontre fortuite d'un voleur vagabond, Piège-à-poules et d'un jeune noble suédois Christian von Tornefeld dans les landes silésiennes, scelle le destin de deux hommes que tout sépare. le premier, excellent à la rouerie, se promet de tirer parti des possibilités offertes par ce cavalier naïf et un peu crédule. Sur des promesses et des serments que le brigand se convainc de ne pas tenir, un enchaînement d'événements permet à ce dernier d'usurper l'identité du cavalier suédois et ainsi de connaître enfin une vie de gentilhomme longtemps espérée. Je me suis laissée emporter par cette écriture d'un autre temps, portée par des dialogues et des apartés savoureux, et dont les personnages, superbement incarnés, évoluent autant dans la réalité cruelle du quotidien que dans l'onirisme et le surnaturel.
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L'Arabe du futur T.5 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1992-1994)

Par Riad Sattouf
(4,5)
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Tout comme Michel Rabagliati avec sa série Paul, Riad Sattouf me captive depuis le début avec sa BD autobiographique. Le cinquième tome couvre les années d’adolescence de Riad (1992-1994), alors qu’il demeure, avec sa mère et son frère Yahya, à Rennes. On savait déjà que son autre frère Fadi avait été enlevé par son père et emmené en Syrie. Les tentatives pour rapatrier Fadi forment la trame du récit dans lequel s’entrelacent également les premiers émois amoureux de Riad, les amitiés autour de la musique et de la littérature fantastique, les questionnements sur les religions, la mort et, par-dessus tout, la conviction profonde que le dessin pour lui est plus qu’un passe-temps. Les bulles aux couleurs bleutées, aux accents parfois écarlates, contiennent une charge émotive parfois douloureuse, allégée toutefois par une touche d’humour bienvenue. La figure paternelle y plane continuellement, même si le personnage n’apparaît physiquement qu’à la fin, nous laissant encore une fois dans l’expectative. Ce qui me réjouit en quelque sorte…
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Ces rêves qu'on piétine

Par Sébastien Spitzer
(3,5)
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Elle fut la première dame du Reich, mariée officiellement à Joseph Goebbels, mais dédiée corps et âme à son Führer, qui l’a élevée en mère idéale de la race aryenne. Maria Magdalena Behrend, dite Magda, est la figure centrale de ce roman historique portant sur les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Pendant qu’au bunker de la chancellerie d’Allemagne les fidèles entourant Hitler préparent leur ultime sortie avant l’arrivée des Russes dans Berlin, des cohortes de prisonniers des camps de concentration prennent la route sous la direction de leurs bourreaux, qui ne veulent laisser aucune trace de leur forfait. Comme le mentionne l’auteur dans ses remerciements, « (…) il en existait déjà beaucoup des livres, sur cette époque maudite », mais celui-ci m’en a appris encore un autre pan ignoré. Sébastien Spitzer, que j’ai découvert avec Le cœur battant du monde, flirte avec la grande Histoire, en tirant des faits véridiques une petite histoire de personnages fictifs auxquels on croit intensément. Son écriture lapidaire fait ici des merveilles, sondant et scrutant toute l’ignominie issue de cette guerre hideuse, et démontrant la vacuité des rêves de grandeur et de puissance mesurée à une simple existence humaine. « Il n’y a que des victoires et des défaites, les récits des vainqueurs et l’oubli des vaincus. Memento mori. Tout passe. »
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Monsieur livre Henri Tranquille

Par Yves Gauthier
(3,0)
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« Et à la librairie, transi de froid, le libraire échafaude des rêves. J’étais devenu libraire en voulant écrire. Je me disais : les gens apporteront des livres, d’autres viendront en acheter et moi, tout ce que j’aurai à faire, ce sera d’écrire. On n’a pas vingt ans tous les jours! » C’est lui, Henri Tranquille (1916-2005), ce « rêveur fou du livre », issu d’une famille modeste montréalaise, qui accède au collège classique grâce à un futur engagement dans une possible carrière ecclésiastique. Mais lorsque sa foi vacille, les directeurs religieux du collège interrompent son cursus scolaire et lui indiquent la sortie. Après sept ans d’études assidues, sans diplôme, il se tourne vers sa passion première, la littérature. Dès 1937, il ouvre diverses librairies avec ou sans associés, dont la plus célèbre sera celle située au 67, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal. « Debout sur le pont de son bateau-livre qu’il arpentait de la poupe à la proue, Henri – comme l’a souligné Jacques Cotnam – enseignait la littérature à la criée. ». Son but ultime, rendre la lecture accessible au plus grand nombre en orientant le lecteur vers les chefs-d’œuvre en lieu et place du premier best-seller venu. Il a su tenir le cap malgré la toute-puissance du clergé qui exerçait à une certaine époque une censure pesante sur les livres dits dangereux ou subversifs. Yves Gauthier a bien connu Henri Tranquille et les faits qu’ils relatent dans cette biographie sont fort intéressants. Ainsi, en 1950, cette procession en carrosse d’un Honoré de Balzac couché dans son cercueil, défilant dans les rues avoisinant la librairie Tranquille, à l’occasion du 150e anniversaire de sa mort; un affront aux autorités religieuse qui en avaient interdit la commémoration, les romans de Balzac étant presque tous à l’index. Et la publication fracassante du manifeste du Refus Global, signé par un collectif d’artistes rejetant en bloc les règles étouffantes d’un gouvernement à la solde des cléricaux. « (…) dans un régime de croque-mitaines et de rabat-joie, la liberté se manifeste d’abord par une explosion des arts visuels. » À bat la Grande Noirceur! Le portrait d’un homme et de son temps que j’ai grandement apprécié. L’ouvrage est en plus agrémenté de photos et d’extraits de la correspondance de Tranquille, un fameux épistolier. Une lecture qui en suggère d’autres…
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Miroir de nos peines

Par Pierre Lemaitre
(4,2)
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« Les civils s’enfuient, les militaires, eux, font retraite, nuance! » Le récit débute en avril 1940 avant que les défenses de la ligne Maginot ne deviennent inutiles et que les panzers allemands ne s’enfoncent à travers la forêt des Ardennes pour prendre la ville de Paris. Louise Beaumont, la fillette rescapée du premier tome Au revoir là-haut, a maintenant trente ans. Elle accepte un jour une invitation étrange et saugrenue que lui fait un vieux docteur assidu au café où elle est serveuse d’occasion, en échange d’une généreuse rémunération. Ce qui résulte de cette rencontre anonyme dans une chambre d’hôtel donne le ton à la suite, destins croisés de divers personnages qui aboutiront au même lieu-dit, une chapelle, véritable camp de fortune pour les réfugiés de toutes sortes fuyant la capitale prise d’assaut par l’armée allemande. Pierre Lemaître écrit pour le cinéma, et il réussit très bien. Ça se sent à la lecture et dans la construction de ses chapitres condensés, de son écriture évocatrice et de ses personnages tous bien esquissés. Chaque scène se projette sur notre écran mental, sans aucune difficulté d’imagination. Ce dernier volet de la trilogie d’entre-deux guerres rachète le deuxième, Couleurs de l’incendie, qui m’avait semblé un peu faible.
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Le Mars Club

Par Rachel KUSHNER
(4,0)
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Romy Hall (nom de scène Vanessa), se produit au club de strip-teaseuse Mars Club à San Francisco. Au début du récit, elle est conduite au pénitencier pour femmes afin de purger une peine de réclusion à vie. On n’en connaît pas la raison. Romy et ses co-détenues ont abouti dans le ventre d’une prison à haute sécurité en passant par les mêmes chemins, ceux des familles dysfonctionnelles, de la drogue et du décrochage scolaire. Victimes et bourreaux se rejoignent dans ce roman introspectif sur les notions de vengeance, de punition, d’enfermement et des actes initiaux qui y mènent. À tour de rôle, chacun raconte son histoire et témoigne d’une existence chaotique assombrie par le vice, la cupidité et l’obsession. Un portrait dur et saisissant des bas-fonds de la ville même, San Francisco, bien loin des cartes postales touristiques qu’on a en en tête. Et, comme dans la vie réelle, la rédemption ne s’obtient pas facilement.
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Le voyage de Marcel Grob

Par Philippe Collin et Sébastien Goethals
(4,0)
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Le voyage de Marcel Grob, tout comme les albums de Jacques Tardi sur son père René, explore la vision d’un jeune homme happé par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Alsacien, Marcel Grob a dix-huit ans lorsqu’il se voit contraint en 1944 d’intégrer l’armée allemande sous peine de représailles envers sa famille s’il désobéit aux ordres de conscription. Mais le pire reste à venir, car c’est dans la Waffen-SS qu’on le destine. Deux amis d’enfance l’accompagnent dans son voyage, l’un dans la crainte, l’autre dans l’enthousiasme. Dans son vieil âge, Grob se souvient de tout malgré le besoin d’oublier et l’envie de se taire. Le dessin en noir et blanc, quelquefois en teinte sépia, sied bien au propos et accompagne un texte fort et un récit bien mené. J’apprécie beaucoup ces bandes dessinées instructives basées sur des faits historiques; elles constituent un bon véhicule de vulgarisation des événements passés pour un lectorat plus jeune ou moins intéressé par l’Histoire.
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Les altruistes

Par Andrew Ridker
(4,5)
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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les ressorts familiaux et que vous n’avez jamais osé demander. Andrew Ridker, dans son premier roman, décortique pour vous les courants profonds qui parcourent une famille ordinaire américaine : Arthur, le père, Francine, la mère et leurs deux enfants Ethan et Maggie. Sur une vingtaine d’années les vies maritale, professionnelle, scolaire et amoureuse des Alter se déploient dans un récit magnifiquement rendu, sans longueur, aux dialogues savoureux parcourus de touches d’humour, de tendresse et de férocité à l’occasion. Le style littéraire de l’auteur m’a beaucoup plu, une écriture riche et simple à la fois, exposant le propos sans ennuyer une seule seconde. Ce qui se conçoit bien s’exprime aisément : la traduction en a visiblement bénéficié. J’accorde donc cinq étoiles pour ce roman d’une vérité implacable, véritable bijou de concision sur un thème maintes fois traité mais qui dépasse ici tous les autres déjà lus.
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Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer

Par Dany Laferrière
(4,14)
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Après qu’une professeure de l’Université d’Ottawa ait été suspendue parce qu’elle avait prononcé le mot nègre à des fins pédagogiques dans le cadre d’un de ses cours, il me fallait reprendre la lecture du premier roman de Dany Laferrière, lu il y a une trentaine d’années. Laferrière s’est d’ailleurs exprimé sur cette controverse récemment, réaffirmant que ledit mot, du fait de sa propre historicité, ne devait pas passer sous le couperet de la censure morale, a fortiori dans l’enceinte d’une université, haut lieu du savoir. Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer : déjà, le titre est provocateur dans le contexte actuel de bien-pensance (lui a-t-on demandé de modifier son titre pour la réédition?) Et toutes les pages du roman sont tartinées du mot honni. Bouba, « un malade du Verbe », contemplateur récitant des sourates du Coran, vit en colocation dans un appartement miteux de Montréal avec l’écrivain, surnommé Vieux, le narrateur. Tous deux draguent les filles blanches, étudiantes de l’Université McGill, dans les bars, dans les rues, dans les parcs, bref partout. C’est l’été humide et poisseux, tout comme le sexe qu’ils pratiquent avec frénésie. « La vengeance nègre et la mauvaise conscience blanche au lit, ça fait une de ces nuits! » Au-delà des scènes tournant autour de la baise, le roman offre une perspective intéressante de la condition d’être Noir parmi les Blancs, de l’affirmation de son identité, tout cela pimenté d’humour féroce et d’énormités proférées sans complexe. Que les plus frileux s’abstiennent donc! De ma première lecture du roman, j’avoue avoir peu retenu, d’où l’importance de relire. Dany Laferrière a évolué dans son écriture et ses thèmes pour devenir cet écrivain plus profond et plus sage que nous connaissons aujourd’hui. Une valeur sûre!
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Delicious Foods

Par James Hannaham
(5,0)
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« Quand on travaille dur, elle se disait, qu’on n’est pas vraiment payé et qu’on peut aller nulle part, tout le monde sait comment ça s’appelle. » L’esclavage moderne peut prendre divers visages : un salaire minimum inadéquat, des heures supplémentaires mal payées, des conditions de travail atroces ou des retenues sur salaire injustifiées. James Hannaham nous en fait découvrir une version sordide et particulièrement abjecte dans Delicious Foods. Un récit construit autour de trois voix : celle de Darlene, mère afro-américaine paumée, celle de son fils Eddie et la troisième, celle de la drogue, le crack, surnommée Scotty par sa dépendante, Miss D pour Darlene. « Elle a fait : Tu le veux encore, ce kif? Il est à toi, si tu veux. J’ai souri à Darlene dans son cerveau. Je savais ce qu’elle allait faire. C’est pas pour faire mon centre du monde ni rien, mais je suis vraiment irrésistible. » Basé sur des faits réels survenus dans une ferme de St. Augustine, le roman se déroule dans un territoire à la limite des États de la Louisiane, du Texas et de la Floride, « au tréfinfonds de la Louisifloride » pour reprendre les mots de l’auteur. Un endroit où la discrimination et l’injustice raciales font partie du quotidien des Noirs. Pauvres, drogués, alcoolos, putes, clodos, ces sans avenir sont recrutés par Delicious foods, une sorte de coopérative agricole qui ratisse les bas-fonds des petites villes à cette fin : obtenir une main-d’œuvre bon marché pour travailler aux champs. La suite est indescriptible, il faut le lire. Ce roman agit comme un électrochoc dans nos vies confortables, démontrant une fois de plus que la condition humaine ne tend pas à s’améliorer avec le temps. La sentez-vous, cette odeur de pourriture qui s’élève de la société américaine? Bouchez-vous le nez et plongez dans Delicious Foods…
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Par Rebecca Lighieri
(4,5)
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Comment s’aimer et parvenir à aimer autrui lorsqu’on n’a connu que violence, haine et mépris au sein du foyer familial. Ou qu’on s’est fait distiller au compte-gouttes, par une mère asservie, un amour passif, tenu caché de la tyrannie exercée par le père. Rebecca Lighieri, pseudo de l’écrivaine Emmanuelle Bayamack-Tam, en rend compte dans ce roman d’une dureté implacable dont l’histoire se déroule dans une cité de Marseille que jouxte non loin un camp de gitans. Karel, Hendricka et Mohand, élevés par des parents dysfonctionnels, héroïnomanes de surcroît, se promettent entre eux mille et une choses afin d’entrevoir un avenir meilleur. Dans l’adversité d’une enfance bafouée, la fratrie se soude autour des exactions subies et de ces rêves de vengeance à assouvir. Tout est envisagé, même les pires actions. La narration, confiée à l’aîné Karel, emprunte le langage de la rue, conférant ainsi au récit une grande part de véracité. C’est cru, abject et parfois insoutenable. Difficile d’aimer ces personnages malmenés exempts d’empathie, qui banalisent la cruauté et qui font subir aux autres leurs lacunes affectives. Des « (…) types mal barrés, qui vont mal tourner et surtout mal finir – autant dire des moins que rien. Tant qu’on se crèvera entre nous sur des tas d’ordures, tant qu’on se crackera bien la gueule avec nos petits cailloux, la société passera ça par pertes et profits. Et si les pertes sont négligeables, les profits sont loin de l’être : la sélection s’opère, naturellement, sans intervention extérieure, sans déploiement des forces de l’ordre – pas besoin de ligne budgétaire, y’a qu’à nous laisser faire, bingo. » Entre-temps, le hasard des lectures m’a fait commencer le roman de James Hannahan, Delicious foods, dans lequel se dessine une certaine parenté Il est des hommes qui se perdront toujours. « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille On choisit pas non plus les trottoirs de Manille De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher Être né quelque part Être né quelque part, pour celui qui est né C'est toujours un hasard » (Né quelque part, Maxime Le Forestier)
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Voir la lumière

Par T. Coraghessan Boyle
(3,0)
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« (…) le Delysil, le LSD 25, avec son étiquette à l’avertissement absurde – POISON -, alors qu’en fait, la substance qu’il contenait était le seul antidote connu contre le poison du monde, de la conscience, du non-Dieu, du non-savoir, de la pitoyable maîtrise de l’humanité sur les fils de la nature et les confins noirs et morts de l’espace qui, gueule insatiable, engloutissaient tout. » 1962 : Fitz Loney, doctorant en psychologie à l’université d’Harvard a, comme directeur d’études, Timothy Leary, autour duquel s’est formée une petite clique d’étudiants attirés par sa notoriété, par son immense charisme et par ses idées novatrices sur les arcanes du cerveau humain. Sous l’égide et la supervision de Leary, tout ce beau monde (femmes et enfants compris) s’engagent dans des expérimentations psychiques, d’abord avec la psilocybine, extrait d’un champignon d’Amérique centrale aux effets puissamment hallucinogènes, et puis, rapidement, à l’aide d’un produit de synthèse, le diéthyllysergamide, connu sous le nom de LSD. Rebaptisé le sacrement par Leary, le LSD allait « désarmer la tour de contrôle du cerveau », libérer le subconscient, dissoudre l’ego, éveiller l’esprit profond, faciliter la créativité et qui sait, entrapercevoir en une inspiration divine ou non, la Face de Dieu, rien de moins. De 1962 à 1964, réunis en une communauté dans un manoir à Millbrook dans l’État de New York, prêté par une riche héritière de la famille Mellon, les communiants au LSD vivront des trips plus ou moins réussis, plongeant dans des abîmes dont ils ont peine à émerger. J’avais lu, bien auparavant, l’autobiographie de Timothy Leary, Mémoires acides, qui m’avait fort impressionnée. Évidemment, Leary se donnait le beau rôle, sans guère de nuances, ce que vient contrebalancer en quelque sorte ce roman de T.C. Boyle. La traduction n’est pas toujours à la hauteur du récit, mais l’histoire en elle-même compense largement cette lacune.
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Soit dit en passant : autobiographie

Par Woody Allen
(3,0)
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« À Soon-Yi, la meilleure d’entre toutes. Elle me mangeait dans la main jusqu’au jour où j’ai vu qu’il me manquait un bras. » Du Woody Allen pur jus. Si cette dédicace mordante donnait le ton au bouquin, j’allais passer un bon moment. Va pour la première moitié consacrée à son enfance dans les rues de Brooklyn, à ses débuts précoces de scripteur (dès l’âge de 14 ans) auprès de certains humoristes et animateurs « (…) nous déposions les asticots du rire dans leurs becs anxieux ») et à sa conversion au cinéma en tant que scénariste et réalisateur. Ensuite le récit bascule dans ses déboires familiaux avec l’actrice Mia Farrow et sa marmaille. Il s’appesantit longuement, mais peut-on le lui reprocher, sur ce qui a plombé son existence pendant un bon moment et qui, encore aujourd’hui, jette une ombre sur sa réputation. Malgré les conclusions des enquêtes approfondies tenues par le tribunal familial et la police qui l’ont blanchi, Woody Allen en souffre encore. Il affirme avoir subi la vengeance et la vindicte d’une femme déjà perturbée mentalement et qui, à la découverte de la liaison d’Allen avec Soon-Yi, sa fille adoptive, a perdu tout sens commun. Nonobstant cette parenthèse plutôt sombre, son autobiographie, somme toute conventionnelle, m’a appris plusieurs choses intéressantes. Entre autres, qu’il n’est pas l’intellectuel que je m’imaginais mais plutôt « (…) un barbare arborant la veste en tweed à coudières d’un professeur d’Oxford ». « (…) beaucoup de travail, un peu de talent, une veine inouïe, des contributions importantes de la part de tierces personnes », ainsi définit-il sa carrière, en toute humilité, une caractéristique qui parcourt tout cet ouvrage.
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Les lionnes

Par Lucy Ellmann et Claro
(4,5)
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« Je n’avais d’autre interlocutrice que moi-même, et il est absurde de coucher par écrit ce que l’on se dit à soi. » Lucy Ellmann a pris le contre-pied de cette phrase d’Edith Wharton dans son roman Les Lionnes, laissant son personnage de mère de famille soliloquer à sa guise sur plus de mille pages bien serrées. Celle dont on ignorera même le prénom jusqu’à la toute fin, cuisine tartes et gâteaux dans sa maison de Newcomerstown, Ohio, revendus à quelques commerces du coin. Son second mari Leo, ingénieur civil, est souvent en déplacement pour son travail et la charge de la maisonnée lui incombe donc en grande partie. Quatre enfants à aimer, éduquer et soutenir : Stacey, 15 ans, Ben, 9 ans, Gillian, 8 ans et Jake, 4 ans, plus quelques poules dans son jardin, sans oublier deux chats et un chien. Bref, le quotidien d’une mère au foyer tentant de garder le cap. J’ai été déroutée au début par le style télégraphique des phrases, les digressions abondantes, les accumulations de faits divers et les sigles et acronymes (avant de constater trop tard leur définition dans une liste placée à la fin du livre). En plus de pratiquer des associations inconscientes (tous frais payés, touffe rayée; Fox News, fake news, barbouze; austère, Jane Austen; où est Jake, chèque, chaque, lac), la narratrice se lance dans des diatribes intérieures contre les armes à feu, la pollution, la politique (Trump), la violence conjugale, l’ingratitude des ados, les blessures d’enfance et j’en passe. En parallèle, comme une pause à tout ce verbiage, on suit le parcours d’une femelle couguar et de ses petits, retour à l’instinct maternel originel ancré dans la nature. Obsédant, hypnotisant, ce roman m’a ébloui, me projetant dans les pensées incessantes de cette femme, ses peurs, ses rêves, ses souvenirs, ses projections. Une femme ordinaire prise dans le tourbillon de la vie moderne et connectée, timorée en société, mais qui affiche intérieurement une pensée solide, un bon jugement et un amour indéfectible envers sa famille. Le roman s’avère une critique cinglante de la société américaine autant dans son histoire passée que dans ce qu’elle représente aujourd’hui. J’ai bien ressenti cet énorme cri du cœur d’une citoyenne en alerte car ce que nous observons et constatons depuis quelques années, de l’autre côté de la frontière, est loin d’être rassurant pour le futur. Et pour reprendre le fil de la narration, le fait est que c’est un maudit bon roman!
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