Shaynning
Libraire @ Librairie Monet
Intérêts littéraires : Biographies, Jeunesse, Littérature, Psychologie, Arts, Bande dessinée, Loisirs

Activités de Shaynning

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Lili Goth et la souris fantôme

Par Chris Riddell
(4,0)
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Quadrilogie qui succède une autre quadrilogie ( Apolline), cette série nous entraine dans une Angleterre baroque, où se mêle polar, mythologie, cultures diverses et tout un fatras de bizarreries qui rappellent un cabinet de curiosités. Une fois de plus, Riddel nous expose à sa créativité loufoque, son gout pour les clin d'oeils de toute sorte et les personnages hétéroclites. Être la fille d'un Lord poète habitant un manoir démesurément grand grouillant de divers employés atypiques n'empêche pas la jeune Lili d'être une jeune fille agréable, n'en déplaise au défilé de nounous qui espéraient avoir de quoi à corriger chez elle. Malgré un père distant incapable de faire son deuil de son épouse, la mère de Lili ( et accessoirement un esprit libre et une funambule de profession) et quelques sinistres employés, Lili se conforme aux règles docilement, entre autre le port de souliers bruyants afin d'alerter son père de sa présence. Mais elle s'ennuie. Les choses changent quand une sourie fantôme, Ismaël, perturbe son sommeil au cours d'une nuit. Il l'entraine dans un secteur abandonné du manoir, là où il est décédé. Il s'y passe de drôle de choses et cela a un lien entre le lugubre Maltravers, garde-chasse intérieur de son état, et la chasse organisé à l'occasion de la réception organisée par le père de Lili. Pour résoudre ce mystère, elle pourra compter sur ses nouveaux amis, les enfants employés de la résidence, qui forme un collectif nocturne: le Club du Grenier. Bonté divine! Qu'il y en a des trucs à raconter sur ce roman! D'abord, mais quelle présentation! Ce roman a une couverture rigide noire, avec une superbe bande argenté à motif de lierre et de crânes. Il possède une tranche d'un mauve métallique légèrement hypnotique et que dire de la tenue de Lili, avec cette élégante tiare lunaire à plume géante mauve. L'objet en lui-même est superbe et se démarque des autres.Bravo aux Éditions Milan sur ce coup là! Ensuite, fidèle à lui-même, Riddel ponctue le récit d'un tas de détails inusités. On notera, notamment, les nounous qui sont de légères variations de nounous d'autres romans célèbres ( Nounou McPhee, Nana de "Peter Pan", Mary Poppins), certains personnages célèbres ( Mona Lisa, van Helsing, Frankenstein, Devy Jones), les références littéraires ( notamment le fourneau qui porte le nom "Enfer de Dante", l'armoire remplie de fourrures de "Narnia") ainsi que les références culturelles très nombreuses que l'on peut voir dans les personnages, les décors et les oeuvres d'arts. Ah, et ces tartines/rôties en forme de bataillons de grenadiers prussiens...sérieux, mais quelle idée! Certains petits éléments m'ont bien amusés, comme le train-passe-plat, le jardin secret ( référence au roman du même nom) dans un autre jardin "encore plus" secret, et mon élément préféré: le mini-roman inclut dans le roman! Si, si, un tout petit recueil situé dans une pochette à la fin du livre, qui sont les mémoires en format prose et Bd des aventures d'Ismaël. Parus aux Éditions Milan, cela va de soi. C'est donc un univers qui mêle beaucoup de choses, comme la mythologie grecque, le folklore anglais, un soupçon de polar, une pelletée de fantômes et un manoir aux innombrables recoins. Il y a beaucoup de personnages, avec leur dessin associé. À croire que Riddle adore surtout nous présenter des personnages! J'ai eu un coup de cœur pour la grande échalote de Kingsley, apprenti-ramoneur, son personnage est vraiment mignon et son attirail de ramoneur-bidouilleur très original. Côté scénario, l'idée de base est intéressante: un garde-chasse qui élabore une ménagerie spéciale pour la soirée de son patron, mais qui ne cache pas seulement un excès de zèle ( preuve en est des chèques de 5 livres). L'aspect "polar" jeunesse prend racine dans le groupe "secret" d'enfants du Manoir, dont fait maintenant parti Lili. Il y a tout-de-même un peu de longueurs, surtout avec les innombrables présentations de personnages, alors les jeunes lecteurs amateurs d'action soutenu ou de suspense ne seront pas forcément servis. Au contraire, les amateurs d'univers détaillés et d'imaginaire devraient apprécier. Vu la quantité de références et clin d'oeil, ceux qui ont une bonne culture générale devraient trouver plusieurs occasion de rigoler, mais ces références ne sont pas nécessaires à la compréhension de l'histoire. Là où le roman perd de sa pertinence est au niveau de la morale ou des valeurs. Il n'y a pas vraiment de cause ( autre que de sauver les prisonniers, ce qui inclut une notion de Justice) ni de valeurs défendues. On a un père endeuillé, mais on ne parle pas de son processus de guérison, on a une enfant esseulée qui n'a pas cherché à gagner de l'attention. En ce sens, c'est quelque peu "creux". Néanmoins, j'ai bien aimé Lili, qui est sainement modeste, courtoise, bien élevée, rassembleuse et débrouillarde.Tout comme l'est la blonde Apolline,héroïne de la série précédente de Riddle, Lili a un tempérament calme, est très polie et curieuse. Elles partagent leur gout pour les mystères et les plans "habiles", comme elles partagent une grande gentillesse. Ceci-dit, les deux jeunes filles sont aussi anormalement matures pour leur âge et étonnamment solitaires ( les deux n'ont pour ainsi dire pas de parents). Et les deux n'ont peur pratiquement de rien. Donc, en somme, c'est une belle réussite que ce premier tome, créatif, surprenant à plus d,une occasion, mais pas addictif, ce qui n'est pas une tare en soi, mais peu freiner certains lecteurs amateurs de récit haletants. Un roman rempli de dessins abondamment détaillés très agréables visuellement et peuplé de gentils enfants. Pour un lectorat entre 9-11 ans, ou aux alentours du troisième cycle primaire. P.S Même le "petit roman" d'Ismaël est truffé de références. Saurez-vous les reconnaitre?
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Apolline et le fantôme de l'école

Par Chris Riddell
(4,0)
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Un autre tome rondement mené rempli de surprises dans un univers très créatif. Cette fois, notre petite Apolline aux chaussures dépareillés va entrer à l'école avec sa nouvelle amie, Cécilie, enfant de riches laissée souvent à elle-même. À cette école singulière, on vous aidera à trouver votre talent spécial. Pour les élèves déjà résidents, on a un duo de jumelles qui font de la composition florale aérienne, un jeune génie amateur de peinture abstraite, une sultane qui fait de l'origami avec des rideaux, etc. Apolline s'applique à chaque cours, et tout semble aller bien jusqu'au moment où d'étranges évènements surviennent, après le party pyjama organisé par Cécilie dans sa somptueuse chambre où elle raconta la légende du fantôme cheval vengeur. Depuis, ce même fantôme semble causer du tort aux élèves en dérobant des objets , pour mieux les placer dans des endroits inopportuns et potentiellement dommageables pour les jeunes étudiants. Qu'à cela ne tienne, Apolline sort un autre "plan habile" pour trouver la source réelle de tous ces soucis, aidé de Mr Monroe, bien sur. Si le tome 1 nous a introduit l'univers direct de la petite fille blonde, soit son appartement et son quartier, cette fois nous sortons de son environnement pour une école bien spéciale. Ils ont d'ailleurs le plan de cours le plus déjanté que j'ai vu: j'aurais bien essayé le cours d'aptitudes inutiles. Ils accordent beaucoup d'importance au temps de vacances et aux rigolades. Une école comme on en rêverait. Bon, en toute honnêteté, le coupable est très évident, mais je pense que le but du roman n'est pas l'enquête en soit, mais l'univers. L'auteur a posé habilement pleins de petits détails amusants dans un décor déjà très particulier. On retrouve: - Un fantôme à tête coupé dont le corps est en page 75, la tête en page 64. - Une tortue qui fait de fréquentes apparitions aux côtés de Mr. Monroe. - Un emplois du temps aussi drôle qu'invraisemblable en p.71. - Un ours "undercover" en page 58, lunettes d'espion inclue. - Un cour sur les rots, où Apolline semble bien performer! Et pleins d'autres trucs. Je crois que c'est là la plus grande joie des livres de Riddell, son sens du détail et sa créativité. Seul petit détail qui m'a turlupiné: pourquoi Apolline n'a t-elle pas défendu Mr.Monroe avec plus de véhémence contre Cécilie? J'ai apprécié le thème de l'enfant unique seul:parce que c,est un enjeu social réel. Il existe beaucoup d'enfant qui, à défaut de la présence de leurs parents, sont comblés de matériel. Cela ne suffit cependant pas à combler une carence affective. Il y a donc un message à faire passer ici qui peut être intéressant. Un autre tome savouré avec plaisir. Vous n'avez pas besoin d'avoir lu le tome 1, la série peut se lire dans le désordre.
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Une histoire d'amour

Par Gilles Bachelet
(4,0)
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Un album jeunesse où le réalisme du dessin côtoie un univers hautement créatif d'objets de toutes sorte de la domesticité, qui me rappelle l'histoire d'amour de Karl et Ellie dans "Là-haut" de Pixar. Tout comme dans ledit film, c'est une histoire d'amour merveilleusement "ordinaire", en ce sens où c'est un homme qui rencontre une femme et de leur incroyable complicité se déroule une vie heureuse ponctuée de hauts de bas. On l'oublie parfois, mais les meilleurs histoires d'amour ne sont pas forcément les plus sensationnelles, mais les plus sincères et complètes sur le plan des bases de la relation. Josette et Georges ( deux gants de plastique) se sont rencontrés à la piscine ( un lavabo de cuisine) , lui maître nageur, elle pratiquant la nage synchronisée et c'est le coup de foudre. Bientôt, ils enchainent les sorties. Puis, ils fondent leur foyer. Puis, ils fonde une famille ( une sacrée ribambelle d'enfants!). Il ont même un chien ( une adorable brosse à récurer bleue). Et puis, après une longue vie bien remplie, George décède. Heureusement, Josette trouve le courage d'avancer en se consacrant à ses nombreux petits-enfants. Une histoire toute simple, vraiment, mais la particularité réside dans le décor, où objets vivants et inertes s'amalgament. Un album rigolo, touchant où les images à elle-seules méritent qu'on s'y s'attarde.
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Secret du potager (Le)

Par luc Foccroulle et Annick Masson
(4,0)
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Comment ne pas craquer pour ce bel album jeunesse tout en couleurs d'aquarelle douces, qui met en valeur les plaisirs de cultiver la terre? La petite Lili ne croit pas une seconde pouvoir trouver quelque chose d'intéressant à faire chez son grand-père, qui dorlote ses précieux légumes tous les jours. Marabout, Lili va tout-de-même aider à abreuver les légumes et son grand-père va lui offrir une semence de haricot dans un pot. Malheureusement, elle va accidentellement faire tomber le pot et , oh surprise!, voilà qu'elle entend le haricot pleurer! Tout autour, les carottes et les navets s'adressent alors à Lili et lui conseil de le replanter vite fait ( C'est qu'il a froid sans terre autours de lui, le pauvre!). C'est alors le début d'une aventure légumesque où Lili va tenter de faire pousser un plant de haricot avec assez d'amour et de soins pour le voir grandir en beauté. Le travail de la terre est devenu une mode ces temps-ci, mais il existe de réels intérêts sociaux et environnementaux à retourner à la culture potagère. Non seulement le jardin nous fournit de bons légumes biologiques, il permet un apprentissage très concret de la patience, de la minutie et du don de soi, sans parler des habiletés manuelles. C'est un exercice très pertinent pour les enfants, comme pour les adultes. C'est aussi une façon d'apprendre à respecter la Nature. Ici, nous avons une histoire adorable, où les légumes ont de jolis minois et pleins de choses à raconter. J'ai vraiment adorer le rendu visuel de cet album. J'ai aussi aimé l'aspect inter-générationnel de l'histoire, car c'est le grand-papa de Lili qui lui donne la piqure du jardinage et les conseils pour en faire une activité réussie. À découvrir!
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Le temps fuit

Par Nathalie Wyss et Raphaël Beuchot
(4,0)
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L'éléphant et le ouistiti

Par Sophie Lamoureux et Mercè Lopez
(4,0)
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Incontournable Mars 2023 Tombée sur cet album un peu par accident dans le nouvel- et premier!- arrivage pour le mois de Mars, je ne pensais pas tomber sur un album qui traiterait du registre émotionnel par les expressions de couleurs, doublé d'une petite leçon de sagesse sur une qualité incontournable elle aussi. Un éléphant se considère comme un roi de la jungle - vous savez, un peu comme ces petits caïds de cours de récréation que tout le monde craint parce qu'il est puéril et détestable, mais impossible à gérer? Voilà, c'est qu'on a ici, une petite brute de cours d'école imbuvable qui est plus costaud que les autres et jouit de sa capacité à arroser les autres animaux sous son joug grâce à sa trompe. D'ailleurs, il y a une petite couronne bleue dessiné au-dessus de sa tête, au cas où son statut ne serait pas limpide à vos yeux. Cet éléphant meuble son temps canardant les autres animaux d'eau, mais pour tromper son ennui, il aime aussi les paris. La plupart des défis qu'il lance aux autres animaux sont tout simplement impossible à réaliser, ce qui rend le tout risible et même dangereux pour la santé des autres animaux, qui n'éprouvent guère de plaisir. Néanmoins, un jour, un ouistiti prend l'un des paris: celui de déplacer un gigantesque baobab mort jusqu'au petit étang à quelques mètres de là, et ce, avant la fin de la journée. À partir d'ici, il y aura des divulgâches. Le ouistiti prend ses aises sur une branche du défunt baobab et attend. L'éléphant, perplexe, va progressivement passer par tout le spectre de nuances de la colère, d'abord avec le rire jaune malicieux , la colère qui "fait voir rouge", suivi du vert de rage, puis de la rage noire. Chacun de ces paliers vient avec un degré d'expression physique différent et sa couleur associée est peinte par-dessus l'animal, comme si son émotion s'exprimait aussi en couleur. Mais qu'est-ce qui met notre costaud caïd de la savane dans un tel état? le fait que le ouistiti se contente d'enchainer les poses tranquilles sur ce reste d'un représentant du plus gros arbre du continent? le fait qu'il persiste et signe: il VA gagner ce pari? En dépit de son inaction? Et il dit qu'il va employer une "toute petite chose toute simple" en plus?? Il y a de quoi devenir fou! Il se fout de lui! Comment peut-il gagner? Et c'est quoi cette chose? ON VEUT SAVOIR!! C'est précisément cet enchainement de frustration, d'impatience et d'incompréhension, alimenté par une bonne dose d'orgueil mal placé aussi, qui va décider notre éléphant, roi auto-proclamé de la brousse, à faire la seule chose qu'il sait faire, c'est-à-dire, attaquer l'autre. Dans un dernier sursaut d'impulsivité, il se met à pomper l'eau de l'étang jusqu'à le drainer complètement, puis vise le ouistiti frondeur et relâche le tout. Quand il reprend un peu contenance, l'éléphant devient blême de sidération: Désormais, sous le baobab, se tient l'étang. Dans son excès de rage hors de contrôle, l'éléphant a déplacé le point d'eau pour le ouistiti, avant la tombée de la nuit, tel que stipulé dans le pari. Et oui! Cette "petite chose toute simple"? La patience. Mais pas seulement. Il y a définitivement de la ruse et aussi une vérité qui fait souvent la différence dans un monde peuplé de nombreux abrutis: L'observation. Je m'explique. Je pense notamment à tous ces adultes qui piquent des crises, comme des enfants de 5 ans qui ne savent pas encore gérer leurs émotions, et qui répondent assez souvent par des actes violents comme des coups, des insultes ou du harcèlement envers ceux et celles qui ont le malheur de leur déplaire ou d'être sur leur route. Et que leur arrive-t-il bien souvent? Ils se mettent les deux pieds dans les plats. Pourquoi? Parce que quand on se sait pas se gérer, on devient plus facilement irréfléchi dans nos actions. Et on devient aussi plus facilement manipulable. Ici, notre ouistiti n'avait qu'à observer l'éléphant, remarquer qu'il est impulsif et comment il peut se servir de ce qui semble être sa plus grande force contre lui, c'est-à-dire, son canon à eau. Tôt ou tard, notre ouistiti a compris que l'éléphant perdrait patience et voudrait le punir en lui administrant la correction qu'il trouve amusante. Prévisible, en somme. C'est tout-de-même audacieux comme plan et bien sur, ça aurait pu ne pas marcher, mais au final, ce n'est qu'un stupide pari. Ah, mais il a gagné deux montagnes de bananes en rétribution, alors ça valait la peine! Surtout, face au fait qu'il a causé son propre échec en faisait exactement ce que le ouistiti attendait de lui, notre éléphant se sent bien petit. Ajoutant à cela le mépris condescendant qu'il entretenait envers le ouistiti, l'éléphant doit maintenant admettre qu'il s'est fourvoyer sur son compte. Il n'est pas seulement patient ce petite singe, il est aussi astucieux et rusé. J'ai envie de dire qu'à l'instar des grosses brutes dans le monde, ceux ne connaissant que le langage des violences et du snobisme gorgée de mépris et qui séduisent souvent que d'autres grosses brutes , ce sont les gens dotés d'intelligence, de patience et d'observation stratégique ( ou encore une fine connaissance ou analyse de l'adversaire) qui viendront à bout de ce genre de gros moron. Et puis, bien souvent, par leur étroitesse d'esprit et leur réactions explosives peu constructives, les grosses brutes sont aussi souvent les architectes de leur propre déclin. J'avais envie d'extrapoler sur cet axe, à l'heure où j'entends des individus valoriser le retours au fascisme ultra-violent, à la virilité toxique ou aux personnes qui confondent le discours émotif du discours rationnel, polarisant des débats et des enjeux autour desquels on ne peut plus rien dire sous peine de recevoir leur avis en pleine dents. C'est donc avec patience, diplomatie et en usant d'analyse qu'on en viendra peut-être à radoucir le ton. Peut-être. Nous en aurions bien besoin. En tout cas, merci à cet album pour m'inspirer toute cette réflexion dont je vous épargne les détails qui ne cessent de s'additionner dans mes pensées. Je pense que je vais ajouter cette oeuvre à ma liste sur le développement de l'esprit critique pour cette belle leçon servie dans un savoureux crescendo coloré. C'est ce qui fait ma joie avec les albums: des histoires courtes et simples, mais des réflexions intéressantes et plus profondes qui en découlent. Je vais mentionner aussi une chose sur le plan de l'émotion de la colère. Bon, déjà, elle ne se manifeste pas TOUJOURS de manière aussi explosive ( parce que OUI, la colère peut être implosive, donc en apparence être assez calme), mais même si c'est encore l'expression choisie ici, elle est néanmoins graduée. On a le rire moqueur et légèrement irrité au début, puis on monte vers les manifestations externalisées: yeux de plus en plus plissés, hurlement de plus en plus marqués, yeux désorbités, corps de plus en plus crispé, etc. La colère grimpe et devient si incontrôlable que l'individu perd toute retenue et commet un impair, puisqu'il ne réfléchissait plus du tout. C'est ça le soucis avec une émotion mal gérée et en plus désagréable, on ne se contrôle plus et on commet des erreurs qu'on risque de regretter par la suite, soit parce qu'elle brise notre réputation ou notre image idéal de soi, soit parce qu'elle nous a poussé à agir ou dire des choses qui font du mal aux autres, ou encore, qui nous nuit personnellement ( comme l'éléphant qui sabote par erreur sa propre victoire). On pourrait en parler avec la jalousie, avec le chagrin ou encore la peur. Enfin, je ne peux pas contourner l'enjeu lié à la taille et la perception de la force en fonction de celle-ci. Je résumerais en disant qu'on a un David contre Goliath ici, avec un personnage minuscule en comparaison de l'autre, mais qui a un atout dans sa poche. La force n'est pas qu'une question de taille, elle est aussi affaire d'esprit, ce dont manque l'éléphant, manifestement. Ce que j'aime dans cette histoire, c'est que notre ouistiti semble confiant en son approche et il faut une dose de confiance en soi pour se montrer audacieux. Il sait que l'éléphant a des points faibles et les retournent contre lui. Tout le monde est vulnérable, c'est ce qui fait notre humanité et notre équité. Et face à ceux et celles qui l'oublient, il est parfois bon de leur rappeler. C'est donc une leçon d'humilité que reçoit aussi notre éléphant. Peut-être sera-t-il moins tyrannique à l'avenir, qui sait? Le tout est servi dans un style graphique un peu sketchy, où la peinture est jeté et traitée comme si elle était habitée de la même colère impatiente que l'éléphant. le trait est très anguleux et me rappelle un peu la pointe raide de la plume plutôt que les courbes du trait du stylo. Ce n'est donc pas le traitement "propre et net" auquel je suis plus habitée, mais j'aime le rendu qui sert bien son sujet. Et que dire du choix des poses de notre ouistiti, elles donnent aussi un bon indice du calme du personnage. Bref, un coup de coeur inattendu, dont j'ai hâte de pouvoir discuter plus amplement avec les profs du niveau primaire, dont on pourra aussi bien accrocher le lectorat du 1er cycle que celui du 2e et 3e, surtout sur les enjeux sociaux que j'ai évoqués plus longuement. Et la gestion de la colère reste un sujet toujours pertinent, peu importe le lectorat. Pour un lectorat à partir du premier cycle primaire, 6-7 ans et les lectorats jeunesse suivant, bien sur.
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Le château solitaire dans le miroir

Par Mizuki Tsujimura
(4,0)
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Mon enfant est meilleur que le tien !

Par Alain M. Bergeron et Marjorie Blais Simard
(4,0)
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Je remercie la maison Québec Amérique pour l’envoi de ce service de presse à notre librairie. Il est assez courant de voir de jeunes personnages avoir du mal à se gérer sur le plan émotionnel en littérature jeunesse, mais pour une fois, ce sont les parents qui auraient besoin d'un cours 101 sur la gestion de soi. Yeah, allons-y gaiement! Parents d'estrades à la limite parents-entraineurs, Josette et Théodule sont convaincus que LEUR enfant, respectivement Sydney et Marie-Philip, est LE/LA meilleur.e! Si les deux parents savent être solidaires envers leur enfant et savent collaborer dans les vestiaires, ils ont cependant un vilain travers: Leur esprit de compétition un chouia trop féroce. Leurs altercations explosives font la honte de leur enfants, qui ne savent pas trop comment réagir. Un jour, quand leur rivalité mal placée prend une fois encore de la place dans les gradins, un arbitre se sent obligé d'intervenir en les menaçant d'une place au banc des pénalité "pour mauvaise conduite". Penaud, les deux parents admettent qu'ils ont sans doute exagéré et qu'après tout, peut-être que l'enfant de l'autre est meilleur que le leur? Non mais, c'est clairement Marie-Philip qui est meilleure que Sydney. QUOI? Mais non, c'est Sydney qui est meilleur que Marie-Philip!! ET c’est reparti pour un tour de manège! Ah, les parents! C'est drôle, on parle souvent d'eux dans les romans, mais pas tant que ça dans les albums, sauf pour les illustrer comme des figures sécurisantes, avec raison. C'est dommage, il y a tant à dire sur le rôle parental, un des rôles les plus riche et les plus exigeant que peut avoir une personne adulte. Et les parents ne sont pas infaillibles et dénués d'enjeux personnels. Et quand le rôle de parent côtoie de près celui d'entraineur, ça peut devenir difficile de concilier les deux. J'ai l'impression que Josette et Théodule oublient un peu leur rôle de partenaires à la pratique du sport de leur enfant pour s'attarder sur leur esprit de compétition personnel. Les deux sont d'ailleurs d'anciens joueurs de hockey et l'histoire le dit, ils ont plus ou moins tiré un trait sur leurs aspirations sportives. Oho? Est-ce qu'on a un peu de projection de leur rêves sur leurs enfants? Peut-être! On pourrait presque faire un autre tome sur ce point précis. Après tout, Marie-Philip et Sydney, dont même les prénoms sont ceux de grand.e.s joueur.se de hockey, ont peut-être d'autres aspirations ? J'aime les albums qui parlent des émotions chez les adultes. Pourquoi? Parce que pour des raisons sociales, on a tendance nous, les adultes, à vouloir cacher nos émotions face aux enfants, que ce soit pour donner l'exemple ou parce qu'on craint d'ébranler les jeunes. Néanmoins, si les enfants ne voient pas les adultes réagir et gérer de manière efficace leur émotion, comment vont-ils l'apprendre? Bon, je ne dis pas de prendre exemple sur ces deux écureuils qui ne gèrent pas leur esprit de compétition, exagèrent éhontément et en viennent même à se chamailler physiquement, mais il est bon de montrer que même les adultes ne sont pas toujours bons en gestion émotionnelle. Aussi, le livre permet de parler d'un état émotif désagréable, soit un mélange de colère et de jalousie qui sont alimentés par une rivalité malsaine. Plutôt que de rester dans les encouragements qu'ils sont tout-à-fait capables de faire, ils reviennent au fait qu'un "Meilleur" doit se dégager du duo. Mais honnêtement, qu'est-ce que ça change? Dans les faits, rien du tout, mais ça donne lieu à des prises de bec passablement violentes ( cris et coups) et honteuses pour les deux enfants qui les regarde. Et ça ce n'est pas rien. Pour ce qui est du graphisme, c'est mignon, dans un décor foisonnant de référentiel de bois puisque les personnages sont des écureuils ( Avis à mes profs qui me demandent des albums avec des personnages animaliers, on a des écureuils!) . J'aime également que les deux personnages soient un garçon et une fille, parce que de vilains préjugés courent toujours sur les moindres capacités des filles dans les sports, malgré nos nombreuses championnes dans ce sport ( L'équipe canadienne féminine de hockey gagne l'or à chaque Jeux Olympique, je dis ça comme ça...). N'empêche que je me demande comment on "traite" la rivalité malsaine chez les parents comme chez les joueurs? Est-ce que les acteurs du sport comme les arbitres et les entraineurs ont des leviers pour gérer ça? Quels sont les trucs pour assainir ou maintenir sain son esprit de compétition ( quand on en a un) ? Dans l'album, le problème reste entier, mais heureusement que l'arbitre leur a clairement signaler que c'était là un piètre comportement, une "mauvaise conduite" passible du banc des pénalités. Après tout, dans le sport, il faut avoir "L'esprit sport", et dans cet esprit, on respecte les autres. Pas vrai, Josette et Théodule? Je pense que les vieilles habitudes ont la vie dure dans leur cas, mais il y a toujours place à amélioration. Pour un lectorat débutant du premier cycle primaire, 6-7 ans pour la lecture par un lecteur confirmé, mais au 2e cycle primaire, 8-9 ans pour la lecture en solo.
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Plume et l'ombre du dragon

Par Agnès Marot et Céline Deregnaucourt
(4,5)
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Incontournable Novembre 2022 Agréablement surprise par la richesse de ce roman relativement court, "Plume et l'Ombre du dragon" propose une héroïne remarquable, mais également une ode au deuil lié à la disparition d'un parent et de l'importance des histoires. Plume est une piratesse d'ombres, ce qui fait d'elle une chapardeuse professionnelle. La jeune fille a la capacité de voir et de convaincre les ombres de quitter leur maître, qu'elle peut ensuite vendre au marché noir contre un peu de nourriture. En réalité, elle ne le fait pas souvent, car elle garde avec elle un nombre appréciable d'ombres de toute sorte, avec qui elle partage sa grotte. Chaque nouveau membre partage avec eux son Histoire. Voilà qu'en libérant l'ombre d'une licorne peureuse, Plume découvre par son ombre, Bucéphale de son nouveau nom, qu'un ultime dragon existe encore. Que d'histoires elle doit connaître cette ombre! L'audacieuse et intrépide piratesse s'embraque donc pour une aventure, en quête de cette ombre. La critique va contenir des divulgâches - et des ombres sympathiques. Déjà, quelle idée charmante que d'avoir imaginé une voleuse d'ombre telle que Plume. Son tempérament frondeur, son culot et sa détermination me rappelle le personnage désormais célèbre de Lyra Ballecroix, de la Croisée des mondes. Je trouve de plus en plus de ces héroïnes charismatiques, culottées et courageuses dans la littérature jeunesse. Juste ce mot-ci, il y a eu "Une vie pour Matzi", "Ilona Melville et les zéros de l'histoire", ainsi que "Bande à part". Bref! Je me réjouis de voir ces héroïnes que rien n'arrête et qui ont une impertinence délicieuse. Plume a néanmoins une belle empathie, qui lui confère ce charme attachant auxquels semblent sensibles les ombres. Il s'agit davantage d'une relation de famille qu'une relation de maître-domestique qui caractérise la relation de Plume avec ses ombres. Alors qu,elle devait vendre Bucéphale au marché noir, elle y renonce, quand elle voit à quel point Bucéphal lui est reconnaissant de s'être fait libéré. Dans cet univers Fantasy aux inclinaisons de Merveilleux, de Contes et de Folklore, les Ombres sont les doubles de chaque entité vivante. Ils sont coincés sous leurs pattes et ne possède pas de noms. C'est donc toujours étonnés d'avoir été "vus" qu les ombres de Plume la rencontre. Ils se donnent alors un prénom et raconte leur histoire. Nous avons tout un tas d'origines: une belette, une licorne, un poisson volant, une reine sans royaume, un tricératops à trois tête, un renard à neuf queues, un loup déguisé en grand-mère, un serpent-liane narcoleptique, etc. Plume peut percevoir leur texture et ils disparaissent dans un environnement trop sombre. Ils voyagent généralement dans la sacoche de Plume. J'aime beaucoup qu'on malmène le stéréotype de la licorne idéale, ici petite, mollassonne, froussarde et pas franchement magnifique. Plume a perdu sa mère, mais elle entretient l'idée qu'elle l'a abandonnée pour vivre des aventures de piratesse. Cependant, on comprendra vers la fin qu'il n,en est rien. Cette maman aimait sa fille, elle ne l,aurait pas abandonnée. La réalité est qu'elle a souhaité sauver le dernier dragon, qui mourrait littéralement d'ennuis, plongé dans un état catatonique. Hélas, ce dernier n'aurait pas supporter de perdre son unique lien social et l'a dévorée et dépossédée se son ombre, pour qu'elle lui tienne compagnie. Le thème de la solitude est donc central. Plume craint d'être seule au monde, au point de faire du déni quand à la véritable disparition de sa mère. Elle comble ainsi son vide affectif avec les ombres, même si une amitié sincère semble caractériser les liens entre elles. Le dragon est dans une situation différente, mais teintée du même sentiment. Dernier de son espèce, porteur de milliers d'histoires, il vit la malédiction d'être une créature quasi immortelle, alors que s'enchainent les vies des autres êtres vivants. Paradoxe amusant, il est en froid avec son ombre, qui aspire à plus de liberté. La seule réelle entité qui pourrait meubler sa vie sociale est aussi la seule dont il ne peut rien tirer, hormis des morsures aux fesses. Le dragon a aussi deux défauts majeurs: il ne fait pas confiance et se montre têtu. Deux tares importantes en relation, peut importe la nature de cette relation. C'est ce qui l'a d'ailleurs ramené à la case départ quand il a dévoré la mère de Plume. Cette dernière lui en veut d'ailleurs beaucoup, de l'avoir dépossédé de sa mère. Pourtant, Plume va trouver la force de lui pardonner, alors à deux doigts de lui voler son ombre. La jeune fille comprend que la solitude peut rendre fou. Elle donne cependant le choix à l'Ombre du dragon de rester avec lui ou pas, car c'est elle qui en a payé les frais en demeurant toujours confinée dans l'ombre, incapable de sortir. Ultimement, Plume propose son amitié au dragon esseulé, elle même en ayant besoin. la différence est que plume a su se bâtir des amitiés, alors que le dragon l'impose. C'est ce qui différencie une relation saine d'une relation malsaine, d'ailleurs. L'amitié, c'est comme l'amour, ça ne s'impose pas, ça se partage. Petit focus sur le texte: Plume est désopilante par moment. Elle y a de se commentaire pas toujours très délicats ni polis, déteste l'inaction et possède un sens aiguisé de la justice. Elle gagnera à être connu du dragon, mais également d'un phénix. C'est une jeune fille vraiment fière et orgueilleuse, qui cherche toujours à garder la face, même devant une mort imminente. Ça c'est pas banal, quand même. C'est également la narratrice. La dernière partie du roman, où Plume rencontre le dragon et l'ombre de sa mère, est particulièrement poétique, c'était inattendu ça aussi. C'est le passage où Plume démontre qu'elle a grandit, qu'elle a évoluer et qu'elle fait le choix de passer à autre chose, de passer l’ultime étape de son deuil: l’acceptation. Enfin, je remarque que la couverture est fabuleuse. le graphisme me rappelle la BD "Bergères guerrières", dont l’héroïne aussi en a dedans! Un super petit roman dont l'action n'empêche pas une certaine profondeur et je met au défis les jeunes garçons ne pas tomber sous le charme de cette piratesse effrontée et débrouillarde. J'aime bien que cette histoire tienne en un livre, surtout pour mes jeunes lecteurs, en librairie, qui préfèrent les tomes uniques ou pour qui la lecture est occasionnelle, plutôt qu'assidue. Une petite pépite! Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans.
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Mister Big ou la glorification des amours toxiques

Par India Desjardins
(3,91)
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Voici un essai sur la glorification des relations toxiques dans la fiction, mais également sur plusieurs enjeux gravitant autours, comme les stéréotypes, le "Regard" à travers la lentille encore très masculin, la minimisation des enjeux féminins et le rapport de genre inégal. Dans cet essais, à ma grande surprise, mais aussi ma plus grande joie, India Desjardins navigue sur un thème que je trouve important, pas seulement en tant que libraire jeunesse, mais aussi en tant que personne. J'observais déjà, durant mon adolescence, que les modèles féminins proposés tant à l'écran que dans les romans ( Jeunesse et Adulte) étaient peu nombreux, stéréotypés et qu'elles ne jouissaient pas du même libre-arbitre que leurs alter ego masculins. Pire, c'était souvent des personnages stupides, seulement là pour servir de trophée ou de plante verte. Aucunes ne m'interpellait réellement. Pire, elles souffraient presque toutes du même syndrome: "L'Impératif Masculin". Alors que les personnages masculins avaient des projets grandioses et des aventures diverses, avec en bonus la plus belle fille de l'école au bras, nos héroïnes féminines quand à elles, DEVAIENT finir avec le beau ténébreux arrogant sexy, le prince charmant ou , pire encore, le "Bad Boy" aussi égocentrique que violent. Oui, même en jeunesse. Pas besoin de gifles pour être violents, rappelons-nous . Dans leur histoire, qu'elles soient impliqués dans un projet, une quête ou une cause est secondaire, du moment qu'elle ne soient plus célibataire au bout du roman ou du film, et si possible, déflorées. J'ai donc perdu foi en la romance de la littérature jeunesse comme des comédies romantiques à plusieurs reprises, parce que je ne pouvais pas me résoudre à aimer ces relations toxiques et que ces stupides filles superficielles et désespérées ne m'interpellaient pas du tout, contrairement à mes contemporaines du même âge, visiblement. J'étais blasée que les filles n'ait au final qu'une finalité: celle de combler un gars. Aussi, en grande romantique, je trouvait que bien souvent, le gars ne méritait pas la fille. Il aura fallut patienter quelques années avant que je ne trouve des romans où les filles finissaient célibataires ou en couple avec un bon gars, et encore! C'étaient des filles rondes, gay ou marginales dans la case du célibat, et des superbes filles avec le bon gars. ( Soupir) Fait amusant, cependant, la série "Le Journal d'Aurélie Laflamme" de la présente autrice, aura été l'une des rares à sortir des conventions et à offrir des romances saine en jeunesse. Une fois adulte, les questions n'ont fait que s'amplifier, mon indignation aussi, à mesure que se succédaient les romans toxiques: tous les romans "Twilights", puis cette bêtise de "La Sélection", puis "Rouge Rubis", "Promise", "Night School", "Filles de Lune", "Métamorphose", "Palais d'épines et de roses", et, en littérature adulte, toute la brochette de romans "New Romance" qui ne sont au final que des Arlequin sombres où la violence faite au femmes se multiplie. La "Dark Romance" s'est même ajoutée, summum de la violence à tous les niveaux. Et des ados y adhèrent, sans cesse poussées vers ces romans, que ce soit par le biais des réseaux sociaux comme TikTok et Instagram, ou par ces plate formes qui sont des nids à fantasmes sexuels violents comme Wattpad. C'est d'ailleurs là qu'à commencer la série des "After" , cette série où un jeune homme très violent à parié à ses amis qu'il dévirginerait une fille "coincée". Cette dernière est bien sur tombée amoureuse de lui et une relation orageuse se poursuit sur cinq tomes très mal écrits. Chaque nouveau roman publié en jeunesse étiqueté "Wattpad" comprend sa relation toxique, c'est presque systématique. C'est donc avec un certain soulagement que je lis India Desjardins et ses interrogations qui font écho aux miennes. Je suis inquiète de voir qu'autant de femmes ne voient pas la violence faite à ces personnages féminins, toute fictives qu'elle soient. Ça traduit soit un cruel manque d'informations ou pire, une désensibilisation au phénomène. De fait, la quantité de romans, de séries et de films avec des relations toxiques est énorme. Mais ça traduit aussi que bon nombre de gens ne savent pas reconnaitre la violence ou trouve ça divertissant. Ceci-dit, certaines formes sont difficiles à percevoir, comme la violence psychologique, qui est vicieuse, subtile et progressive. C'est difficile pour moi en tant que libraire jeunesse de trouver des romances saines. C'est réellement un problème, car si les adultes peuvent compter sur le poids de leur expérience, nos adolescentes et nos filles beaucoup moins. Savoir qu'on les expose à ces concepts amoureux délétères, en leur faisant croire qu'aimer c'est de se sacrifier, de renoncer, de souffrir, de se laisser insulter et rabaisser, de croire que la jalousie est un signe d'amour et que l'arrogance, la condescendance et la possessivité sont des signes d'amour, ça me dépasse et ça m'inquiète. Comprenez moi bien, il n'est pas question de mettre ces romans qui glorifient les relations toxiques à l'Index, mais il m'apparait urgent qu'on s'interroge sur la surreprésentation des romances toxiques et à risque dans la Culture, particulièrement celle de la Jeunesse. Il faudra, pour se faire, prévenir, éduquer et dialoguer sur le sujet. Autrices et auteurs inclus. Il faudrait déjà que le sujet ne soit pas si marginal, encore aujourd'hui. Et bien sur, il serait intéressant de voir une plus grande diversité de relations amoureuses saines. Parce que oui, à force de relire vingt fois que le plus grand idéal de toute adolescente normale est de "sauver" de son passé difficile un bad boy aussi égo-maniaque qu'instable ou de choisir la facilité financière du gars riche qui a une personnalité aussi lisse que sa laque pour cheveux, franchement, on en vient à penser que c'est normal. Le meilleur exemple que je puisse donner, après "Grease" ( Dont l'autrice va parler), c'est "Breakfast Club". Dans ce film de 1985, cinq archétypes adolescents sont en retenue ensemble un samedi. L'idée était de faire prendre conscience que nous sommes plus que cette étiquette que nous pose la société. Bonne idée, encore aurait-il fallut laisser de côté deux énormes clichés: La "Détraquée" bizarre qui charme le Sportif avec un peu de mascara et des cheveux relevés, et la "Populaire" qui tombe sous le charme du "Bad Boy", qui a été odieux, mesquin, insultant, moqueur, condescendant et même sexuellement agressant ( Il a mit sa tête dans son entrejambe et a fait de nombreuses remarques comme "On attache la reine de la promo et on la met en cloque". Charmant.) avec elle, tout particulièrement. Et elle se dit "amoureuse"?! Mais enfin! C'est grotesque et très improbable, à moins d'être masochiste. Mais c'est hélas monnaie courante en littérature jeunesse, en comédie sentimentale, bref, dans les histoires où il y a des jeunes femmes. En fait, et c'est là un autre souci, les relations toxiques ne sont pas le propre des hommes, qui a travers le prisme de la caméra et du papier, vont encore miroiter une de leurs conceptions de la femme idéal, soumise, stupide, jolie et docile. Non, les pires romans jeunesse et adulte qui véhiculaient des concepts amoureux toxiques ont été écrits par des autrices. Ce qui me fait demander si ces femmes promeuvent sans le savoir des glorifications de relations toxiques sans s'en rendre compte? Qu'elles ont intégré des idées sexistes et perçu des comportements violents comme "normaux"? Parce qu'à la base, elles ont écrit des romances, c'est donc que de leur point de vue, la romance permet certains comportements inadéquats de la part du conjoint/chum/copain? Ou alors, elles mêlent fantasmes et réalité? Parce que je ne vois pas comment on peut confondre un Bad Boy opportuniste avec un prince ténébreux torturé qui cache un coeur en or - parce que ça n'existe tout simplement pas. Et d'autres fois, je me demande si la génération Arlequin n'a pas contribué à faire naitre des archétypes masculins épouvantables. Bref. L'autrice va aborder cette dimension avec nuances, précisant qu'on ne peut pas reprocher aux autrices d'écrire en fonction de leurs valeurs et de leur éducation. Selon elle, on est même plus critique envers les autrices que les auteurs. Il faut donc aller dans le sens de l'éducation et de la sensibilisation, plutôt que de remettre le blâme sur elles. D'ailleurs, les auteurs aussi peuvent véhiculer des stéréotypes féminins tenaces et promouvoir des relations toxiques. Néanmoins, on pourrait espérer que les auteurs et autrices prennent davantage conscience de l'impact de ce qu'ils écrivent, en sachant que les gens sont influencer à un certain degré par ce qu'ils consomment. On pourrait d'ailleurs commencer, comme le précise l'autrice, par les cours de création littéraire, très axés sur la forme, très peu sur les enjeux et les impacts. Le volet psychologique et sociologiques devraient sans doute être davantage exploité, en cela je suis parfaitement d,accord, car ce sont des composantes auxquelles je suis particulièrement attentive dans mes lectures, même en jeunesse - SURTOUT, en jeunesse. L'élément de genre littéraire ou cinématographique aussi est abordé. Les comédies romantiques sont du bonbon, une sorte de gâterie pour se faire rêver, mais reste l'un des genres les plus mal vus ( après la porno). Comme il s'agit d'un genre très féminin, longtemps il a été perçu comme une catégorie de seconde zone, moins sérieuse. Pourtant, ce pourrait être un genre intéressant s'il n'y avait pas autant de relations toxiques dedans. Est-ce si inenvisageable de voir un couple qui entretient une bonne relation avoir un enjeu hors du couple lui-même? Pourquoi l'enjeu majeur est-il aussi souvent dans le couple lui-même? Pourquoi une fille qui se découvre une liberté relationnelle est-elle perçue comme une ratée? Pourquoi les fins où la fille se choisie sont t-elles perçues comme des fins malheureuses? N'est-ce donc pas touchant, au contraire, de voir une fille avoir la force et le courage de quitter une relation qui lui apportait rien de bon? J'aimerais voir plus de conversations autours de tous ces enjeux autours des relations malsaines. Je commence à en trouver sur les réseaux, mais si peu. Le pire est que nous trouvons des milliers de femmes prêtes à défendre bec et ongle ces romances malsaines et toxiques, que ce soit les films, les séries ou les romans. Comme quoi, le déni peut être terrible quand il s'agit de préserver ses désirs. Il existe sur la plate-forme Booknode deux listes qui, à mon sens , traduit cette réalité dans laquelle de nombreuses lectrices désirent des histoires avec des hommes violents et des relations toxiques [ Notez la popularité de ces deux listes]: "Romances où le gars est exécrable avec la fille": https://booknode.com/liste/romances-ou-le-gars-est-execrable-avec-la-fille "Les personnages masculins bad boys, jaloux, possessifs...: https://booknode.com/liste/les-personnages-masculins-bad-boys-jaloux-possessifs Un des éléments récurrents dans le présent essai est notre perception du 'Mâle" idéal, tel que Mister Big représente. Riche à outrance, sexy, indomptable, terriblement séduisants, amoureux cynique, arrogant, ces "Dieux" masculins reviennent souvent, comme si l'homme à fuir était au contraire routinier, sobre, tranquille, intelligent, raisonnable et issu de la classe moyenne. Comme si l'homme désintéressé ne demandait qu'à être convaincu par LA fille, l’exception. D'une certaine manière, on a l'impression qu'il faut souffrir pour être digne de ce mâle absolu qui va pourvoir à nos caprices les plus fantasques parce qu'il en a les moyens, mais en contrepartie, il faut se soumettre et admettre que sa vision du couple a préséance sur celle de la femme. Et puis, très souvent, ce mâle sexy obscure dominant est aussi très bon au lit. Ça vaut le cout de faire des compromis pour éviter de finir à un homme qui est routinier au lit aussi, non? Comme dans les "Twiligts", les "Fifty Shades of Grey", les "After" et même "365 jours", roman dans lequel une femme est kidnappée, violentée, violée, pour finir amoureuse de son geôlier. J'ajoute que les relations toxiques glorifiées des romans et films d'amour nuisent aussi aux garçons et aux hommes, tout comme la pornographie en sens inverse. Dans les premières on véhicule l'idée que les filles sont sensibles au charme des Bad Boy et autres connards du genre. On véhicule l'idée qu'il est normal d'être dominant envers les femmes. On véhicule aussi l'idée que les garçons gentils, attentionnés et sans histoires dramatiques sont "ennuyeux". Qu'une relation paisible, ça m'existe pas et ça ne se désire pas. Bien sur, et madame Desjardins le souligne, être gentil e attentionné n'est nullement garant d'un retours d'ascenseur amoureux, comme se plaisent à le montrer certaines comédies romantiques, mais il serait faux de faire croire que seuls les torturés fortunés sexy sont les seuls à mériter l'attention de la gente féminine. Surtout quand ces "princes ténébreux" n'aimeront jamais qui que ce soit plus qu'eux même et ne sont prêt à aucuns compromis. Des dictateurs relationnels, en quelque sorte. Dans les second, la porno, on véhicule que les femmes sont des objets sexuels qui aiment la violence, que le sexe est cru et dénué d'affection, ce genre de choses. Bref, il importe, il me semble, de traiter de cette récurrence des rapports toxiques dans les relations amoureuses, mais aussi dans le rapport de genre en général. Et je réitère que le phénomène n'exclut pas la Culture Jeunesse, au contraire, c'est de pire en pire, surtout avec l'arrivé de la littérature Jeune Adulte/Young adult, à tort destinés aux jeunes adolescents alors qu'il concerne les cégepiens et universitaires, ainsi que les séries Netflix qui en contiennent leur large part.J'espère que nos profs seront parmi les premiers à en parler et j'espère que les libraires jeunesse y apporteront une plus grande attention et une plus grande sensibilité. Aussi, il est question des attentes irréalistes qui peuvent être véhiculés par le biais de la fiction dont l'une des plus récurrentes est celle du "Type trop cool, trop beau, bref inaccessible" qui va finir magiquement par tomber amoureux de l'exception personnifiée, à savoir la protagoniste. Classique des Arlequins, des New Romance, des comédies romantiques, etc. Très souvent, la pauvre fille ne se ressemblera même plus pour corresponde aux nombreux critères de ce type, justement. En quoi est-ce même romantique si cet amour signifie de ne plus être soi? Et parfois, c'est plutôt dans l'axe de "la grande révélation", quand le type en question fini par passer par dessus ses préjugés superficiels pour réaliser que la protagoniste est la femme de sa vie. L'ennui, c'est que dans la réalité, ce n'est jamais ça. du coup, ces histoires relèvent du fantasme pur et simple. Encore une fois, la fiction reste de la fiction, mais le problème est que la récurrence de ses histoires, combinés aux frontières floues entre fiction et réalité, contribue, je pense, à donner à nos jeunes des attentes qui sont irréalistes. À force de leur faire croire que n'importe quel beau gars cache un prince charmant et qu'il faut se battre pour le faire sortir, ne contribuons-nous pas à mettre une pression sur les épaules de nos filles? Pourquoi si peu de romans et films ne proposent-ils pas au contraire de savoir s'arrêter quand la relation ne mène nul part ou que le gars "pas intéressé au début", ne le sera surement jamais? Madame Desjardins traite, en outre, des frontières floues entre Fiction et Réalité, en utilisant certaines études pour appuyer sa réflexion. À l'heure des autofictions nés des réseaux sociaux, même la réalité semble souvent fausse ou à tout le moins trafiquée. Comment alors distinguer clairement ce qui relève du fantasmagorique ou du ludique, quand in consomme de la Culture, si même ce qui devrait être "vrai" ne l'est pas vraiment? Les arts et les lettres, tout comme les films, avaient ceci de clair qu'ils étaient des fictions - et même eux ont un impact sur nos valeurs, sur nos perceptions, alors quand les Instagrameurs, influenceurs et même les citoyens lamba se crée une vie de rêve peuplée de voyage, de visages retouchés et d'histoires de couple parfaites, ne vient-on pas en rajouter une couche? L'idée étant que si fiction et réalité se mélangent, risquerait-on de trouver les inexactitudes de l'une sur l'autre? Serait-il donc intéressant de mettre des barèmes, des prises de position sur certains enjeux, comme le sexisme et les relations toxiques, pour éviter que l'incidence de l'un sur l'autre ne devienne une autre façon d'accentuer ces mêmes enjeux? Il y a aussi ce passage où il est question de l'attrait des histories sucrées comme les comédies romantiques et romans d'amour du même genre. L'idée n'est pas de condamner le genre en soit, mais plutôt de rester vigilent, à titre d'auteur ou réalisateur, à ne pas contribuer à accentuer les enjeux liés aux relations toxiques et rapport de genre inégaux. L'idée n'est pas de censurer, de ne plus en parler - au contraire!- Il faut en parler. C'est simplement le traitement choisi qui fait la nuance entre promouvoir ou glorifier et dénoncer ou informer. Certains romans que j'ai lu allaient en ce sens: un jeune embourbé dans une relation inégale et toxique finit par prendre conscience de la souffrance qu'il vit dans cette relation et le fait qu'elle n'aboutira jamais sur sa vision du couple. Au contraire, j'ai lu des romans jeunesse très nombreux qui allaient dans le sens contraire: des filles en couple souvent avec des bad boy égoïstes et mesquins, qui vont passer des mois, voir des années à se battre pour "être dignes de lui", croyant que pour certains petits moments heureux, il faut accepter les méchancetés occasionnelles. Ces personnages vivaient beaucoup de détresse émotive. L'horreur, quoi. Et le pire est que bien souvent, il y a un bon gars pas loin, qui a été "friendzoné", parce que c'est bien connu: les bons gars sont ennuyeux. ( Notez le sarcasme) India Desjardins amorce une interrogation qui me semble légitime et elle le fait avec une certaine douceur, sans rien enlever à la pertinence de son propos. Il se lit somme toute très bien, avec des références à l'appuie, notamment une psychologue spécialisée en relations conjugale. Elle couvre sur un large spectre, passant des séries télévisées aux films, en donnant de nombreux exemples. Aussi, elle passe souvent sur l'évolution de ses perceptions, et c'est un élément pertinent: avec le temps et l'expérience, en effet, notre vision change. Certains seront peut-être plus chatouilleux/euses que d'autres à reconsidérer leur avis sur ces films et romans qui ont marqué leur jeunesse, mais c'est un exercice intéressant à faire. Ce petit ouvrage fut riche en réflexion et j'espère le voir meubler les bibliothèques autant des adultes que des ados, des bibliothèques municipales que des bibliothèques scolaires. Un petit essai que j'espérais voir apparaitre depuis plusieurs années et que je suis soulagée de voir enfin. Ça me fait d'autant plus plaisir qu'il s'agit d'une autrice de ma province et qui aura eu le mérite de ne pas tomber dans le piège des relations fantasmagoriques qui se vendent allègrement au lectorat des adolescentes avec sa propre série jeunesse. Je conclus en formulant le même souhait que madame Desjardins: Celui où on cessera de braquer les projecteurs sur ces mâles narcissiques, égoïstes et toxiques au profit de ces hommes capable d'amour. Personne, pas même dans les fictions, ne mérite de subir un sort aussi peu enviable, parce que l'amour est un beau sentiment qui ne mérite pas de devenir le poison de tant de femmes et de filles ( et parfois même de garçons et jeunes hommes, j'en ai lus ) . Je ne peux qu'espérer que les consciences seront de plus en plus éveillées au phénomène de la glorification des relations toxiques, surtout pour notre jeunesse plus vulnérable et plus impressionnable. La clé demeure l'éducation. Pour un lectorat adulte, mais pourrait servir dans les écoles secondaires, dans le cadre des cours de société, psychologie ou de sexualité pour nourrir des débats, alimenter des discutions et faire des prises de conscience. Pour la Jeunesse, je vous invite à voir l'album "Entre le lapin et le renard - Un conte dépourvu de fées", de Nathalie Lagacé, aux éditions Isatis, collection GRIFF.
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Le secret des livres volés

Par Florence Jenner-Metz et Caroline Ayrault
(2,0)
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Un vol a eu lieu dans la librairie Aux mots doux. le voleur s'y est glissé en douce une nuit, en utilisant son savoir des serrures pour crocheter l'arrière du bâtiment. Il laisse à la place du livre visé une porcelaine en forme de fleur. Quand la famille Dominique réalise le méfait, les deux enfants, Tiffany et Tomi, se lancent sur ses traces. D'autres livres ont été volés dans d'autres librairies, tous du même auteur, Rémi Tourgen, expatrié de France ayant vécu en Australie et mort depuis quelques jours. Avec l'aide d'Oscar et de leur chien Dobby, les trois enfants tentent de trouver le voleur. D'habitude, j'aime beaucoup les romans de la collection Deuzio, mais celui-ci m'a semblé très tiré par les cheveux. J'ai conscience que ce n'est pas facile de faire des enquêtes avec des personnages jeunes, mais tomber dans la facilité n'est pas souhaitable non plus. Déjà, je suis un peu étourdie par la présence déraisonnable des points d'exclamation. Bon sang! On a l'impression que les personnages sont toujours en train de crier, s'exclamer ou de capoter ( Québécisme: disjoncter/paniquer). Et les dialogues manquent beaucoup de naturel, notamment quand ils nomment des choses qu'on ne mentionne pas à l'oral d'habitude ou qu'ils embellissent des phrases inutilement. La plume est jolie, elle est juste parfois pas assez précise sur certaines des actions ou certaines séquences. Quand à l'enquête elle-même, sans dire qu'elle est incohérente, elle est simplement trop simpliste. La devinette de la fin, où il fallait deviner les éléments des couvertures des livres susceptibles de mener à un trésor s'est fait en dix minutes top chrono, avec une déduction réussie au premier coup pour chaque livre, alors que personne n'était là pour valider. On a dressé un portrait-robot grâce à la mémoire d'Oscar ( vraiment?!) et au talent de dessinatrice de Tiffany ( en plus?!). Ce qui me laisse perplexe tout-de-même, est le fait que la voleuse a eu assez de bon sens pour employer son talent la nuit, loin des regards, mais pas pour cette quatrième escapade en librairie? Ce qui a permit à nos enquêteurs en herbe de voir son visage et de faire son portrait. Ah ben, assez simple, en fait et quelle chance que la voleuse ait changé son mode opératoire. Plus loin, il y a aussi le fait que commodément, le grand-père d'Oscar connaissait l'auteur des albums ( on parle d'un gars qui a quitté le pays depuis 70 ans quand même et qui n'a donc pas du connaitre beaucoup de français). Quel hasard commode! Bref, je ne vais pas tous les ramener ici, je résumerais en disant que tout est trop commode et très expéditif pour une enquête. Et je suis un peu perplexe devant ce père qui, à deux reprises, donne une consigne à ses enfants de ne pas trop s'avancer dans cette enquête, mais qui, à deux reprises, passent outre. " Vous avez été formidables, même si vous avez désobéi. Vraiment je suis fiers de vous!". Et ben, en voilà un parent incohérent. Dernière chose, je trouve que les adultes en beurraient épais sur l'exceptionnalité de leurs enfants, alors que très franchement, ils sont surtout extrêmement chanceux. Dans les points positifs, ça se lit somme toute bien. Attention, il y aura des divulgâches. La fin est quand à elle un peu malaisante, car on excuse les vols par une histoire certes touchante, mais qui n'excuse pas de voler des livres. Je vais être honnête, je m'attendais à avoir une raison TRÈS sérieuse pour justifier un vol de livre, et encore. Étant libraire moi-même, les vols, je suis familière avec ça. Et la réalité, c'est que ça nuit vraiment. Je dirais aussi qu'il existe des options bien moins problématiques au problème du personnage, comme d'acheter des livres usagés, moins chers. C'est dur d'avaler que "je les voulais pour moi". Oui, comme beaucoup de gens. C"est d'ailleurs l'intérêt des accès aux bibliothèques qui donnent justement le droit aux gens de lire gratuitement. La voleuse explique aussi que "il aurait pu me les offrir ces livres, c'est quand même un peu grâce à moi qu'il est célèbre". Ah oui? Alors, je comprend que cette personne s'est donné le droit de voler des livres parce qu'elle croyait les "mériter". C'est censé excuser sa conduite? Ça sonne dangereusement comme une sorte de vengeance teintée d'amertume. La voleuse a laissé les fleurs sur place pour "laisser quelque chose de précieux en échange", mais là encore, ça n'excuse pas son geste, ça ne fait qu'apaiser ses propres remords. Désolée, Rose, moi , je n'achète pas ces justifications. C'est peut-être mon côté fortement honnête qui fait ça, me je n'adhère pas aux excuses criminelles facilement, en littérature jeunesse comme en littérature adulte et ici, la raison est à la limite du risible. À la rigueur, voler pour ne pas mourir de faim est en partie excusable, mais pas pour le simple caprice de posséder des choses, à mon sens. Et qu'aucuns personnages n'aient au moins soulevé le côté immoral de la choses, attendris par son histoire avec l'auteur des albums, ça me chicote. Je me demande ce son ami auteur aurait pensé d'elle s'il avait su de quelle manière elle avait décidé d'obtenir ses livres...C'est même un peu étrange pour un livre dédiée aux libraires de parler de vols de livres. Dans le livre, les libraires des librairies volées font même une fête pour célébrer la découverte du trésor remit à notre voleuse, qui s'en tire sans le moindre reproche. Ah ben. Malaise. Bref, je ne suis pas impressionnée et je ne vais sans doute pas garder ce livre en tête, mais c'est là mon avis personnel. Pour un lectorat intermédiaire du 3e cycle primaire, 10-12 ans
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Hôtel de la paix

Par Emmanuel Villin et Michèle Standjofski
(4,0)
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Incontournable Roman Février 2024 Voici un petit roman qui ose un thème actuel, celui de la guerre, mais dans un cadre que je n'avais jamais vu, celui d'une entreprise familiale. Bastien vit dans un hôtel, celui tenu par son père, véritable carrefour de voyageurs de tout horizons. Ce petit monde pétillant se retrouve un jour en plein conflit civil. Ce qu'ils ont prit pour des feux d'artifices se révèlent être des détonations d'armes à feux. Alors que les mois défilent, la situation dégénère. Les clients de l’hôtel sont remplacés par des journalistes des quatre coins du monde venus commenter la guerre, le sous-sol servant de piste de danse devient le bunker en cas d'alerte à la bombe et bien que Bastien continue à aller à l'école, il arrive aussi souvent qu'il fasse l'école à la maison. Le seul aspect qui semble positif dans ce décor peu réjouissant est le fait que Bastien rencontre des gens fascinants qui lui apprennent pleins de choses pratiques. Il en vient même à formuler le souhait de devenir journaliste. Un jour, un père et sa fille débarque à l’hôtel, sans logis et presque sans bagages. Kazan et Liza sont invités par Bastien a rester vivre ici, dans l’hôtel et par la suite, Kazan deviendra un interprète auprès des journalistes, tandis que Liza devient amie avec Bastien, seule autre enfant du bâtiment. Et bientôt, les deux enfants seront au cœur d'une opération périlleuse: Retrouver le père de Bastien, kidnappé par une faction militaire quelconque. C'est une histoire relativement courte et expéditive, qui pose un regard un peu survolé de la guerre, mais qui soulève deux ou trois aspects pertinents. Pour Bastien, la guerre est absurde, comme elle l'est sans doute pour beaucoup de gens. De son point de vue, nous voyons un petit commerce reconverti en base d'informations et le ballet des journalistes et des photographes venus informer le monde du conflit et les dangers de se promener dans le rues, où des altercations surviennent. En soi, nous le voyons un peu de loin, ce conflit, on ne verra pas de scènes de combat ni de violence évidente, hormis l'enlèvement du père de Bastien. Ces enlèvements étaient courant en ces temps de guerre, pratiqués pour effrayer les gens et/ou réclamer de l'argent. L'élément qui m'a semblé le plus marquant est celui des enfants armés. Le personnage de Ralf en est un. À peine plus âgé que Bastien et Liza, il fait parti de la faction venu enlever le père de Bastien. Orphelin et jeune ado intimidé, il semble avoir choisi une voie pour tenter de s'en sortir. Bastien est convaincu que s'il peut traiter avec lui, il aura plus de chance de retrouver son père. Une théorie qui repose sur leur statut commun "d'enfant". Il retrouvera sa trace grâce à un jardinier et parviendra, avec l'aide de la très loquace Liza, à le convaincre de les aider à relâcher le père de Bastien. Elle le fait notamment en invoquant le fait qu'après le conflit, il y aura un après et qu'il n'est pas sans risque d'être tué ou éventuellement jugé. Bastien lui promet même une place à l’hôtel pour se faire un nouveau départ dans la vie. Dans les autres éléments, je remarque le fait que la vie se poursuit durant la guerre, l’hôtel fonctionne, l'école aussi. Ce doit être un quotidien semi-normal, où il y a de la continuité mêlée de dangers. Une étrange situation, quand on y pense. À partir d'ici , il y aura des divulgâches. J'admets que la fin m'a semblé d'une grande facilité, un peu "trop belle" pour être réaliste, mais je me dis que pour un lectorat 8-9 ans, on ne peut sans doute pas tomber dans des récits de guerre trop confrontant ( même si des enfants de cet âge vivent des guerres bien traumatisantes chaque jours). Je comprend l'auteur d'avoir voulut tabler su l'espoir. Donc, Ralf, qui était responsable de surveiller le papa de Bastien durant leur transition vers une autre planque, parvient à le faire évacuer tout en s’enfuyant. Ralf et le papa réintègrent donc l’Hôtel en un morceau. Le presque-ado se voit confier un travail à l’hôtel tel qu'il lui avait été promis et des années plus tard, quand la guerre a cessé enfin, il a même prit la tête de la direction. Pour citer Bastien: Comme Liza l'avait prédit, la guerre a fini par s'arrêter. Personne ne sait pourquoi. Les raisons pour lesquelles une guerre cesse sont sans doute aussi idiotes que celles pour lesquelles elle démarre." L'amitié de Bastien avec Liza, ainsi que ses rencontres avec les divers personnes ayant fréquentés l’hôtel en temps d guerre demeurent les seules choses positives à en tirer. Maintenant, il faut tout reconstruire et espérer que la paix dure. Le roman est illustré, servit dans un français accessible. Je réitère que le but n'est sans doute pas de servir les détails les plus lourds de la guerre, parler de maisons détruites, de personnes kidnappée et d'enfants soldats sont déjà des éléments dérangeants. Nous sommes dans un pays sans nom, nous pourrions être n'importe où. Je pense que ce genre de petit roman va surtout servir à introduire le sujet de la guerre, à un moment où elles ne sont guère loin de nous, à un écran près. Et les romans qui en parlent pour cette tranche d'âge de lectorat demeurent relativement peu nombreux. Pour un lectorat à partir du 2e cycle primaire, 8-9 ans+
Shaynning a apprécié, commenté et noté ce livre

Capharnaüm

Par Pénélope Bourque
(4,0)
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Incontournable Roman Février 2024 Capharnaüm est une étrange petite bête, qui tiens à la fois du huis clos, du thriller et de la psycho noire. Sait-on si on surfe sur un cas particulièrement grave de déni lié à un trouble obsessionnel compulsif de type amasseur, d'un cas de négligence parentale perturbant ou d'un réel cas de maison-ogre éternellement affamé qui semble toujours à deux doigts de manger ses propres habitants? L'histoire nous le dira, comme on dit. Anne vit dans le moment présent chaque jour, car sa mission est de dégoter un objet à sacrifier à sa maison qu'il n'a pas déjà gouté. Celle-ci n'en fait d'ailleurs même pas de réels encas, recrachant toutes ses offrandes pour former un réel bazar d'objets à moitié grugés un peu partout dans la maison, qu'Anne ne peut en aucun cas déplacer ou jeter à la poubelle. Sa maison est donc devenu un véritable capharnaüm de vestiges d'encas pour maison-monstre. Une maison qu'elle a l'impression d'habiter seule, sa mère étant continuellement enfermée dans on atelier, à coudre des vêtements. Les choses sont appelées à changer quand une jeune fille, Marguerite vient d'emménager juste à côté de sa maison. Une jeune fille qui a un féroce désir d'avoir une amie et qui a découvert un héron blessé. On dit que pour réussir un roman d'épouvante, il faut savoir créer la bon atmosphère. le moins qu'on puisse dire est que l'ambiguïté est bien là. Nous sommes pratiquement toujours dans la maison d'Anne, d'où le côté huis clos, où la jeune fille consacre tout son temps et son énergie à chercher de quoi nourrir sa maison. Mais est-ce vrai? Je me suis longtemps demandé si ce n'était pas une projection d'Anne, qui meuble le vide laissé par l'absence de sa mère, toujours confinée dans on atelier de couture, à travailler. Si toutes ses "quêtes d'objets" ne servait pas à canaliser sa colère, son impuissance, car elle vit ces émotions. Anne vit littéralement seule, elle n'a pas croisé sa mère depuis des semaines, se nourrissant des item alimentaires qui apparaissent ponctuellement dans le garde-manger et le frigo. Je ne peux qu'imaginer la détresse d'une enfant qui n'a aucun contact avec d'autres humains, c'est terrifiant. Les contacts avec les pairs chaleureux font parti des besoins de base des humains, qui sont grégaires, et un isolement prolongé crée de réels enjeux de santé mentale et peut mener la psyché à créer des choses pour se protéger de cette absence de contact. Ce qui me mène à mon autre questionnement: Marguerite est-elle réelle aussi? Ce personnage débarque un beau jour et j'ai trouvé sa façon d'entrer en interaction un peu intense, quelque peu imposé. On comprendra plus tard qu'elle a ses propres insécurités et une anxiété mal contrôlée et envahissante, surtout en matière de pensées intrusives. Marguerite imagine souvent le pire, butte sur des détails en apparence anodin, comme le fait de donner un nom au héron, par exemple, ou sa peur quasi phobique des acariens. Elle semble avoir des crises de panique et craint de perdre son amitié avec Anne, même si c'est elle à la base qui s'est imposée. Ça semble négatif , dit comme ça, mais force est de constater que c'était peut-être ce qu'Anne avait besoin. Elle était trop occupée à ses recherches d'objets pour se donner de le temps de socialiser et n'a sans doute pas les meilleurs habiletés sociales pour le faire. Un paradoxe, quand même, pour une personne aussi carencés en vitamines sociales. Mais sur le coup, comme Marguerite semblait si parfaite dans son profil pour Anne, je me suis demandée si c'était un réel personnage. Surtout qu'on ne voit jamais ses parents. Néanmoins, Jamais Anne ne se pose la question, alors c'est peut-être là le résultat de mes propres extrapolations. L'arrivé combinée de Quenouille, le héron rescapé, et Marguerite, jeune fille angoissée, va demander à Anne d'exploiter de nouvelles forces qu'elle ne se savait pas. Son sens pratique, par exemple. le soucis réside dans le fait qu'Anne doit toujours nourrir sa maison affamée et qu'elle l'ignore maintenant qu'elle est occupée à trouver de quoi nourrir Quenouille ( tient, un autre qui a besoin de nourriture!) et nourrir son amitié. La différence avec la maison, c'est que nourrir l'un et l'autre n'est pas à sens unique. le héron et Marguerite deviennent ses amis, ses pôles sociaux, des générateur de confiance et des facteurs de protection. Il y a réciprocité, contrairement à la maison. Lentement, mais surement, Anne comprend que sa vie dans la maison-ogre ne sera qu'un long cercle vicieux qui à terme, viendra à bout de sa propre vie, une vie consacrée à remplir une maison éternellement insatisfaite. J'aime croire que c'est là une belle allégorie pour une relation toxique: une relation à sens unique, un éternel recommencement dont l'un des membre ne tire aucun avantage, au contraire de l'autre, l'éternel bénéficiaire capricieux, où tout est orienté vers ses besoins, au détriment de ceux de l'autre. Un cul-de-sac relationnel, en somme, qui ne peut aboutir qu'à une seule issue logique, si elle continue: l'effondrement de la victime. Il faut énormément de force et de courage pour se sortir d'une telle situation, surtout que changer des comportements est à la base un acte difficile à faire pour une personne. Anne doit s'affranchir de cette maison, qui semble avoir "eu" sa mère, qui ne sort plus de son atelier. Il faut briser le cercle vicieux. Il faut quitter cet environnement malsain, qui brime sa vie. Dehors, il y a toutes ces choses à apprendre, qui semble lui faire défaut. Dehors, il y a Marguerite, grande anxieuse sociale, qui a envie d'être son amie et veut affronter le monde avec elle. Pour ça, il faut trouver une solution. Et quand la maison commet l'outrage de capturer Quenouille, puis son précieux bracelet d'amitié, cette fois, Anne comprend que c'est allez trop loin. Je regarde l'amitié d'Anne et Marguerite avec une certaine perplexité. Il faut dire que le contexte est très étrange, cela n'aide en rien. Marguerite, par exemple, a su "d"instinct" qu'Anne serait son amie, mais au regard de ses enjeux d'ordre social, il me semble plutôt qu'elle est désespérée d'avoir une amie. En amour et en amitié, on ne peut faire tenir les bases sur quelque chose d'aussi bancal qu'une "intuition", ce fameux "je l'ai su au premier regard". C'est un peu de la pensée magique, quelque chose qui me semble très irrationnel. Pour que cet "instinct" serve à quelque chose, il fait des piliers plus solides, comme la confiance, le respect, des intérêts partagés ou encore une complicité sincère. Ce fut ardu, mais certains de ces éléments sont arrivés en cours de route, mais encore là, ils m'ont semblé un peu forcés. Les deux filles ont besoin d'une amie, mais ce serait dommage que cela en vienne à de la co-dépendance. Reste qu'à quelque reprises, elles se sont soutenues dans l'adversité et ont su trouver les mots pour décrire leur situation hors-norme de part et d'autre. En outre, Anne possède le côté terre-à-terre et le sens pratique qui manque à Marguerite et celle-ci possède une forte solidarité et une ouverture d'esprit dont a besoin Anne. On peut dire qu'elles se complètent bien, il faut juste souhaiter que cela les amène à développer leur estime de soi sans tomber dans la dépendance de l'autre. Mais ça, je ne suis pas sure qu'on le saura. Je dirais que cette histoire possède une audace que j'apprécie. S'affranchir d'une situation malsaine, parler de la colère d'être seule sans son parent, profiler une amitié tout en parlant d'anxiété à la limite du trouble, ça me semble audacieux. C'est une histoire inconfortable, perturbante, qui pourrait être le résultat d'un esprit juvénile compromis ou un réel cas de monstre-maison qui détruit des vies. Les questions qui s'accumulent sur ce qui se passe dans cette fameuse maison nous tient en haleine et les relations balbutiantes entre Anne, son héron et sa voisine ont un avenir incertain, il y a de quoi se demander tout au long de l'histoire où cela nous mènera. Il y a aussi un beau travail sur le plan émotionnel. L'autrice a prit le temps de nous faire visiter la psyché de son personnage, ses inquiétudes, sa colère et ses espoirs. Les questionnements et les focus émotionnels ralentissent le rythme de l'histoire, mais tous les thrillers n'ont pas être expéditifs non plus. Certains thrillers sont centrés sur le vécu intérieur des personnages et c'est pertinents, spécialement dans un huis clos. Et dans le cas de Capharnaüm, c'est l'aspect cyclique qui est horrible, cette situation sans issue dans laquelle notre jeune pré-ado doit faire évoluer sa pensée pour espérer s'en sortir. C'est donc, à mon sens, un bon choix de prendre le temps d'asseoir le volet psychologique, pour mieux cerne en quoi cette situation est terrifiante et compromettante. J'aurais apprécié plus de descriptions des personnages, c'était difficile de les imaginer. Comme Marguerite a été décrite avec des boucles noires et des yeux foncés, je me plait à penser qu'elle est aussi noire de peau, parce que je continue de penser que des enfants au profil ethnique autre que caucasien, il en manque. Attention, divulgâches en vue! Quand à la fin, il reste des zones d'ombre. Cette maison en a-t-elle réellement fini? On peut imaginer que cette maison qui croulait sous les immondices va probablement finir détruite, surtout avec ce mur effondré. Je me demande encore comment la nourriture est apparue dans la cuisine. L'adulte que je suis se demande comment un adulte peut resté confiné dans une pièce sans voir à ses obligations, comme gérer les factures d'hydro ou faire des impôts, mais bon, là je sais que j'extrapole beaucoup, Néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser à tous ces enfants négligés qui ne se font pas signaler à la DPJ, la protection de la jeunesse. Pour la fin de l'histoire, je pense que le montre-maison avait "dévoré" la maman dans son atelier. On peut imaginer qu'elle cousait pour lui faire des choses à dévorer ensuite, mais à savoir comment elle pouvait offrir un vêtement neuf chaque jour à sa fille reste un mystère. Si Anne et sa mère iront vivre ailleurs, nous n'avons pas toutes les réponses à leur situation antérieure. Mais ce qu'on sait, c'est que la maman n'est pas sortie indemne de son atelier. Il me semble que ce seul aspect est effrayant. Bref, je suis assez globalement convaincue de ce livre, qui articule des sujets qu'on croise peu souvent en littérature intermédiaire. Si tout n'est pas très claire à la fin, reste que les romans du genre fantastique-horreur le sont souvent. Parfois, il faut accepter que tout n'aura pas de réponses, quand on a une situation qui relève du surnaturel, même la maniaque des détails que je suis trouve ça bien difficile à faire. Pour un lectorat intermédiaire du 3e cycle primaire, 10-12 ans+
Shaynning a apprécié, commenté et noté ce livre

La ville grise

Par Torben Kuhlmann
(4,0)
1 personne apprécie ce livre
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Incontournable Album Février 2023 L'auteur-illustrateur, qui nous a livré la fratrie d'albums sur ces petites souris à l'origine des grandes inventions technologiques du monde moderne, propose un nouvel espace, un espace d'une mélancolique homogénéité grise où l'esprit humain semble maintenu entre quatre murs de béton, pour d'obscures, mais très certainement discutable raisons. Nina observe une ville dominée par de hauts grattes-ciels dépersonnalisés baignant dans une brume d'échappements d'usines, tel un petit poussin égaré contemplatif. Elle et son père viennent de déménager en ville, ce qui n'est guère pour lui plaire et comme un malheur ne vient pas seul, cette ville est dépourvu de la plus élémentaire trace de couleurs. Il n'y a pas de verdure végétale, pas la moindre fantaisie de revêtements de surface, les gens limite leur garde-robe à la palette des gris, de même que les diverses nuances offertes en peinture à la quincaillerie. Dans cette ville, les arts sont pratiqués en cachette, les couleurs sont jugées dérangeantes "pour certains" et les habitants semblent y évoluer sans entrain, plus mécaniques que réellement dynamiques. Nina n'est qu'une petite chose dans cet empire de béton et d'angles sévères, mais comme le mentionnait si justement une critique* que j'ai pu lire: Nina est un "Petit grain de sable jaune dans les rouages grisâtres d'un régime totalitaire". Et les grains de sable, c'est bien connu, peuvent à eux seuls être les éléments susceptibles de produire des changements. Il y a quelques années, j'ai lue dans une charmante petite BD amateure la citation suivante, de Anthony Burgess, un écrivain britannique: "L'art, parce qu'il est liberté, est aussi subversion. Aucun État ne peut aimer les artistes, à moins qu'ils ne disent ce qu'il souhaite entendre. Ce qui est la négation de l'art." Cette citation me revient en mémoire quand j'observe, à l'une des pages, cette fresque en apparence inoffensive d'un poisson rouge dans l'eau, casque audio sur les oreilles, peinte sur l'un de ces immenses murs d'une extrême froideur de la ville. Nina s'y est arrêté pour le contempler. L'art de la rue m'a toujours semblé l'une des formes les plus audacieuse des arts, parce qu'il demande à être réalisé en un temps records sur des bâtiments sans avoir le droit de les réaliser. Subversif? Assurément! Sa simple présence est un acte de contestation. Et il est en couleurs! L'art de rue rappelle qu'il y a des artistes et donc, des gens qui échappe aux tentatives de contrôle des états totalitaires, ou non. Là où il y a des arts qui ne sont pas au service de l'état, il y a liberté. Ce qui me rappelle un film, cette fois: "Bienvenue à Pleasantville". Dans ce film, deux ados sont propulsés dans un monde fictif de la télé, Pleasantville, une petite communauté sainte-nitouche au possible, dans la plus pure tradition des stéréotypes de genre et de la pensée Blanche catholique américaine. Et soudain, la présence de nouvelles idées, de nouveaux comportements, de la part des deux ados, bousculent leur univers si carré et conforme, pour se teinter littéralement de couleurs ( le film passe ainsi de "noir et blanc" à "version couleur" par fragments). Tout comme dans ce film, ce qui est "coloré" dérange, n'est pas admissible et est soumis à la censure. Pourquoi? Faut-il une réponse logique à cette question extrêmement subjective? Parce que "c'est comme ça? Que c'est pour le bien commun? Parce que l'ordre établit et consensuel ( selon les autorités), c'est ce qui est attendu? Ou alors, parce que le changement dérange les acteurs qui ont un impératif besoin de contrôle sur les autres, parce que leur esprit obtus et rigide ne tolère pas ce qui est différent, ce qui échappe à leur compréhension? Et dans l'album, il a divers éléments qui deviennent rapidement "subversif" selon cette autorité auto-proclamée et soi-disant "ouvrant pour le bien-commun": Les livres en couleurs, honteusement relégués au fond d'une bibliothèque aux étagères dégarnies; la musique, jouée en cachette dans un appartement; les scènes de théâtre, dépourvue de son rideau rouge et de ses dramaturges; les vêtements de couleurs, qui valent à notre protagoniste un séjour dans la salle de théâtre reconvertie en salle de diffusion de propagande, avec cette vielle télé et ses vieux VHS supposés inculquer quelque bons "comportements sociaux souhaitables: Adaptation, obéissance et discipline". Il y a de quoi rire jaune, surtout quand c'est la couleur de son propre imperméable. Café Gris, dessins gris, uniformes gris, cahier de travail "Gris", cinéma gris en Techigrey, logos Gris pour la ville, programme de télésurveillance Gris, l'Usine GRIS, au l'aura vu disséminé un peu partout, sur les affiches, les objets, sur les gens, le Gris est omniprésent, en couleur, mais en nom aussi. Ouvrez l'oeil, votre malaise ne tient peut-être pas simplement au texte. D'ailleurs, les miens ont remarqué avec consternation l'emplacement de la bibliothèque, littéralement compressée sous l'un des immenses compartiments de l'usine GRIS, le B5. Il y a quelque chose de profondément heurtant dans cette image, quand on voit un lieu de diffusion du Savoir et de la Culture injustement tassé dans un coin indigne, comme un bâtiment non-essentiel, mais probablement laissé là à dessein. Après tout, dans un régime totalitaire, la Culture est soudain écrasée comme un cafard, si elle ne promeut pas les valeurs et les théories du Parti au pouvoir. Dans cette bibliothèque, les rayonnages ont dépouillées de ses livres aux couverture en couleur ou ayant des illustrations en couleur, remplacés par les huit ou dix livres officiels de GRIS. Et comme dans la sombre époque de l'Index au Québec, on retrouvera les vrais livres dans une pièce secrète, tout au fond, pour les lecteurs les plus audacieux qui iront les y chercher. Comme j'aime m'attarder sur la psychologie dans les oeuvre, je ne peux pas tourner un coin rond ( et gris) en ne mentionnant pas le très systématique et systémique processus d'homogénéisation psychosocial qui s'opère ici. Ce n'est pas seulement une histoire de couleurs, c'est une histoire de contrôle et le contrôle est plus simple à faire quand les différences sont faciles à voir et que la pensée est la même dans toutes les têtes. Il faut donc un cadre très rigide de comportements attendus, de codes esthétiques simplets, d'un minimum de diversité artistique ( voir aucune de préférence), de code de conduite avec un système punitif et infantilisant pour corriger les récalcitrants, etc. On retire les coiffures funky, les voitures se ressemblent toutes, le code vestimentaire est restreint à peu de chose et les bâtiments expriment un ennui et un cubisme affligeant de laideur. On assiste à de la bonne vieille dictature uniformisante, en somme. Dans ce monde, on pense en gris, parce qu'on veut que les gens se ressemblent tous. Ainsi, l'ordre, ou plutôt l"apparence d'ordre prend le pas sur tout et laisse un monde d'une implacable mécanique bien rodée. Quelle pitié que ce monde édulcoré et sans attrait, épuré de son potentiel créatif. Un monde contre-nature, pour une politique qui l'est tout autant. À partir d'ici, il y aura des divulgâches. Heureusement, comme j'aime souvent le rappeler, l'espoir est dans notre jeunesse, qui a le potentiel de réinventer le monde qu'il n'a pas encore contribué à façonner. Nina, en affichant son imperméable jaune, est par conséquent considérée comme un rouage défectueux, une sorte de vilaine tache dans le panorama gris. Après le vidéo moralisateur et la visite d'un "officiel" qui en sait pas mal trop sur elle, Nina se sent plus que jamais le besoin de réagir. Après avoir étudié la chromatologie dans un livre de la bibliothèque secrète, elle comprend alors que le gris, bien qu'il puisse être le produit du mélange entre le blanc et le noir, peut aussi être le produit des couleurs! Elle élabore un plan avec l'aide d'Alan, le garçon qu'elle a rencontré durant sa retenue, un autre porteur de couleurs comme elle, pour investiguer la compagnie qui produit la peinture grise. Après un sabotage des commandes du bureau de contrôle, des nuances de couleurs ont commencés à apparaitre partout et la compagnie ne pouvait plus mentir en arguant de pas avoir de couleurs, puisque son secret était percé à jour. Il ne fallut guère de temps aux citadins de retrouver leurs habits en couleurs, comme si un tout petit geste manquait aux gens pour oser. Il n'y eut ni violence, ni éclat, seulement un retour de teintes colorées dans la peinture. On peut déduire que les choses changeront progressivement. On peut aussi imaginer que les gens ne voudront plus faire marche arrière, ayant eu le gout d'un monde en gris, mais rien de garanti le retours de toutes les libertés. Pour le moment, seules les couleurs ont regagné leur statut. Et c'est un début. J'imagine que le bris de confiance envers les instances devrait être un bon catalyseur de changement, car maintenant que les gens savent les cachoteries du régime en place, il est plus facile de contester leur légitimité et moins adhérer aveuglément à leur perceptions du monde. Le texte est assez long, j'estime donc que pour une lecture seule, les 10-12 ans du 3e cycle sont les plus qualifiés pour cette lecture, et il en va de même pour la compréhension générale des thèmes de ce livre, quand même plus poussés que la majorité des albums jeunesse. Une lecture feuilleton pour les 8-9 ans reste envisageable, je pense qu'ils peuvent cerner le côté "oppressant" et absurde de cet univers, ainsi que le côté militant de Nina, qui part en croisade contre le méchant système. Quand aux ados, ça pourrait assurément leur plaire aussi et ils vont sans doute mieux cerner les détails semés un peu partout dans les non-dits et les illustrations. Peut-être pourront-ils faire des parallèles avec certaines dictatures réelles, également. Enfin, mention aux superbes illustrations en aquarelle, où le jaune est réellement puissant dans ce monde gris. J'aime que les tubes de peintures de la pages de garde reviennent dans la boutique de loisirs créatifs où Nina scrute les produits par sa vitrine. Toutes ces déclinaisons de gris, avec chacune son petit nom, a ceci de bien qu'il en va de même pour toutes les couleurs. S'il en existe autant seulement pour le gris, imaginez maintenant le répertoire chromatique entier! J'aime également que les plans varie, de manière à accentuer le ressenti du point de vue du lecteur: Plan en plongée pour cet homme officiel qui vient menacer Nina, larges plans panoramiques pour montrer les imposantes infrastructures de cette ville aux apparences de métropole, à la fois tassée sur elle-même en raison des gratte-ciels, mais aussi vaste au regard de l'Usine Gris qui occupe un espace déraisonnable dans la ville. Nina, mon petit poussin minuscule dans cet espace impersonnel et artificiel, me semble être le point focal sur lequel même nous, lecteurs, nous rattachons pour ne pas s'égarer dans cette immensité grise. Inversement, quand les couleurs se montrent enfin, elles occupent tout un espace, comme de petits coins de paradis bien cachés. Dans un style réaliste précis et rendu avec une minutie remarquable, monsieur Kuhlmann nous offre encore une fois de quoi régaler l'oeil. J'ajoute que ce style graphique rend aussi ses albums très large spectre sur le lectorat, autant pour les jeunes du lectorat intermédiaire que pour les ados, les jeunes adultes et les adultes. À l'heure où la démocratie recule dans le monde, il est sans doute bon de rappeler que nos droits et nos libertés tiennent à peu de chose et qu'il est somme toute facile de les contester au nom de la paix sociale et du maintient de l'ordre. Néanmoins, il serait également bon de souligner, comme cet album le fait, que les diversités jouent un rôle essentiel dans cette liberté et qu'elles sont menacées par des pensées et des visions radicales. Les arts, la culture et l'expression des différences sont d'excellents indices d'une santé sociale. Il importe d'entretenir une saine méfiance quand leur présence et leur expression sont menacées, car cela ne sera à l'avantage que d'un petit groupe avide de pouvoir et convaincu de leur propre importance. Et rappelons-nous que nous avons tous un pouvoir, celui de choisir ce que nous pensons et entreprenons. Pour un lectorat intermédiaire à partir du 3e cycle primaire, 10-12 ans *Critique d'Ileauxtrésors, Babelio, En ligne
Shaynning a apprécié, commenté et noté ce livre

Semer des soleils

Par Andrée Poulin et Enzo
(4,33)
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Incontournable Roman Février 2024 "Semer des soleils" est un hybride entre le roman graphique, le roman et la poésie, classé en "romans" dans notre librairie. Il s'attaque à un sujet sensible, mais toujours aussi pertinent: L'impuissance face à la guerre. Je rappelle que la littérature jeunesse est une boîte à outil autant qu'une source de plaisir et d'émancipation, il est donc normal et souhaitable que même les sujets les plus délicats soient abordés. Derrière la guerre, il y a des émotions désagréables, des notions contradictoires et une réalité difficile à traiter pour les enfants n'ayant connu que la paix. Avec sa poésie et sa délicatesse pertinente, Madame Poulin nous offre autant une piste de réflexion qu'une incursion dans la psyché d'un jeune humain. Théo ne s'y attendait pas, mais un jour, la guerre s'est invitée dans son salon. Sur l'écran de la télévision, des images choquantes, une violence insensée, des gens en danger. Et surtout, des tas de questions qui n'ont pas de réponse claires. Depuis deux mois, la guerre en Ukraine fait rage, accumulant les images pénibles à regarder et les actes d'une monstruosité absurde. Surtout, depuis deux mois, Théo ne sait pas quoi faire de ses questions sans réponses qui habitent sa tête. Alors que les gens tout autours semblent regagner leur normalité, Théo ne comprend pas comment c'est possible de faire comme si de rien n'était, comme si ce qui se passait si loin de son pays ne les concernait pas. L'impuissance le ronge et avec elle, son quotidien n'est plus paisible. Il a des cauchemars, ses questions se heurtent à l'impuissance de son père, qui ne sait plus quoi lui dire et lui demande de ne plus poser de questions. Théo regarde ses amis jouer à la guerre, alors que des enfants de guerre rêvent de jouer à la paix. Que faire? Que penser? Les illustrations sont de Enzo, un habitué des albums jeunesse ces dernières années et qui nous a encore une fois, livré un belle exécution, à la fois sobre et percutante. La couverture donne bien le ton. L'écriture est quelque part entre le roman et les vers libres. Il y a des titres pour les pages, mais pas de chapitres à proprement parler. Parfois, le côté concis du texte, rend le message encore plus percutant. Certains passages emploient la répétition ou l'accumulation. Enfin, parfois on est plus près de la poésie, mais parfois plus du dialogue. La structure est donc assez changeante. Attention, il y aura des divulgâches à partir d'ici. Le volet qui m'interpelle le plus est celui des émotions. Nous, les adultes, avons déjà tant souvent tendance à vouloir protéger nos jeunes qu'on invalide souvent, sans le vouloir, sur leurs émotions et leur ressenti. On veut les tenir éloigner des problèmes, qu'on juge trop gros pour eux ou hors de leur porté de compréhension, en se disant que si nous, nous ne pouvons comprendre un enjeu, alors il y ira de même pour eux. Il y a un peu de vrai, pas aussi tellement de faux. Nos jeunes ne sont pas stupides, et ils sont plus perceptifs qu'on veut bien le croire. Et surtout, dans un monde aussi intensément ouvert avec la technologie, nous avons une génération plus que jamais au fait de ce qui se passe dans le monde. Il importe alors, à mon humble avis, de faire le tri dans tout ça et de les accompagner. Les empêcher de voir et s’intéresser au monde est contre-productif, puisqu'ils en font partie. Ainsi, Théo est au fait de ce qui se passe actuellement en Ukraine, mais ç'aurait pu être un autre conflit majeur que la pertinence de cette histoire reste la même. Que faire quand on est un enfant sensible, conscient d'une réalité complexe et dans l'incapacité de se faire entendre? Au début, Théo ne peut que répéter ses questions, nourries par son sentiment d’injuste, d'impuissance et d'empathie. De grandes qualités, à mon avis. Mais ces émotions sont incapables d'être vécues, parce que personne ne s,intéresse à ses questions, il est même invalidé à leur sujet. Alors, il internalise. Il accumule. Il a mal. Des émotions qu'on ne peut ou on ne sait exprimer, ne peuvent que générer des conséquences désagréables, comme une humeur maussade, des nuits difficiles ou encore des frictions dans les relations interpersonnelles. Toutes des choses qui vont arriver à Théo. S'ajoute à ce portrait incapacité d'agir. Mais j'y reviendrai. Enfin, Théo fini même par externaliser de manière inadéquate en devenant violent contre ses amis verbalement , puis contre une poubelle physiquement. Les émotions qu'on refoulent tendent à sortir d'une autre façon et souvent, elles peuvent se manifester de manière inadéquate, comme c'est le cas ici. Théo fera la connaissance d'une jeune fille aux cheveux verts, qui a trouvé une façon d'exprimer ses frustrations face au conflit qui la ronge de l’intérieur elle aussi. Colombe a trouvé une façon d'externalisé ses émotions à travers les arts, le dessin sur les murs, plus précisément. Elle emploi un symbole, la colombe, qu'on doit à Pablo Picasso, qu'elle dessine sur les murs de brique d'une maison à l'angle de la rue. Je note que sa manière d’exprimer sa colère de manière constructive. On l'oublie, mais la colère est une émotion, elle a donc une fonction et contrairement au gros cliché populaire, la colère n'est pas forcément explosive et agressive. La colère, quand elle est gérée et orientée, fait des miracles. La colère peut permettre la mise en action face à une injustice, elle peut servir à défendre des causes ou empêcher des gestes déplacés. Elle peut rendre artistique. J'aime bien qu'on commence enfin à réinterpréter la colère, cette émotion trop souvent ultra-vulgarisé en crises de bacon ou en violence sociale. Ici, Colombe se permet de dessiner à la craie sur des murs, parce qu'elle se sent impuissante, en colère et qu'elle veut protester ( ce sont ses mots). Colombe offre à Théo la première marche à suivre: Prendre conscience de son émotion et chercher à la canaliser. Bientôt, Théo se met en action lui aussi. Il peint des pierres avec les noms des villes ukrainiennes bombardées, et va les placer sous les graines de tournesols que lui a confié Madame Léna, une femme d'origine ukrainienne qui est a voisine. C'est elle qui explique un autre symbole important pour ce livre: Le tournesol, "soniashnyk" en ukrainien, la fleur nationale de l'Ukraine. Plus tard dans l'histoire, Théo, son père et madame Léna vont entreprendre une levée de fond pour venir en aide aux ukrainiens, en vendant des "pierogis" sorte de pâtes farcies de patates, fromage et oignons ayant la forme de demi-lunes ( C'est super bon!). C'est une autre façon de se mettre en action et même les petits gestes sont porteurs. Le simple fait de se mettre en action est une victoire pour la paix. C'est d'ailleurs sur cette note que se termine le livre. Donc, à retenir: Trouver des alliés, c'est-à-dire des oreilles attentives, des épaules de consolation et des gens qui partagent nos valeur. Entendre ses émotions, c'est-à-dire les nommer et les prendre aux sérieux. Se mettre en action, c'est-à-dire trouver des actions qui font du bien pour gérer les émotions, faire des activités susceptibles d'influencer la cause ou valeur que l'on défend et prendre le temps d'en parler avec les gens que cela intéressera ou impliquera. Le passage sur le jeu de la guerre m'évoque une lecture que j'avais fait il y a quelques années sur ses implications. Entre autre détails, j'avais lu que les jeux de guerre peuvent avoir du bon, en ce sens où ce type de jeu permet de mieux cerner les limites physiques entre enfants, en ce sens où ça permet de voir que nous avons des limites imposées par la douleur ou la défense de son intégrité physique. Néanmoins, je pense qu'on peut ouvrir le débat en classe ou à la maison sur le sujet. Pourquoi jouer à la guerre? Quel plaisir en retire-t-on? Pourquoi y a t-il toujours deux camps opposée? Il y a clairement matière à débat ici, je pense et j'estime que les réponses seront plus nuancées qu'on le croit. D'ailleurs, Théo se fait une réflexion intéressante quand il réalise qu'après avoir hurlé et insulté ses amis, qui avaient un avis contraire au sien, que c'est peut-être ainsi que commencent les guerres. Un désaccord. Un refus de compromis. Un début de haine. Un refus de s'excuser. Bien sur, les raisons de partir en guerre sont innombrables, mais il tiens un bon début de réflexion. Cela interroge aussi la notion de conflit de valeur ou conflit d'opinion, et les habiletés que nous devrons développer pour les gérer. Enfin, je mentionne la petite Olga, jeune fille qui dans l'histoire est décédée en posant un pied sur une mine anti-personnelle, dans une maison abandonnée, en Ukraine. On a peint des dinosaures en couleur vives sur son petit cercueil. Théo est resté marqué par cet évènement et on peut le comprendre: Il réalise que des enfants meurent, dans une guerre. Il y a quelque chose de profondément révoltant dans à l'idée que des enfants n'ont pas tous les mêmes chances de survivre de part le monde et que malgré les conventions et les accords, des adultes se contrefoutent que des enfants meurent sous les balles, les obus, les gazes et autres joyeusetés typiquement humaines. Olga aura droit à sa pierre, comme les villes ukrainienne, dans le jardin de tournesols de Théo ( avec un petit dinosaure en bonus). Prendre acte de sa chance et de ses privilèges est, il me semble, une réflexion que permet de faire les conflits, au même titre que les iniquités sociales. En conclusion, il faut permettre à nos jeunes d'être entendus, mais aussi de leur permettre d'agir s'ils en ressentent le besoin. Agir mobilise le jeune face à ses valeurs, lui permet de les défendre, ce qui est une des fondations de notre estime de soi. Nous adhérons tous à des valeurs, partiellement ou complètement et elles nous façonnent, puisqu'elles nous habitent. Adhérer à des valeurs nous définit et ultimement nous construit en tant qu'individu. Nos jeunes ont le même besoin que les adultes, celui de croire en quelque chose et de lutter à divers niveaux pour elle ( ou elles). Il le feront à leur échelle et avec leurs mots, comme nous en sommes témoin avec les mobilisations pour le climat et pour les causes qui leur sont chères. Dans un monde rempli de conflits, militer pour la paix, lutter pour les causes sociales et faire entendre ses idées, est à mon sens impératif pour nos jeunes. Ils en sortiront plus solides, validés et engagés. Il font parti de la solution. Il me semble que de croire en notre jeunesse est le plus beau cadeau que nous pouvons leur faire dans la construction de leur identité, mais surtout le plus beau gage de confiance envers ceux et celles qui vont être les adultes de demain. En ce sens, je remercie toutes les autrices et les auteurs, qui à l'instar de madame Poulin, mettent en relief divers enjeux cruciaux à travers la littérature jeunesse pour que cette même jeunesse ait accès à des outils et des réflexions pour nourrir leurs besoin de compréhension et s'ouvrir au monde qui est aussi le leur. J'apprécie que la littérature jeunesse soit au service de la jeunesse, tout en les faisant rêver. Laissons nos jeunes semer des soleils, à leur façon. Pour un lectorat intermédiaire à partir du 3e cycle primaire, 10-12 ans+
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