
Shaynning
Libraire @ Librairie Monet
Intérêts littéraires :
Biographies, Jeunesse, Littérature, Psychologie, Arts, Bande dessinée, Loisirs
Activités de Shaynning

Avertissement: Ce roman Jeune adulte contient de la glorification de relation toxique.
Autant être directe: c'est l'une des saga que j'ai détesté le plus. Cette critique concerne les quatre tomes.
Sortir de cette longue lecture, c'est un peu comme émerger d'un cauchemars, rendu flou par le réveil. C'était horrible, mais on en perd des bouts. Une chose demeure: c'était un condensé majeur de relation toxique et vide entre une dépendante affective dénuée de personnalité et deux mâles alphas d'espèces différentes, qui visiblement n'ont rien de mieux faire que de se battre pour la "p'tit nouvelle de l'école secondaire".
D'abord, je dois dire que cette histoire est beaucoup, mais alors beaucoup trop longue pour une histoire aussi simpliste: "Il était une fois j'ai marié un vampire ( pour le baiser)".
Ensuite, je n'ai pas trouvé d'intérêt à lire l'histoire mélodramatique d'une ado pas très futée qui, comble de hasard, se retrouve être l'élue du cœur d'un homme de 100 ans son ainé. Vraiment? Cent ans et toujours célibataire? Et pas attiré par une femme mure et intelligente, mais pas une jeune naïve et pas brillante? Est-ce moi où c'est pas mal tiré par les cheveux? Cent ans et attiré par une ado qui n'a a priori rien de spécial ( hormis le fait qu'il ne peut pas lire ses pensées?), mais qui devient cet archétype très typiquement patriarcal de "L'élue", "La fille spéciale", "Celle-qui-n'est-pas-ordinaire", car s'il y a bien une chose à laquelle les comédies romantiques pour ado et adulte nous ont rabâcher continuellement, c'est qu'on ne pardonne pas aux filles d'êtres laides, mais encore moins d'être "ordinaires".
Et je dois dire que des vampires qui se trouvent hideux parce qu'ils brillent au soleil comme des diamants...c'est pas crédible. Je n'ai jamais vu autant d'auto-apitoiement de la part de vampires, qui plus est. Dois-je rappeller à cet imbécile d'Édouard qu'il a conssenti à devenir vampire? Alors passer 100 ans à refaire son secondaire en chialant sur son "âme" perdu, c'était pénible. Surtout que, n'oublions pas, monsieur est sublime ( disons que les personnages le trouvent sublime, plutôt, je ne m'inclut pas), riche, en sécurité et a une famille. Quelle misère!
Par ailleurs, le deuxième tome, c'est une ado qui pique une dépression pour son vampire perdu. Soyons francs, c'est vraiment trop poussé. On parle d'une amourette, un béguin irrationnel, qui ne semble même pas basé sur quoique ce soit de solide et ça mérite de se laissé mourir de cette façon? Sans minimiser le deuil amoureux que peuvent vivre certaines filles et garçons ado, là c'est clairement exagéré et encore une fois, psychologiquement peu crédible. J'ajoute que ce n'est qu'un premier amour. S'il fallait se laisser aller de cette façon à chaque premier amour, ça ne ferait pas des femmes très fortes dans la société. Bref, plutôt surfait.
À bien des égards, la série se présente comme "tout ce que vous ne devriez pas faire quand vous êtes en relation amoureuse". Une relation basé sur le stricte physique. Une lune de miel en rotation perpétuelle ( alors que ça dure 6 mois dans la vraie vie), de longues séquences de psycho-torture à la limite masochistes...bon sang, y a de qui déprimer! Je remarque aussi la présence de détournement cognitif ( Gasligting), une forme de manipulation de la santé mentale de l'autre, le contrôle excessif de la part du "Mâle alpha", une agression sexuelle ( oui, Jacob, embrasser de force est une agression), du voyeurisme ( regarder une personne dormir huit heure par nuit, c'est glauque, surtout si cette personne n'est même pas votre conjoint(e).) et de la pédophilie ( s'enticher d'un bébé, faut le faire!).
Et puis, un personnage féminin qui met le personnage masculin au centre de toute sa vie de cette manière souffre clairement d'un problème psychologique majeur. Bella n'a pas d'intérêts, pas de hobbies,pas de projets long terme, pas de préférences ou de valeurs à défendre. Elle place son vampire au centre de tout ( ce qui explique la dépression majeure du second opus d'ailleurs) et de ce fait, n'existe que pour lui. Pour combler sa grave carence de personnalité , Meyer a cru bon de colmater son adolescente insignifiante avec un peu de colle de maladresse et d'une forme atténuée de super-pouvoir ( son bouclier mental contre les incursions invasives d'Edward pour la psyché humaine, quel stalker, celui-là). Mais peine perdu, Bella est et sera toujours un vase creux aussi belle que stupide. Et sa manière de manipuler le mâle loup-garou est odieuse. Laisser penser qu'il y a quelque chose d'affectueux quand il n'y a rien dans une relation, en vu de garder un bouche-trou pour combler un vide affectif, c'est malsain et c'est cruel. Mais Meyer nous fait le coup de rendre ça "romantique". C'est à pleurer.
Petite focus sur le concept "d'emprunte", sans aucun doute la chose la plus dégueulasse que j'ai vu en jeunesse. Meyer a trouver la façon de condamner les filles aux loup-garous avec ce concept malsain. Grosso modo, les loup-garou ont une sorte d'épiphanie grandiose au contact d,une seule personne dans leur vie et vont s'y coller jusqu'à la mort. Et l'opinion de la fille là-dedans? Oubliez ça. C'est ainsi qu'un certain bébé hybride se retrouve vendue-oups, scusez, coincée...obligée...condamnée? Bref, qu'elle est vouée à être avec Jacob, ce personnage aussi macho que têtu qui se prétend "mieux" que l'autre vampire.
Finalement, la fin...on attend une bonne bataille, quelque chose qui justifie une si longue et ennuyeuse lecture, avec une Bella dépressive et dépendante affective aux côtés d'un Edward sans personnalité et qui a des comportements de mâle dominant doublé d'un stalker...et rien. Pas de guerre. Pas de lutte. Juste un gros "Ils vécurent heureux parce qu'ils sont beaux et immortels." Décevant? C'est peu dire.
Je dois ajouter que l'immense commercialisation autour de ce livre ne m'a fait que le détester davantage. D'un jour à l'autre, trop de filles sont devenues un peu "intenses", souhaitant se faire mordre", souhaitant "sortir avec un vampire". Un gros délire collectif s'en est suivi et nul part on avait la paix de ses filles aux idées frôlant la maladie mentale. Pire, d'autres romans de vampires, tous plus mauvais et anti-féministes les un que les autres, découlent de ce roman. J'ai bien hâte que ce pan détestable de la littérature disparaisse de la mémoire littéraire, en souhaitant qu'il ne soit pas remplacé par un courant encore plus débilitant des relations amoureuses. Ce qui est déjà un peu le cas avec Maas, Hoover, Todd et compagnie. À quand le retour des histoires d'amour touchantes et saines? Je souligne toutefois que ce n'est tout de même pas la faute de l'autrice si certaines filles confondent fiction et réalité . Le seul personnage que j'ai apprécié, c'est le père, Charly, avant qu'il ne toruve drôle le fait que Jacob a embrassé sa fille de force. Probablement le plus personnalisé du lot. Et je pense qu'Alice aurait fait une meilleure protagoniste. Elle était beaucoup moins stupide.
"Twilight" est la preuve que les gens ne comprennent pas toujours ce qu'ils lisent: je ne vois pas comment on peut passer à coté de ce cette épouvantable romance toxique en y voyant là une romance idyllique. Et malheureusement, il a servi de canevas à nombre d'autres romans tout aussi toxiques. Le problème n'est pas de parler de relations violentes, malsaines et dangereuses: Le problème est de prétendre que c,est normal, sain et sexy. Et je rappelle que les personnages masculins ne s'embêtent pas de sauver des Bad girls mal dans leur peau, alors pourquoi est-ce systématiquement le cas, actuellement dans la littérature destinée aux femmes? La question est lancée.
Pour un lectorat Jeune adulte, 17 ans+ ( même si son classement a déjà été en littérature ado, 12-17 ans).

Autant être directe: c'est l'une des saga que j'ai détesté le plus. Cette critique concerne les quatre tomes.
Sortir de cette longue lecture, c'est un peu comme émerger d'un cauchemars, rendu flou par le réveil. C'était horrible, mais on en perd des bouts. Une chose demeure: c'était un condensé majeur de relation toxique et vide entre une dépendante affective dénuée de personnalité et deux mâles alphas d'espèces différentes, qui visiblement n'ont rien de mieux faire que de se battre pour la "p'tit nouvelle de l'école secondaire".
D'abord, je dois dire que cette histoire est beaucoup, mais alors beaucoup trop longue pour une histoire aussi simpliste: "Il était une fois j'ai marié un vampire ( pour le baiser)".
Ensuite, je n'ai pas trouvé d'intérêt à lire l'histoire mélodramatique d'une ado pas très futée qui, comble de hasard, se retrouve être l'élue du cœur d'un homme de 100 ans son ainé. Vraiment? Cent ans et toujours célibataire? Et pas attiré par une femme mure et intelligente, mais pas une jeune naïve et pas brillante? Est-ce moi où c'est pas mal tiré par les cheveux? Cent ans et attiré par une ado qui n'a a priori rien de spécial ( hormis le fait qu'il ne peut pas lire ses pensées?), mais qui devient cet archétype très typiquement patriarcal de "L'élue", "La fille spéciale", "Celle-qui-n'est-pas-ordinaire", car s'il y a bien une chose à laquelle les comédies romantiques pour ado et adulte nous ont rabâcher continuellement, c'est qu'on ne pardonne pas aux filles d'êtres laides, mais encore moins d'être "ordinaires".
Et je dois dire que des vampires qui se trouvent hideux parce qu'ils brillent au soleil comme des diamants...c'est pas crédible. Je n'ai jamais vu autant d'auto-apitoiement de la part de vampires, qui plus est. Dois-je rappeller à cet imbécile d'Édouard qu'il a conssenti à devenir vampire? Alors passer 100 ans à refaire son secondaire en chialant sur son "âme" perdu, c'était pénible. Surtout que, n'oublions pas, monsieur est sublime ( disons que les personnages le trouvent sublime, plutôt, je ne m'inclut pas), riche, en sécurité et a une famille. Quelle misère!
Par ailleurs, le deuxième tome, c'est une ado qui pique une dépression pour son vampire perdu. Soyons francs, c'est vraiment trop poussé. On parle d'une amourette, un béguin irrationnel, qui ne semble même pas basé sur quoique ce soit de solide et ça mérite de se laissé mourir de cette façon? Sans minimiser le deuil amoureux que peuvent vivre certaines filles et garçons ado, là c'est clairement exagéré et encore une fois, psychologiquement peu crédible. J'ajoute que ce n'est qu'un premier amour. S'il fallait se laisser aller de cette façon à chaque premier amour, ça ne ferait pas des femmes très fortes dans la société. Bref, plutôt surfait.
À bien des égards, la série se présente comme "tout ce que vous ne devriez pas faire quand vous êtes en relation amoureuse". Une relation basé sur le stricte physique. Une lune de miel en rotation perpétuelle ( alors que ça dure 6 mois dans la vraie vie), de longues séquences de psycho-torture à la limite masochistes...bon sang, y a de qui déprimer! Je remarque aussi la présence de détournement cognitif ( Gasligting), une forme de manipulation de la santé mentale de l'autre, le contrôle excessif de la part du "Mâle alpha", une agression sexuelle ( oui, Jacob, embrasser de force est une agression), du voyeurisme ( regarder une personne dormir huit heure par nuit, c'est glauque, surtout si cette personne n'est même pas votre conjoint(e).) et de la pédophilie ( s'enticher d'un bébé, faut le faire!).
Et puis, un personnage féminin qui met le personnage masculin au centre de toute sa vie de cette manière souffre clairement d'un problème psychologique majeur. Bella n'a pas d'intérêts, pas de hobbies,pas de projets long terme, pas de préférences ou de valeurs à défendre. Elle place son vampire au centre de tout ( ce qui explique la dépression majeure du second opus d'ailleurs) et de ce fait, n'existe que pour lui. Pour combler sa grave carence de personnalité , Meyer a cru bon de colmater son adolescente insignifiante avec un peu de colle de maladresse et d'une forme atténuée de super-pouvoir ( son bouclier mental contre les incursions invasives d'Edward pour la psyché humaine, quel stalker, celui-là). Mais peine perdu, Bella est et sera toujours un vase creux aussi belle que stupide. Et sa manière de manipuler le mâle loup-garou est odieuse. Laisser penser qu'il y a quelque chose d'affectueux quand il n'y a rien dans une relation, en vu de garder un bouche-trou pour combler un vide affectif, c'est malsain et c'est cruel. Mais Meyer nous fait le coup de rendre ça "romantique". C'est à pleurer.
Petite focus sur le concept "d'emprunte", sans aucun doute la chose la plus dégueulasse que j'ai vu en jeunesse. Meyer a trouver la façon de condamner les filles aux loup-garous avec ce concept malsain. Grosso modo, les loup-garou ont une sorte d'épiphanie grandiose au contact d,une seule personne dans leur vie et vont s'y coller jusqu'à la mort. Et l'opinion de la fille là-dedans? Oubliez ça. C'est ainsi qu'un certain bébé hybride se retrouve vendue-oups, scusez, coincée...obligée...condamnée? Bref, qu'elle est vouée à être avec Jacob, ce personnage aussi macho que têtu qui se prétend "mieux" que l'autre vampire.
Finalement, la fin...on attend une bonne bataille, quelque chose qui justifie une si longue et ennuyeuse lecture, avec une Bella dépressive et dépendante affective aux côtés d'un Edward sans personnalité et qui a des comportements de mâle dominant doublé d'un stalker...et rien. Pas de guerre. Pas de lutte. Juste un gros "Ils vécurent heureux parce qu'ils sont beaux et immortels." Décevant? C'est peu dire.
Je dois ajouter que l'immense commercialisation autour de ce livre ne m'a fait que le détester davantage. D'un jour à l'autre, trop de filles sont devenues un peu "intenses", souhaitant se faire mordre", souhaitant "sortir avec un vampire". Un gros délire collectif s'en est suivi et nul part on avait la paix de ses filles aux idées frôlant la maladie mentale. Pire, d'autres romans de vampires, tous plus mauvais et anti-féministes les un que les autres, découlent de ce roman. J'ai bien hâte que ce pan détestable de la littérature disparaisse de la mémoire littéraire, en souhaitant qu'il ne soit pas remplacé par un courant encore plus débilitant des relations amoureuses. Ce qui est déjà un peu le cas avec Maas, Hoover, Todd et compagnie. À quand le retour des histoires d'amour touchantes et saines? Je souligne toutefois que ce n'est tout de même pas la faute de l'autrice si certaines filles confondent fiction et réalité . Le seul personnage que j'ai apprécié, c'est le père, Charly, avant qu'il ne toruve drôle le fait que Jacob a embrassé sa fille de force. Probablement le plus personnalisé du lot. Et je pense qu'Alice aurait fait une meilleure protagoniste. Elle était beaucoup moins stupide.
"Twilight" est la preuve que les gens ne comprennent pas toujours ce qu'ils lisent: je ne vois pas comment on peut passer à coté de ce cette épouvantable romance toxique en y voyant là une romance idyllique. Et malheureusement, il a servi de canevas à nombre d'autres romans tout aussi toxiques. Le problème n'est pas de parler de relations violentes, malsaines et dangereuses: Le problème est de prétendre que c,est normal, sain et sexy. Et je rappelle que les personnages masculins ne s'embêtent pas de sauver des Bad girls mal dans leur peau, alors pourquoi est-ce systématiquement le cas, actuellement dans la littérature destinée aux femmes? La question est lancée.
Pour un lectorat Jeune adulte, 17 ans+ ( même si son classement a déjà été en littérature ado, 12-17 ans).

Incontournable Documentaire Avril 2023
Drapeau rouge: "Ce livre pourrait heurter la sensibilité de certains lecteurs. Nous préférons vous en avertir." P.2
Un nouveau membre pour la fratrie Griff de la maison de l'Isatis et cette fois, il s'agit d'un forme de dictionnaire et abécédaire de 34 mots ( donc il y a plusieurs fois certaines lettres) qui sont des termes "sensibles" ou "coup de poing", dont la charge peut être lourde, mais dont la présence même dans la langue permet d'en parler. Ces termes font généralement frémir les parents en librairie jeunesse et peuvent même constituer des tabous, dans certaines régions du monde. Ils renvoient à des concepts racistes, sexistes ou âgistes, des discriminations donc, des éléments historiques, des théories, des pratiques et des comportements qui font niveler l'humanité vers le bas.
Comme le formule bien l'autrice: " Les mots de ce livre ont de la gueule, peut-être même un peu trop. Ils pèsent lourd dans notre monde moderne et veulent vivre longtemps tout en s'affirmant. Ils peuvent entraîner une foule de maux. [ ...] Aujourd'hui, les mots n'ont jamais autant percuté l'actualité. Qu'ils soient aimés, adorés, maudits ou vilipendés. J'aimerais qu'on se serve de ceux présentés ici pour débattre et échanger. Pour refaire le monde au moyen de discussions animées mais respectueuses. Plus que jamais, nos mots ont le haut du pavé. Ils veulent avoir le dernier mot." P.4
Voici ces 34 mots qui sont aussi des maux:
Âgisme
Avortement
Colonisation
Consentement
Discrimination
Égalité homme/femme
Esclavage
Excision
Vitriolage
Exploitation
Travail des enfants
Fascisme
Féminicide
Homophobie
Génocide
Grossophobie
Harcèlement
Intimidation
Islamophobie
Mariage forcé
Mariage d'enfants mineurs
Minorités visibles et invisibles
Peuples autochtones
Profilage racial
Le mot en "N"
Religions
Sexisme
Incel
Terrorisme
Violence
Violence conjugale
Violence de rue
Violence sexuelle
Xénophobie
Le moins qu'on puisse dire est qu'il y a un sacré rassemblement de mots chargés dans ce petit livre. Néanmoins, je me réjouis de voir des autrices et des auteurs oser ce genre d'oeuvre. Bien sur, ça nous rentre dedans, le contraire serait étonnant. C'est néanmoins ce qu'il faut pour prendre conscience des enjeux auxquels nous faisons tous face, indépendamment de notre pays et de notre culture. le noeud de la guerre est la dénonciation, premier élément important. Tant que le silence persistera et que les gens mal intentionnés persisteront à enfoncer les autres dans leurs délires malsains et leurs croyances contraignantes, nous ne progresserons pas, en tant qu'humanité.
Aussi, un second élément important est la reconnaissance des enjeux et cela passe invariablement par les mots, le "nom". Nommer une chose la rend concrète et permet le dialogue, l'échange et le débat. C'est le premier jalon de sa reconnaissance. C'est toutefois un problème quand les gens ne s'entendent pas sur son existence, comme le racisme systémique, dans ma province, dont certains politiciens et acteur sociaux persistent à nier son existence, ou encore ne savent pas reconnaitre un enjeu, comme le consentement en littérature, trop souvent rendu flou par les romans érotiques et New Romance qui vendent le "non" comme un "non, mais au fond je veux dire oui ". Ce qui mène à un troisième élément primordial: L'éducation. Et c'est justement ce que les livres ont de bien, on peut les employer à l'école comme à la maison, et on peut s'éduquer à travers eux. La littérature jeunesse, quand elle n'est éhontément sujette à censure, peut constituer un formidable moteur de changement social, par l'exposition, la dénonciation ou la diversité des idées.
L'album contient aussi des illustrations aussi symboliques que percutantes - J'ai un faible pour cette pieuvre cagoulée qui jongle avec des armes, représentation du terrorisme. Après tout, son influence a quelque chose de "tentaculaire" et multidimensionnel. La mise en page est aérée et les mots plus "imposants" ou importants sont en couleur.
Enfin, j'apprécie que les textes couvrent large, en ce sens où on ne fait pas de fixation. Je vous donne l'exemple de la "violence", qui est certes très importante du côté féminin, mais qui est vécue par tout le monde, hommes inclus. Même son de cloche pour le mot "terrorisme", qui n'inclut pas que les factions islamiques radicales, mais bien l'ensemble des cellules terroristes, qui si elles n'ont pas la même cause, ont la même vocation. J'apprécie ce genre de nuance, puisque le monde est nuancé.
Il est possible que cela choque certains lecteurs, il faudra donc que le lectorat soit intéressé ou s'il l'est moins, accompagné. Toutefois, j'apprécie les auteurs et autrices qui prennent l'initiative de risquer des œuvres au contenu sensible pour nos ados. On infantilise encore trop ce groupe d'âge ( une forme atténuée d'âgisme ici?), mais la réalité est que nos jeunes, exposés aux écrans et ancrés dans un monde interconnecté, savent de plus en plus tôt quels enjeux sont ceux de notre époque. Vaut-il mieux, alors, que nous sachions les guider à travers ces concepts complexes et nuancés, ou les laisser seuls à écumer Internet, au risque de se désinformer ou pire, se radicaliser? Je suis chaque jour impressionnée par mes lecteurs ado, dont une large part est conscientisée et intéressée. Il serait bon que nous, adultes, en prenions acte. C'est mon humble et impertinent avis, bien sur.
Pour un lectorat adolescent, premier cycle secondaire, 12-15 ans+

Le tour du monde des lieux inexplorés
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Loup, un héros (pas) comme les autres ?
1 personne apprécie ce livre
Incontournable Album Mai 2023
Dans la veine des albums se réappropriant les stéréotypes de contes, en voici un autre. Il était vraiment temps de brasser la cage de toute cette mouise qu'est l'univers de contes, avec ses gros mâles alphas, ses princesses cruches et ses gros méchants systématiquement perdants. Donc, qu'avons-nous?
Un loup adore la lecture. Il connait moult choses et passe son temps à la bibliothèque. Il est cependant quelque peu découragé de constater que les représentations de son espèce sont éternellement peu flatteuses dans les histoires. Les loups sont pratiquement toujours des antagonistes ( des "méchants"). Un jour, un bucheron entre en catastrophe dans la bibliothèque pour quérir de l'aide. En effet, sa hache n'a plus son tranchant. Heureusement pour lui, notre loup a une solution. Une chevalière arrive ensuite, en portant son cheval dans ses musculeux bras. Ce dernier n'a plus rien à manger et se porte pâle depuis. Notre loup aide donc la chevalière. Enfin, un charmant prince arrive presque en larmes, portant à bout de bras son chapeau, dont la plume tristounette à perdu de son élégance. Une fois encore, le loup se montre astucieux et aide le malheureux prince à se confectionner une nouvelle plume. Alors que la journée semble se terminer, un quatrième individu entre en scène, à la grande surprise des personnages. Il s'agit d'un géant en mal d'histoires. Comprenez-le, une personne de son espèce vit longtemps et des histoires, il en a eu son lot. Maintenant, il en cherche des nouvelles et ça tombe bien! Notre loup a justement une histoire qui n'a pas encore été racontée: La sienne!
L'archétype du "héro" a longtemps été le très bel homme courageux, épée à la mains, combattant des ennemis et doté d'un grand cœur à toute épreuve. Un archétype qui excluait bon nombre de groupes, néanmoins, les femmes les premières. Il est donc intéressant de malmener ce vieux profil de nos jours. Ici, notre loup n'est ni un homme, ni un prince, ni un adonis. C'est même la figure de l'antagoniste de prédilection des contes et même des albums jeunesse des littératures préscolaires et du premier cycle. Il a toutefois un nouveau profil de "héro": Il est astucieux, débrouillard, savant, empathique et créatif. Un profil bien mieux, je trouve et surtout beaucoup plus réaliste que celui du prince-chevalier-valeureux. C'est un personnage qui est altruiste, c'est-à-dire que ses bonnes actions ne sont pas motivées par le gain ou la reconnaissance. Elles sont motivées par sa sincère empathie pour les autres. Et puis, quand on a un bagage aussi rempli d'informations en tout genre, c'est valorisant et motivant de s'en servir pour aider les autres.
J'aime également qu'il décide d'écrire son histoire, au même titre que les minorités le font dans la vraie vie. Je constate chaque jour, en librairie jeunesse, que ce sont mes auteurs et autrices issus des minorités ethniques, sexuelles et sociales qui bien souvent osent sortir des chemins battus ( voir carrément asphaltés) en matière d'archétypes de personnages, de sujets nouveaux et de traitement innovant. Il ne faut pas, je pense, attendre que ce soit la majorité qui ouvre la voie: On risque d'attendre longtemps.
Dans les personnages secondaires, je remarque un traitement différent également. Nous avons une chevalière très forte ( physiquement), un prince très soucieux de son apparence et sensible, ainsi qu'un ogre qui n'a rien de malicieux. Ça fait du bien de voir les choses changer en matière de personnages, car j'estime que la diversité de nos société de doit d'être retrouvée dans notre culture littéraire.
Pour les profs: Cet album contient donc des traits de personnalité qui peuvent vous être utiles.
Enfin, c'est richement coloré et graphiquement dynamique, donc très plaisant à regarder. Il y a présence de diversité ethnique également.
Une belle trouvaille pour la maison Circonflexe et un troisième membre pour leur collection "Album-Personnalité".
Le livre peut être lu dès 5 ans, mais je pense que le lectorat des 6-7 ans saura plus traiter les enjeux de différence et de réécriture de conte.
Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans.

Loki, 11 ans, dieu (presque) parfait T.1 : Mortelle punition
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Mon chien, la liberté et les glaces à la mangue
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Incontournable Roman jeunesse Mai 2023
Ô maisons d'éditions de mon cœur, vous qui nous abreuvez de livres et de marque-pages, de grâce, entendez votre humble libraire jeunesse qui vous demande ceci: Quand vos auteurs font des suites...FAITES UNE TOMAISON! C'est la troisième fois que je retrouve à lire un tome 2 sans le savoir, parce qu'il n'y a pas de tomaison. C'est agaçant, à la fin! Enfin, bref. Voici un sympathique petit livre de la tout aussi sympathique collection de livres intermédiaires "Dacodac" de la maison Rouergue. Et comme vous l'avez sans doute finement observé, il s'agit du tome 2. Je peux d'ores et déjà répondre à cette question: Doit-on lire le 1 impérativement? Nope!
Pauline est une petite française qui, dans le premier tome, a vu sa famille ouvrir la porte à une famille de réfugié syriens. Disons que pour ce qu'elle en dit, ça ne lui a pas fait plaisir de partager sa chambre, son chien et ses pokétrucs- Le DRAME, mes amis! Finalement, il semble que notre demoiselle se soit attaché à sa sœur d'accueil, Zein, car elle trépigne maintenant de joie à l'idée de lui rendre visite en Égypte. Ce qui peut sembler à priori comme des vacances est en réalité un peu plus sombre que ça. Le père de Zein, la sœur d'accueil en question, a été emprisonné en Égypte pour des motifs douteux. Les parents de Pauline vont donc soutenir sa conjointe, Farah. Pour Pauline, c'est surtout l'occasion de voir Zein, jouer les touristes, apprécier les succulentes glaces à la mangues mentionnées dans le titre et faire apprécier à tous son sens de l'humour si "délicieux".
Il n'y a pas de quête à proprement parler, ça ressemble plutôt à un très court carnet de bord de voyage sans dates. Nous suivons les divers péripéties de nos deux héroïnes avec de très courts chapitres, ponctué d'illustrations amusantes. À travers les éléments très légers, il y a en trame de fond l’inquiété et l'injustice dans le monde , alors que la famille de Zein subit un second traumatisme avec l'emprisonnement arbitraire du papa.
Il y a une opposition intéressante entre Pauline et Zein. La première se place assez facilement en situation de victime d'injustice ( on peut se sentir facilement interpellés quand on entend les enfants se sentir injustement traités pour des choses somme toutes mineures) , tandis que Zein possède une maturité comme en développe bien souvent les enfants traversant des situations difficiles. Alors que Pauline a encore une grande naïveté ( touchante, il faut dire), Zein est plus pragmatique. Ils se complètent bien, maintenant que j'y pense.
Zein a un français cafouillant vraiment mignon. Ce doit être un sacré défi de passer de l'arabe au français, surtout avec deux alphabets différent! Ça me rappelle nos nombreux immigrants en librairie, qui sont souvent très heureux de pratiquer leur français avec nous. Voir des gens apprendre la langue qu'on parle a quelque chose d'estimable, c'est faire honneur à cette langue et ça traduit une grande ouverture d'esprit. Alors quand je lis "Je suis content toi viendre", ça me touche.
Pauline aura changé durant ce voyage, pas de manière outrancière et quasi magique, plutôt à la manière des gens qui voyagent pour explorer, et qui se découvre une certaine prise de conscience. Pauline aura cerné que le monde ne garanti pas les Droits de tous, que des enfants peuvent se faire voler un parent pour des motifs déraisonnables et que parfois, le meilleur baume qu'on puisse apporter est sa présence et son écoute. On le voit plusieurs fois, notamment quand elle fait une "prière" pour le papa de Zein. La prière elle-même importe peu au fond ( pour les athées du moins) , c'est surtout le fait de l'avoir fait qui a apaisé Zein. C'est un gage d'empathie et de solidarité. Tout ça pour dire que contrairement à ce qu'on peut penser, les petits changement, les petites prises de conscience et les petites empruntes que laissent les gens sur nous ont autant d'importance que les grandes révélations. Le personnage de Pauline autant que le personnage de Zein en sont de bons exemples.
Je réitère que la littérature intermédiaire fait souvent ce genre de petit miracle: celui de traiter un sujet qui peut sembler lourd et " mature" avec juste ce qu'il faut d'humour et de tendresse pour que le sujet passe son message malgré tout. On peut aborder bien plus de choses que l'on pense avec nos 8 à 12 ans. Ils sont bien plus alertes et sensibles qu'on le pense. Je remercie les auteurs et les autrice qui l'ont compris.
"Mon chien, la liberté et les glaces à la mangue" c'est le croisement de deux mondes d'enfants, différents, mais semblables, remplit de folies quotidiennes et de partages culturels, linguistiques et social . Le genre de livre qu'on déguste comme un sorbet à la mangue: C'est frais, plaisant et joyeux. Ça laisse un sourire au visage et de petits pincements au cœur, nous rappelant du même coup notre privilège d'être des occidentaux de pays en paix. Bon ça y est, je me sens quétaine/gnangan. Tant pis! Ce livre le mérite bien.
Pour un lectorat à partir du second cycle primaire, 8-9 ans

Moka a disparu
1 personne apprécie ce livre
Incontournable Roman hybride Mai 2023
Après "Le voleur de sandwich", devenu une petite célébrité en littérature intermédiaire, puis de "L'alerte au feu", voici le benjamin de la fratrie "La classe de madame Tzatziki": Moka a disparu.
Comme des deux grands frères, ce livre est un hybride entre le roman graphique et le roman. Et fait cocasse, il est illustré par une troisième illustratrice.
Depuis la rentrée, la classe de Madame Tzatziki héberge un hamster nain nommé "Moka". Marie, notre protagoniste, est de fort bonne humeur ce matin là, car elle est responsable du hamster cette semaine. En arrivant dans la classe, c'est la consternation: Moka a disparu! Marie décide de mener l'enquête. Dans ses suspects potentiels, il y a Manon, qui adore prendre des photos du hamster, et qui a fondu en larme en voyant la cage vide. En même temps, peut-être l'a t-elle kidanppé por l'avori avec elle constamment? Marin était l'ancien responsable de l'animal, aussi faisait-il un suspect potentiel si c'était sa négligence qui avait permis à Moka de sortir de sa cage. Enfin, il y a Mustafa, dont les réactions semblent suspectes. Seulement, le lendemain, le hamster est de retours! Mais attention, ce n'est pas Moka...
Comme ce dut le cas avec les tomes antérieurs, nous suivons un.e détective en herbe à travers son milieu, avec une brochette de suspects. Il y a du quotidien à travers cette enquête, donc nous avons aussi des détails sur des évènements en parallèle de celle-ci.
Deux éléments m'intéressent particulièrement. En premier lieu, on remarque que l'état des lieu est pour le moins miteux. Il y a des craques dans les murs, des déchets au sol et les pupitres rempli d'autocollants. C'est triste à dire, mais cela colle avec l'état des lieux de certaines écoles publiques du Québec, qui sont vétustes et ont besoin d'être restaurées.
Le second élément que j'ai drôlement apprécié de voir est la présence d'une jeune adulte en situation d'analphabétisme fonctionnel. Il s'agit des gens avec une incapacité ou difficulté partielle d'écrire et lire du très souvent à une scolarité courte ou déficitaire. J'apprécie sa présence, car c'est une situation qu'on ne voit guère en littérature jeunesse, mais qui existe bel et bien. Et c'est un personnage qui a la volonté d'améliorer ses habiletés en écriture et lecture, une belle figure de persévérance.
Sans dire que j'ai été emportée dans l'histoire, je dirais que c'est une histoire mignonne et une enquête d'une relative complexité qu'on se plait à suivre. On a un amalgame de bulles en dialogue et de textes, ainsi qu'une alternance entre images pleines et cases BD. Il y a présence de contre-stéréotypes et une diversité ethnique comme je les apprécie toujours.
J'ai enfin un personnage intellectuel qui a un look de sportif sans lunettes, yeah! Et je trouve que Moka ressemble à une patate poilue.
Attention, divulgâche.
Au final, il s'avère que Moka est décédé et que c'est madame Tzatziki elle-même qui a déplacé le corps de l'animal pour ne pas traumtiser ses élèves. Elle a voulu ensuite le remplacer par un autre hamster nain de même couleur, mais l'animalerie n'en ayant pas, elle en a trouvé un près d'un jour plus tard. le corps du hamster a été retrouvé dans un réfrigérateur, parce que la professeur n'avait pas le coeur de déposer la petite dépouille aux ordures comme un vulgaire déchet. Au final les élèves ont fait une petite cérémonie pour le hamster ( et aussi pour faire craquer Mme Tzatiki qu'ils soupçonnait en fin de récit). Il fut enterré dans la cours.
Compte tenu du succès des deux précédents livres, j'anticipe que celui-là aura son moment de gloire aussi. J'ai de plus en plus de jeunes lecteurs qui se retrouvent dans les formules hybrides tel que ce livre, naviguant entre les formats de l'album, de la BD et du roman. Il faut dire aussi que nombre de jeunes lecteurs apprécient l'apport des graphismes dans un récit.
Petit détail qui peut avoir sa pertinence: les lettres sont en lettres majuscules, mais pas en gros caractères.
Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans+
Catégorisation: Hybride Roman graphique-Roman Policier québecois, littérature jeunesse intermédiaire, deuxième cycle primaire, 8-9 ans
Note: 7/10

Petit frère
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Incontournable Album jeunesse Mai 2023
Un grand frère s'adresse à son petit frère, qui dors dans sa bassinette. Pour le moment, il ne fait que dormir et boire du lait. La maman dit à son ainé d'être patient, alors en attendant, il raconte à son petit frère toutes les expériences qu'il souhaite partager avec lui, un jour, quand il sera plus grand. Ensemble, ils partageront des aventures à travers des forêts, des territoires glacés et des plages ensoleillées. Ensemble, ils se raconteront des histoires pigées dans les livres racontées à la belle étoile. Et quand ils affronteront des périples ensemble, celui qui est à l'eau trouvera la mains de l'autre pour lui porter secours. Tout ça, quand le petit frère sera plus grand. Pour l'heure, ils sont coucher l'un contre l'autre sous une tente, à faire la sieste.
L'amour fraternel et/ou sororal mériterait d'être célébré au même titre que l’amour conjugal. Ce sont des relations qui peuvent être d'une grande richesse et d'une grande profondeur, marqué par des expériences communes et un environnement partagé depuis longtemps. Dans une fratrie, c'est l'apprentissage du partage, du compromis et de l'entraide. C'est une relation non pas moins complexe que celle des amoureux, qui exige beaucoup de travail et de temps. Ultimenent, quand on vit dans une fratrie saine, on peut bâtir son identité également. Bref, je prône une plus grande valorisation de la fraternité et sororité, puisque ce sont des relations qui nous définissent dès notre prime enfance et peut engendrer de formidables amitiés.
J'aime bien ce petit "roi", cet enfant unique devenu "grand frère", qui n'est plus "maitre du royaume". Il a un intérêt manifeste pour son bébé frère et voit déjà tout le potentiel de leur relation, les choses ludiques, les choses pratiques, mais surtout, une chose essentielle: l'entraide.
Il faut dire aussi que les décors de cet albums sont époustouflants. Ils sont très chargés, puisque la plupart des éléments ont leur propre motif, certains cubiques, certains floraux, d'autres texturés. J'adore la page avec la forêt, où les deux frères se sont cachés sous un arbre. Les couleurs sont riches, parfois vives, parfois transparente comme de l'aquarelle. Il y a foison d'animaux et il y a un chien qui les suit tout du long. L'illustratrice emplois les hachure de coup de pinceau pour donner du mouvement aux vagues et du relief aux glaciers. c'est dynamique et on peut se perdre en contemplation devant ses illustrations.
Ce peut-être un bel album à offrir aux futurs grands frères et grandes sœurs pour leur parler de leur nouveau rôle. Cela permet aussi de donner une perceptive d'avenir quand aux choses qu'ils peuvent partager et vivre avec leur fratrie. Enfin, ça donne aussi une aura positive à la relation entre fratrie, qui ont tout de même beaucoup de points en commun avec les amitiés non-filiales.
Un très bel album touchant et coloré, pour célébrer la fraternité dans ce qu'elle fait de plus beau.
Pour un lectorat à partir du préscolaire, 4-5 ans+.
Catégorisation: Album fiction australienne, littérature jeunesse préscolaire, 4-5 ans
Note: 8/10

J'avais découvert l'illustratrice grâce au livre en tout-carton "Ils ont de la chance ma mamie et mon papi !", qui est super drôle et moderne, c'est donc mon deuxième livre de cette illustratrice.
Lucas rêve d'avoir une poupée, si bien qu'après l'avoir demandé à sa fête, à Noël et même d'avoir sacrifié quelques pièces de monnaie à la fontaine à souhait, il l'obtient enfin! Maintenant, quand sa meilleure amie viendra avec sa poupée, ils pourront avoir chacun la leur. S'ils sont envie d'y jouer, parce que les deux amis ont pleins d'autres jeux. Un jour, alors qu'ils vont au parc avec leur poupée respective, une copine les interpelle en leur demandant s'ils jouaient "à la maman". Lucas répond qu'il joue plutôt "au papa", ce qui, de l'avis de la copine, est logique en fait. Mais soudain, Téo s'approche et enlève la poupée de Lucas. Il se met à appuyer dessus si fort que l'inévitable arrive: un des yeux de la poupée est expulsé de son orbite et dans un "plop!", est éjecté au loin. Alors que les deux filles consolent Lucas, qui est en larme, Téo s'en veut, car son intention n'était pas d'abîmé la poupée. le lendemain, Téo rejoins le groupe au parc avec une petite boite. Lucas, d'abord méfiant, pense que Téo veut le jouer un mauvais tour, mais dans la boîte, il y trouve un cache-oeil pour la poupée. Cet après-midi là, les quatre amis jouent à cache-cache, au football et à faire la cuisine. Bien sur, ils jouent à la poupée... à la poupée-pirate!
Je suis vraiment heureuse de voir de plus en plus d'albums jeunesse traiter la contre-genrification des jeux et jouets. Après tout, c'est une pure construction ces histoires de jeux "pour garçons" ou "pour fille", très employée au tournant des années 50 pour engranger de gros profits de la part des compagnies, il n'y a rien de biologique là-dedans. Là seule chose qui devrait importer, à mon avis, ce sont les intérêts des enfants eux-même.
Dans cet album d'origine espagnole, la déconstruction se fait dans les deux sens et n'a aucune vocation moralisatrice. On a juste des enfants qui aiment partager leurs jeux et leurs intérêts communs. Parfois, on a des enfants jouant aux poupées, parfois avec des camions, d'autres fois à cache-cache. Lucas désirait une poupée et l'a obtenu sans chichi de la part des parents.
Un petit détail que j'ai trouver mignon est le commentaire des deux filles, Éva et Ana au sujet de la poupée ayant perdu un œil:
-Ne inquiète pas.
-On l'aimera toujours autant.
Ça me rappelle ma jeunesse quand un certain membre de ma famille que je ne nommerai pas arrachait des bras et des têtes à nos poupées masculines pour le fun. On avait alors le réflexe de leur faire des plâtres et des collet cervicaux avec du gros adhésif beige parce qu'on refusait de les jeter. On avait tellement peu de poupées-garçons qu'on refusait de les jeter, alors on les aimaient avec leur état "handicapé", un peu comme ici.
Les dessins sont mignons et les personnages ont des têtes rigolotes. Mention à la poupée qui a des cheveux bleus et à la présence de diversité ethnique. Il y a pléthore d'expression du registre émotif, ce peut être intéressant pour l'identification des émotions avec le lectorat préscolaire et primaire.
Un bel album pour traiter des stéréotypes de genre et aussi des actes de réparation quand on blesse quelqu'un, même psychologiquement.
À voir!
Pour un lectorat préscolaire, 4-5 ans+.

Zélie et les émotions de la rentrée
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Une combinaisons intéressante que de combiner la rentrée scolaire aux émotions, puisque ce tournant important important dans la vie des enfants constitue un terreau fertile en nouvelles expériences. Et qui dit "nouvelles expériences" dit forcément "émotion"! Cet album me rappelle le très bel album "Les rayures d"Arthur", de Dre Nadia, qui proposait aussi un parallèle avec les rayures des zèbres, ainsi que l'album d'Anna Llenas "Les couleurs des émotions", où un monstre changeait de couleur au gré de ses émotions.
Ici, c'est Zélie, petite zèbre, qui a des rayures changeantes selon son registre émotionnel:
Doré pour l'excitation.
Gris pour l'anxiété de séparation doublé de tristesse.
Bleu électrique pour la crainte/peur.
Vert vif pour la jalousie.
Bleu "paon" pour la fierté.
Orange vif pour la surprise.
Rouge pour la colère.
Mauve pour l'ennui.
Vert caca d'oie pour le dégout.
Rose pour le plaisir.
Brun pour la frustration associée au besoin de bouger.
Blanc pour la gêne.
Jaune pour la joie.
Arc-en-ciel quand elle aborde sa journée avec sa maman et se remémore l'ensemble des activités ( eu leur émotion dominante associée).
Pour la peine, il y en a des émotions! Certaines sont désormais assez bien connue avec leur couleur symbolique, comme le rouge colère ( le plus connu assurément), le jaune de la joie, le vert dégout, mais je suis agréablement surprise de voir les émotions un peu plus complexes comme la gêne, la fierté et la frustration. Mettre des couleurs sur les émotions et des expressions associées est aidant pour les jeunes enfants, parce que c'est plus concret ainsi.
Un autre aspect que j'aime bien est le côté "neutre" des divers registres émotionnels. Je m'explique: On ne sent pas que les émotions ont une charge positive ou négative et il importe, je pense, d'illustrer que les émotions sont toutes utiles à leur façon. Il n'y a donc pas d'émotions "positive" ou "négative", il n'y a que des utilités. Par exemple, dans cet album, la colère a servi à réagir à une discrimination, plutôt que marquer un caprice, comme j'en vois souvent.
Pour le volet "rentrée", on aborde les activités de la maternelle: les jeux, la cour de récréation, les bricolages et dessins et les chansons. Il n'y a pas vraiment de marqueur sur les règles en de classe, ceci-dit.
Les illustrations sont jolies, très colorées et remplies de détails. J'aime beaucoup ce décor en pleine savane, peuplée d'animaux africains.
À voir!
Pour un lectorat préscolaire, 4-5 ans.

Puce à l'oreille. Haut les pattes
4 commentaires au sujet de ce livre
Bonjour monsieur Dorais. Après avoir lu votre commentaire, je me suis relue. Je concède que mon commentaire général est un peu raide et mes mots lourds. Je vais le retravailler. Je reste d'avis que c'est un des moins bons polars que j'ai lu en jeunesse et le trouve très cliché, mais comme vous avez votre avis, j'ai le mien, on ne peut pas tous être d'accords. Et non, il n'est pas rare que les personnages soient 'différents de la norme", c'est même très fréquent. Ce qui l'est moins, à mon avis, c'est de proposer de nouveaux archétypes de personnages, chose qui manque ici - à mon avis.
Une bonne journée à vous! :)
La libraire-injuste-qui-a-passé-une-journée-bourrée-de-clichés

La femme-renard
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La maison wendat Hannenorak propose un nouvel album dans sa collection "Petit tonnerre" inspiré d'une chanson de l'autrice, "Fox", elle même inspirée d'un conte traditionnel inuit.
Quelque part dans le grand Nord du Canada, une renarde tombe sur Terre. Elle est fascinée par une famille inuit, composée d'une femme, d'un homme et leurs deux enfants. Elle a aussi un grand intérêt pour le magnifique habit de la femme, qu'on appelle "amauti". Au fil des saisons, elle observe la famille et apprend les mœurs de ces humains. Quand Irniq, l'aîné, est en âge de subvenir à ses besoins, il quitte sa famille. La renarde profite du départ du jeune homme pour la chasse pour nettoyer la tente, allumer le "qulliq", sorte de poêle, et préparer le thé. Au début, le jeune homme est ébahit par le phénomène. Un jour, il décide se cacher près de la tente et découvre la renarde allant sous cette dernière. Il y découvre une jeune femme et lui demande si c'est elle qui a effectué tout le travail durant ses absences. La jeune femme confirme et se déclare comme étant sa compagne. Ne voulant pas être seul, il accepte, mais se demande se qui est arrivé à la renarde. Ainsi passe quelques temps durant lesquels l'homme ramène des produits de la chasse et la femme tanne les peaux et préparer la viande. Néanmoins, la femme-renarde ne pouvait pas cacher l'odeur musquée qui émanait d'elle et qui semble incommoder son compagnon, qui émet de plus en plus de commentaires à ce sujet. Plus il se plaignait, moins la femme-renarde se sentait accueillie. Irritée et blessée, lasse se se faire reprocher d'être ce qu'elle est, elle fini par quitter et reprit sa peau de renard. Irniq vit la renarde au loin et l'appela, mais la renarde avait prit sa décision et ne revint jamais.
Je repense au nombre faramineux de romans jeunesse où des filles faisaient tout et n'importe quoi pour être la fille parfaite pour le gars pour lequel elles avaient le béguin, quitte à devenir complètement quelqu'un d'autre et même parfois, quelque CHOSE d'autre. Cette façon de se dénaturer et se soumettre aux dictats d'autres personnes m'a toujours semblé d'une grande tristesse et témoigne de la conditionnalité de certaines formes de relations "amoureuses". En ce sens, voir ici la femme-renarde comprendre que son compagnon n'est pas celui qui lui faut puisqu'il ne sait pas apprécier quelque chose d'aussi banal qu'une odeur, ma foi, ça me fait plaisir. Elle a bien raison de s'en aller. Quand on y pense, comment pourrait-elle partager un jour sa véritable nature si son compagnon est rebuté pour un des éléments de cette même nature? Ça ne l'encourage pas du tout à se dévoiler et pire, ça la dévalorise. Irniq n'a pas ailleurs jamais tâcher de parler réellement de cette incommodité avec sa compagne, ni proposer de pistes de solutions. On peut donc dire que cette relation n'était pas solide.
Et puis, si c'est vraiment si incommodant pour le jeune homme, pourquoi tenter de la rappeler? Peut-être Irniq a-t-il comprit que la femme était ce même renard qui le suivait quand il était enfant? Peut-être a-t-il réalisé qu'il risquait maintenant de la perdre? Cela dit, on en revient au même constat: même devant les faits, il ne sera probablement pas moins incommodé et ne sera sans doute jamais capable d'apprécier sa compagne dans son entièreté. Doublement bravo à la renarde de ne pas s'être laissée amadouée.
On a encore tendance à enseigner aux jeunes que l'amour engendre forcément des changements chez les gens, mais là où on nuance peu, c'est que ce changement ne peut être demandé sur des éléments intrinsèques comme le tempérament, la personnalité ou le physique. Par "changer", on peut entendre "évoluer favorablement" et non "modifier qui on est", et je déplore que ce soit cette dernière qui soit encore largement glorifiée, auprès des filles, surtout. Être plus belle, être moins exigeante, être plus accommodante, etc. La littérature jeunesse en contient encore de ce genre de message, d'ailleurs. Ici, c'est le contraire et je m'en réjouis. Si le compagnon ( ou la compagne) ne sait pas t'apprécier dans ton entièreté et ton unicité, peut-être n'êtes-vous pas faits pour être ensemble?
En tout cas, la question se pose.
Surtout si le compagnon en question en vient à blesser l'estime de sa compagne et ce, en dépit de toutes ses qualités.
Le graphisme est d'un style réaliste, très propre et même un peu "BD"(C'est sans doute en raison de son origine d'animations numérique). Les personnages sont beaux et le jeu de lumières bien exécuté. Mention aussi aux aurores boréales qui peuplent les cieux et qui sont plus communes dans le Grand Nord. Il n'y a pas grand chose dans ce coin du monde, hormis les vallons enneigés et les petits buissons qui constitue la taïga. Ça dépaysage, c'est sur!
Je précise cependant à nos amis européens que cette histoire se tient à une autre époque et ne constitue pas la norme actuelle des peuples inuits, qui ont des villages modernes et la plupart des commodités modernes également.
C'est donc un bel album sur une leçon pertinente que nous offre madame Deer.
Je vous met le lien youtube si vous voulez écouter la version chanson ( en anglais): https://www.youtube.com/watch?v=N3ziEC9bsaE
À voir!
Pour un lectorat du premier cycle primaire (6-7 ans) et plus.

Prince Edmond
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Cette BD jeunesse propose cinq courtes histoires se partageant un personnage principal, le prince Edmond, avec sa grande culotte jaune, ses cheveux noirs et ses pieds dénudés. C'est une BD atypique, proposant un type de protagoniste singulier et des structures d'histoire différentes.
Dans la première histoire, "Le dragon", nous débarquons en pleine réunion de princes avec leurs dragons. Alors que le prince vert et le prince bleu discutent de ce qu'ils font griller par leur dragon, le prince noir, Kahys, se vante de faire rôtir des armées avec son dragon rouge - qui a d'ailleurs l'air très agressif. Edmond détonne avec son calme et son dragon, d'un poil rose limonade, ne souffle que de l'air tiède. Kahys se moque d'eux, si bien que lorsque le dragon rose se colle contre Edmond en quêtant un câlin, Edmond le repousse. Ce n'est pas qu'il n'aime pas son dragon, ils font pleins de choses amusantes ensemble, comme jouer dans les flaques, faire des courses ou faire des roulades. Mais cela n'impressionne pas ses copains. Edmond songe alors qu'il faudrait l'entrainer alors il part avec son dragon pour voir comment Kahys entraine le sien. Toutefois, ce que le prince voit est terrible. Le prince noir force son dragon, qui vit dans une cage, a ingérer des seaux de chardons ardents. Edmond prend alors la décision de le délivrer. Quand le dragon est libéré, il pulvérise la cage à l'aide son feu et retrouve sa liberté. Edmond et son dragon repartent à la maison manger des fraises.
Edmond a donc une grande sensibilité. Son dragon n'est certes pas le plus effrayant et pour cause, on dirait une version rose d'un Godlen Retriever. Néanmoins, lui et Edmond ont une belle relation et sont plus des partenaires de jeu qu'un maitre avec son animal. C'est une belle représentation, spécialement pour un personnage masculin, qui souffre encore trop souvent du concept désuet de "virilité".
Dans le "tigre", Edmond décide qu'il veut devenir un tigre et se peint en orange avec des lignes noires sur le corps. Il quitte son château rose pour aller "vivre" dans la forêt. Seulement, il a oublié de prendre son déjeuner et a donc déjà très faim. Edmond tente de chasser, mais il n'a guère envie de faire du mal aux animaux. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas peur de lui. Il finit par jouer avec des marcassins dont les règles nébuleuses de leur jeu lui échappe. Après avoir affirmé vouloir être un tigre végétarien, il partage le gouter des marcassins et en perd même un dent.
On peut dire que notre prince n'a pas l'âme d"un chasseur, mais il a un talent pour communiquer avec les animaux ( encore un!).
Dans la très courte histoire "Les lunettes", notre prince cherche frénétiquement une paire de lunette parmi sa collection appréciable de lunettes. Il parvient à dégoter sa paire favorite: Celle avec des lentilles roses en forme en cœur. Pour citer la BD: Il suffisait qu'il les mette sur son nez et la pire des journées prenait un goût de barbe-à-papa.
Ça me fait plaisir de voir ce prince adorer la couleur rose et capable d'apprécier quelque chose d'aussi simple qu'un changement de couleur pour adoucir sa vie.Les petits bonheur sont aussi valables, après tout.
Dans "La conversation", Edmond se rend à la plage et souhaite converser avec un crabe. Ce dernier semble l'ignorer et disparait sous l'eau. Décidé, le prince le suit. Il change d'interlocuteur en la personne d'une murène, puis d'une méduse, pas plus loquaces. Il finit par se lasser et songe qu'il pourrait aller nager dans le ciel, qui a la même couleur que la mer. Quand il rencontre les oiseaux, en particulier un, très gros, ce dernier lui fait remarquer qu'on ne nage pas dans le ciel ça va à l'encontre de la gravité. Le prince finit donc par tomber en plein mer. Alors qu'il boudait au fond de l'eau, un petit poisson jaune le tapote du bout de son museau. Il semble se demander ce qu'il lui arrive pour ainsi se morfondre. Le prince se rend compte que les poissons n'ont peut-être pas besoin de parler pour communiquer, surtout quand toute une nuée de poissons virevoltent autours de lui.
Ça c'est intéressant comme thème. La communication non-verbale fait aussi bien parti des façon d'entrer en interaction, avec le non-verbal gestuel et physique notamment. La présence attentive, les sourires, les expressions faciales, les petits gestes comme les accolades ou les mains sur l'épaule, toutes ces façon de dire à l'autre quelque chose sans le verbaliser, on en parle très peu. C'est d'ailleurs ce qui manque aux communications via les écrans. Bref, j'aime bien la présence de cette petite fable.
Enfin, dans "Les cadeaux", Edmond se balade en forêt avec sa mère ( qui l'air d'un croisement entre une dryade et une geisha). Celle-ci s'étonne des trouvailles de son fils. Plutôt que des fruits et des noix, Edmond récupère des pierres rondes, de jolies pierres précieuses et des plumes colorées. La maman lui fait remarquer que tout ça ne se mange pas, mais ce n'était pas la finalité que leur destinait Edmond, de toute manière. Ce sont des cadeaux pour les arbres, qu'il dépose à leurs troncs ou à travers leurs feuilles. Quand Edmond rentre à la maison, à la nuit tombée, les arbres se penchent pour découvrir les cadeaux et en frissonnent de plaisir. Ils laissent leurs feuilles virevoltantes se rendent à la chambre d'Edmond, comme un remerciement.
Ce dernier morceau de BD me fait songer à un conte, avec sa douce magie naturelle et ce gentil garçon qui aime gâter les arbres. Pas de doute que ce prince sensible et généreux sera un grand monarque un jour, bien loin du gros cliché du prince charmant musclé et débile.
Côté graphique, j'aime bien le style un peu coulant des lignes, qui rendent les corps souples et le mouvements fluide. La nature est fortement présente, dans divers tableaux, comme la forêt, le désert ou la mer. Les pleines pages côtoient les quelques cases, ce qui donne au livre des airs d'albums également. Les couleurs sont vives et homogènes, ce qui n'empêche pas de voir des jeux dans les couleurs, surtout dans les arbres. Il y a une forte présence de bleus, de jaunes, de roses et de noir. Enfin, il y a des jeux de forme dans les bulles. Toute la BD respire la vie et le mouvement, c'est agréable à regarder et se prête bien au personnage principal, très explorateur et doté d'une sensibilité à ce qui est beau autant que ce qui est vivant.
Les cinq histoires peuvent sembler ne mener nul part à priori, sans fil conducteur et sans réelle quête, ce qui se distingue des BD jeunesse plus standards, mais je pense que c'est le genre de Bd où il faut justement pousser un peu l'esprit hors des sentiers battus. La Bd sort des conventions à bien des niveaux, autant social que graphique, et certaines histoires ont des fins ouvertes. Ça me fait dire que la BD sera une intéressante œuvre pour ouvrir des horizons aux jeunes lecteurs, leur faire voir autre chose.
Néanmoins, le tout peut manquer d'action ou d'additivité. Ça reste très léger comme univers.
Enfin, les textes sont en police carrée, mais les dialogues dans les bulles sont en police cursive ( attachée).
"Prince Edmond" est une BD qui se savoure comme une nouvelle saveur de crème glacée/glace un peu bizarre. Je suis curieuse de voir ce qui ressortira des lectures des jeunes de cette BD, ça promet d'être intéressant.
Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans.

Les couleurs de Dadaji
1 personne apprécie ce livre
Incontournable Album jeunesse Mai 2023
Comme j'apprécie les albums qui mettent en scène des grand-parents dans une perspective constructive, loin du cliché rébarbatif du grand-parent grabataire et oisif. Dans cet album aux couleurs délicates et au trait doux, il est question d'un petit fils, qui grandit avec son "dadaji", son grand-papa, quelque part en Inde.
Ils vivent dans une vieille maison remplie de tableaux, dans laquelle les deux hommes s’adonnaient à la peinture, parfois avec les doigts, parfois avec des pinceaux. Les enfants du village se joignaient à eux, dans une fresque de feuilles de papiers et de pigments colorés. Ils étaient aussi cultivateurs, faisant pousser des bananes, des ananas et de fruits de jacquier pour les vendre au marché. Il leur arrivait également de partager des mangues juteuses avec les enfants du village, de se faire la lecture et faire flotter des bateaux en papier sur les flaques d'eau des rues, quand venait la mousson. Câlins, soirées aux étoiles et bonheur marquaient leur quotidien, mais le temps étant ce qu'il est, bientôt, le grand-papa partit. Le jeune homme vivait désormais seul dans la vieille maison. Son dadaji lui avait également laissé en héritage un coffret rouge qu'il ne toucha pas: son cœur était trop serré chaque fois qu'il posait les yeux dessus. Le temps passa, les saisons se succédèrent. Le gout de mangues avait changer. Les étoiles brillaient moins fort. Il n'y avait plus de bateaux et plus de peintures colorées. Puis, un jour, une jeune fille vient demandé à notre protagoniste s'il peut lui enseigner la peinture, comme son grand-père le fit pour sa mère à elle. Bientôt, c’est ce garçon qui fait régner à nouveau la couleur et la joie entre les murs de sa veille maison. Il sait maintenant que son grand-père sera toujours avec lui quelque part en lui.
J'aime beaucoup que le deuil soit traité de manière à mettre en valeur l'héritage que laissent les défunts, qu'il soit éducatif, culturel ou affectif. Leur départ n'est jamais facile et sera différent pour chacun.e d'entre nous. Néanmoins, après l'impression de vide, la colère, la détresse et le manque vient les souvenirs et les acquis, comme ici. Notre personnage se met à transmettre ce même savoir qui a caractérisé en partie sa relation avec son grand-père. En perpétuant cette joie et ces compétences, c'est la mémoire et les émotions positives de cette relation qui restent "vivants".
J'adore la richesse de cette relation entre ce grand-papa et son petit-fils. Elle est marquée par tant de tendresse, de contacts chaleureux, d'intérêts communs , de beautés partagés et de partage que s'en est réellement émouvant. Il faut dire que les dessins sont superbes et reflètent fidèlement cette douceur ensoleillée et cet amour filial sincère qui sont au cœur de cette relation. Je souhaite ce genre de relation respectueuse, sincère et tendre à tous les enfants du monde, en particulier aux garçons, qu'on prive encore de chaleur de contact et d'émotions douces du à leur genre. C'est un drame humain planétaire. Mais j'extrapole, là.
Les arts, enfin, véhicule de passion, célébration de la créativité, expression de soi, on ne prend pas toujours la mesure de son importance sociale et psychologique, ça aussi c'est un drame. Au-delà des pigments et des feuilles de papier, c'est un médium de partage, d'échange et d'interaction privilégié. Mieux, c'est un catalyseur d'émotion et une façon de mieux se connaitre. Ici, c'est surtout le volet social qui est mit de l'avant, avec ses enfants qui rient, s'amusent et explorent ensemble. Les arts sont plus qu'un processus de création, ils sont au cœur de notre humanité. Remarquez aussi que la peinture est une sympathique façon d'honorer la beauté de la nature.
Ah, et j'ai remarqué la présence des livres, bien sur, dont on ne présente plus les nombreux bienfaits: partage, développement de la pensée créative et critique, exploration du monde, amélioration de la lecture, etc. Des livres et des arts, quoi demander de mieux?
Les illustrations sont tellement jolies, avec ses couleurs en dégradés si délicats qu'ils fondent ensemble, ses traits sépia fins pour les contours et sa palette de couleur aux frontières du vif et du pastel. Il y a quelque chose de presque onirique dans ces dessins tendres. Le passage du deuil est dans un fond gris doux, les couleurs sont presque toutes parties, sauf le bleu azur de la tenue du protagoniste, soudain un mieux moins "chaud". On l'emploi souvent cette technique de nuances pour le registre émotionnel, c'est-à-dire la mettre en équation avec l'état émotif du personnage. Sans son "dadaji", la vie n'a plus de couleurs, elle est terne et grise. Même les détails des plans avant et arrière ont quasiment disparus. D'ailleurs, j'aime la page où la petite fille demande de prendre des cours, car derrière elle et sur elle, les couleurs sont de retours. J'ai envie d’extrapoler en signifiant que la vie reprend ses droits aussi par l'intermédiaire des autres, avec leur support, leur empathie et leurs passions. Nous avons parfois besoin des autres pour monter les pentes difficiles. Finalement, les pages de garde sont adorables avec leur bric-à-brac de pinceaux, fruits, bateaux de papier, feuilles d'arbres, pigments et dessins. Une salade de petits bonheurs, en somme!
C'est un très bel album pour traiter du deuil et de son pendant complémentaire: la guérison. Il importe de traiter les deux en simultané, je pense pour susciter l'espoir. Chaque chose en son temps, bien sur. C'est aussi une belle œuvre sur un modèle masculin remarquablement positif, une ode à la relation grand-parent-petit-enfant, une représentation apprécié d'un profil ethnique qu'on voit peu encore en littérature jeunesse ( l'indienne) et une fenêtre joyeuse sur les arts, les petits bonheurs et la nature.
À rependre chaleureusement là où il peut faire du bien, c'est-à-dire: Partout!
Pour un lectorat à partir du premier cycle primaire, 6-7 ans et plus.