Activités de Claire Gaucher

Durian Sukegawa, L’enfant et l’oiseau - 2019 Une histoire toute simple, celle d’un amour entre un enfant et un corbeau. Bien vite cependant, l’auteure s’intéresse surtout à la vie du corbeau et laisse de côté celle de l’enfant et de la mère que nous retrouverons plus loin dans le roman. On pourrait se lasser, mais on se laisse prendre au jeu du style et des aventures de l’oiseau si proches des événements humains. Le bien et le mal sont au centre de l’œuvre. Malgré tout, le dénouement nous laisse perplexe avec des interrogations plus que des réponses. Je garde en moi l’attachement de l’enfant pour le volatile.

François Garde, L’effroi - 2016 Le salut nazi d’un chef d’orchestre réputé au début d’un concert entraîne la réaction d’un altiste qui, dans un geste spontané et senti, lui tourne le dos. Et voilà la gloire et les dérives de celui qui devient le héros d’un jour. Un geste et notre vie peut basculer... Malgré quelques petites longueurs, il est intéressant de voir le travail des médias et des enquêteurs dans cette histoire. Pourtant, je suis restée sur ma faim. J’aurais aimé un peu plus de tonus dans le style et les motivations des personnages. Mais peut-être est-ce cela un geste qui dérive et une réalité qui reprend ses droits une fois le tumulte passé.

Karen Levine, La valise d’Hana - 2003 - Une histoire vraie Une valise, un nom : voici l’artefact que Fumiko reçoit au Japon pour son petit musée de l’Holocauste qu’elle veut faire connaître à des enfants. Dès lors, elle n’aura pour but que de partir à la recherche de l’histoire d’Hana. C’est petit à petit que nous la découvrirons en même temps que toute la peine que s’est donnée Fumiko pour faire revivre l’enfant. Quel livre touchant ! Écrit dans une langue simple et claire, l’œuvre nous plonge dans la lente dégradation des vies de ceux qui ont eu le malheur de naître juifs. La beauté est là pourtant, en filigrane, dans les gestes de ceux qui se souviennent... et dans le cœur du lecteur, heureux de se sentir si proche d’Hana, de son histoire et de la savoir toujours vivante grâce aux mots de Karen Levine. J’ai beaucoup aimé.

Jon Kabat-Zinn a contribué à la création et à la diffusion de la méditation pleine conscience. Ce livre nous éclaire sur ce qu’elle est et n’est pas et vaut la peine d’être lu et relu du moins dans sa première partie. Les autres parties nous offrent des exemples de méditations inspirantes et des témoignages sur le vécu quotidien du méditant ainsi que des réflexions plus philosophiques sur l’Un et le tout et quelques attitudes à développer. C’est une lecture inspirante qui cadre bien avec l’application Petit Bambou avec laquelle on peut mettre en pratique ce qu’on a découvert dans l’œuvre. Nulle doute que je relirai pour mieux intégrer ces états d’être. J’ai bien aimé.

La narratrice entreprend un voyage d’écriture sur un cargo. C’est l’occasion pour elle de se remémorer la maladie et la mort de sa mère et de se délivrer de tout ce temps passé à alléger ses souffrances. D’un côté, le calme et la paix, de l’autre le quotidien des aidants avec tout ce que cela comprend de fatigue, de culpabilité et d’impuissance. J’aurais aimé connaître un peu plus la jeunesse et la vie de cette vieille dame. On s’y serait attaché plus il me semble et, avec cela, la narration aurait été plus émouvante. N’empêche, voilà que j’en connais un peu plus sur la sclérose latérale amyotrophique.

Plus que des histoires, ce sont des moments que nous propose Jean-Paul Beaumier dans cette suite de courtes nouvelles. Sous le réalisme des situations, il y a une tendresse inédite, celle de l’enfance qui ne meurt pas peut-être ou celle de ces relents d’amour qui durent malgré la vie. J’avoue que les photos inspiratrices m’ont dérangée un peu. J’aime mieux imaginer que voir... et j’ai préféré les nouvelles qui mettent en scène les personnages enfants. On y trouve beaucoup de douceur. La douceur, c’est d’ailleurs ce que je retiens de cette belle lecture.

Brigitte Giraud, Un loup pour l’homme - 2017 Brigitte Giraud est née en 1960 et a remporté plusieurs prix dont Le Goncourt des lycéens, le Femina et le Médicis pour ses romans. Elle écrit aussi des nouvelles. Un loup pour l’homme est en cours d’adaptation pour le cinéma. L’écriture nerveuse et toute cinématographique s’y prête bien d’ailleurs. Les descriptions des lieux sont précises et toujours bienvenues. Elles créent une atmosphère parlante et révélatrice de ce que vivent les personnages. Antoine, infirmier de guerre, se lie d’amitié avec Oscar, l’amputé. Images de guerre, d’amour et de fraternité dans la camaraderie des baraquements. On est en Algérie et les personnages ne comprennent pas toujours bien ce qui s’y passe. Nous non plus d’ailleurs, mais là n’est peut-être pas l’essentiel, car l’auteure s’attache surtout à décrire la vie en temps de guerre et de violence, les amitiés qui se nouent, l’amour qui apporte un peu de tendresse, les attentes de lettres, les blessures physiques et intérieures à guérir, la peur qui tord les boyaux, les promesses du futur. Brigitte Giraud, un nom que je découvre. Un nom à retenir.

29 petites nouvelles denses, uniques, originales ! Si, au départ, les sujets m’ont laissée perplexe, la drogue, le sexe et l’alcool étant au centre des histoires, je n’ai pu que m’incliner devant le style de Danny Émond et aimer ces paumés enfermés dans leur solitude. Le vide, sous la plume de ce jeune auteur dont c’est le premier livre, n’est plus du vide, mais un cri plein de sens. Le personnage de Maurice, qui revient à quatre reprises, nous va droit au cœur. J’ai pu le constater encore aujourd’hui : dans un livre, c’est le style qui fait toute la différence et la force et le sens d’une œuvre.

C’est une belle histoire que celle de Michka, Marie et Jérôme malgré la maladie qui s’empare des mots de Michka. On sourit devant ses inventions langagières, mais on s’attendrit surtout devant les gestes qui, plus que les mercis, expriment la reconnaissance. Dès les premières pages, on est sous le charme et s’il n’y a pas à proprement parler de suspense, il y a ce mystère qui entoure l’enfance de Michka et qui se dévoile peu à peu. À qui voudrait-elle donc dire merci au soir de sa vie ? L’écriture est simple mais chaleureuse comme les personnages. J’ai beaucoup aimé.

Le narrateur apprend que son ami et producteur Eugène a un cancer violent. C’est l’occasion pour lui de se remémorer tous les disparus de sa vie, de s’interroger sur la maladie et la mort dans le but d’en faire un film. Il s’intéresse aussi à une voisine du 6e dont il peut épier les gestes, sa fenêtre donnant sur les siennes. C’est en consultant une médecin pour son film qu’il se rend compte qu’il s’agit de sa voisine et qu’elle s’appelle Elena... Truffé de réflexions sur la mort, la vie, la vieillesse, l’amour, le cinéma, ce livre est une errance. L’on va d’un sujet et d’un personnage à l’autre avec le même intérêt sans savoir trop bien ce que l’on en retiendra cependant. Mais ce livre ressemble à nos vies, il en a les sauts abruptes dans le passé et le présent, les questionnements, les passages obligés vers les souvenirs, les surprises qui surviennent au détour d’une rue ou d’un café, les amours déchues mais toujours vivantes, la conscience du corps qui se transforme. Un amalgame de douceurs et de constats dérangeants, quoi ! C’est du Claudel, c’est bien écrit, jamais superficiel, mais j’aurai pour ce livre, un souvenir évanescent comme toute chose qui passe et dont on ne retient que les échos lointains en nous ! Pourtant l’auteur veut garder la trace de ceux qu’il a aimés : c’est ce lien qui me reliera à l’œuvre...

Hectorine, 104 ans, écrit des lettres à sa voisine Sarah, une nouvelle venue dans son immeuble. Même si cette dernière lui montre peu d’intérêt, elle continue de lui raconter sa vie... Ce roman épistolaire crée un drôle de sortilège sur le lecteur. Au départ, on imagine des commérages de quartier puis on se rend compte qu’il y aura plus, quelque chose d’essentiel et l’on s’attache aux deux correspondantes. Même si Sarah s’inquiète de cette intrusion dans sa vie, elle ne peut que répondre aux missives de la vieille dame. De quoi s’agit-il ? Quel est le lien entre ces deux protagonistes ? L’énigme originale, troublante, se révèle dans la dernière lettre d’Hectorine. Un roman lu en une journée. J’ai beaucoup aimé.