Activités de Claire Gaucher

Hélène Dorion, Pas même le bruit d’un fleuve - 2020 - ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ Hanna part à la recherche de sa mère Simone, de ce qu’elle était, de cette absence qu’elle avait dans les yeux et, ce faisant, elle part à la recherche d’elle-même pour mieux comprendre ce manque et ce goût d’absolu qui l’habitent. Après le décès de celle-ci, elle découvre une boîte remplie de papiers et de découpures de journaux du naufrage de l’Empress of Ireland en 1914. Pourquoi ? Quel est le lien ? Que pourra-t-elle apprendre si elle suit cette piste ? J’ai lu ce roman en quelques heures seulement tant il est bien construit et nous mène au cœur de ces liens profonds qui nous relient à notre ascendance. La réputation d’Hélène Dorion n’est plus à faire. C’est une grande dame de notre littérature. Elle a écrit plus d’une trentaine d’ouvrage et a obtenu le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre en 2019. Récits, poésie, romans, elle excelle en tout et, chaque fois, elle nous invite à faire une plongée au cœur de l’humain et du sens de la vie. J’ai beaucoup aimé.

Bernard Chenez, Les mains dans les poches - 2018 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Chenez nous entraîne au fil de ses souvenirs, fait revivre pour nous les années de révolte, les autres plus douces et ses premières amours, tout cela pêle-mêle. Rien pour donner le goût de le lire, vous me direz, mais il y a là de belles trouvailles de style qui valent à elles seules le détour. Il y a des auteurs qui savent rendre vivants les moments du passé et c’est un peu alors comme s’ils nous appartenaient. Chenez est de ceux-là. On sent, on goûte, on court avec lui et on s’écorche les genoux sur le réel, mais il fait doux de le savoir là toujours vivant dans la mémoire.

Romain Puértolas, La Police des fleurs, des arbres et des forêts - Polar - 2019 - ⭐️⭐️⭐️ Ce roman policier ressemble à un...roman policier ! Il y a de fausses pistes, un officier sympa, le début d’un amour avec une suspecte, du suspense... Rien de vraiment neuf, et puis j’ai deviné cent pages avant la fin... mais la présentation des détails de l’enquête se fait par lettres entre l’inspecteur et la procureur, ce qui donne un échange amusant parfois. M’attendait tout de même une surprise au dernier chapitre. Cela ne suffira tout de même pas à me convertir au genre... Lecture agréable sans plus.

Dany Laferrière, Le Charme des après-midi sans fin - 2011 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Petit-Goâve - Des villageois colorés, une grand-maman Da, pleine de sagesse et de fermeté, Marquis le chien, la douce Vava, et voici l’adolescence de l’auteur au pays aimé et les nécessaires apprentissages de cet âge. Laferrière procède par petites touches, ce qui nous permet de savourer pleinement les instants. Les moments naissent et s’évanouissent et c’est leur évanescence qui crée chez le lecteur la même nostalgie et la même candeur sans doute que chez le narrateur. N’est-ce pas là le propre du souvenir ? J’ai beaucoup aimé.

Christine Eddie, Un beau désastre - 2020 - ⭐️⭐️⭐️ Comme le dit Christine Eddie, le roman commence vraiment à la page 60 et, à partir de là, tout se précipite. La longue introduction nous a tout de même permis de nous familiariser avec les personnages, l’atmosphère du Faubourg et tout ce monde coloré et grouillant de vie. La pauvreté, le rêve, l’entraide, l’environnement sont autant de thèmes abordés, l’auteure étant attachée semble-t-il aux grandes questions sociales. Clélia et son neveu Monsieur Junior se débattent et c’est au détour des pages que l’on découvre l’espoir comme moteur de leur vie. J’ai aimé, pas autant que Les carnets de Douglas de la même auteure, le style me semblant moins travaillé, mais j’ai aimé.

Chantale Gingras, Éclats, haïkus - 2020 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Magnifique ! Encore une fois, Chantale Gingras bouscule les conventions et nous offre sa part de réel, originale, surprenante, fascinante par moments. Elle sait faire dans la brièveté et ses mots n’en acquièrent que plus de puissance. Avec elle, notre regard se renouvelle, s’émerveille, et s’exclame tant les découvertes sont neuves et belles. Je n’ai pas toujours souscrit à ses haïkus en quatre vers. J’aurais écrit autrement, mais je ne suis qu’une simple amateure éclairée. Je relirai pour mieux savourer ses trouvailles. Mais déjà, j’en aime plusieurs dont celui-ci : « Un éclair le ciel photographie la Terre » Extrait de Éclats Chantale Gingras

Voilà un roman bien bizarre... et, mystérieusement, malgré les incongruités, les chats qui parlent, les poissons qui tombent du ciel, on s’attache à l’univers de Murakami et à ses personnages. C’est tellement bien écrit qu’on ne s’ennuie pas, entraînés que nous sommes à vouloir une explication, un sens à tout cela. Il y a de tout dans cette œuvre : roman d’apprentissage, réalisme fantastique, psychologie, métaphysique, intrigue policière, allégorie, etc. C’était une lecture inhabituelle pour moi, mais j’ai été envoûtée par le style de Murakami. Le livre refermé, il reste encore tout à comprendre, rien de plus nourrissant que le mystère parfois... J’ai adoré.

Matthieu Megevand, Lautrec - 2019 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ On ne sait si Lautrec était aussi fêtard, dévoyé, mais ce roman biographique dresse le portrait d’un artiste possédé par l’alcool, la vie, les femmes, les prostituées et... la peinture. Toutes seront ses amantes jusqu’à la désespérance et la destruction. Le style est direct, truculent comme sans doute Lautrec l’était avec la vie. L’auteur, pour le désigner, adopte des qualificatifs parfois désobligeants, ceux-là même que Lautrec lui même devait accepter dans son quotidien à cause de son infirmité, parfois avec ironie parfois avec tristesse. Lire cette vie, c’est peut-être aussi entrer dans le monde un peu fou des années 1900. Un roman prenant qui ne laisse pas indifférent et qui donne encore plus de vie aux affiches : celles d’Aristide Bruant, de la Goulue et de Jane avril.

Gaston-Paul Effa, La verticale du cri - 2019 - Récit initiatique - ⭐️⭐️⭐️ Gaston-Paul Effa, né en 1965, est un écrivain d’origine camerounaise. Dans ce récit, le narrateur rencontre une sage Pygmée qui lui fera découvrir l’essence même de son être, de la vie. Ses enseignements ne sont pas toujours faciles à suivre, mais comme dans tout bon récit de cette nature, j’imagine, l’on comprend ce qui nous est nécessaire au moment de notre lecture et on s’ouvre d’autres chemins pour plus tard. J’aurais aimé plus de fluidité dans le style, plus de simplicité aussi pour mieux rendre compte de la sagesse de Tala.

Anne Cathrine Bomann, Agathe - 2019 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Traduit du danois, ce roman aux courts chapitres présente un psy en fin de carrière. On se demande après quelques dizaines de pages où cette histoire nous mène, puis on s’abandonne et c’est là que tout commence : une rencontre avec les êtres et un personnage qui se rencontre lui-même peut-être pour la première fois. Pas de suspense, juste la vie que l’on questionne et qui répond quelquefois. Le style est fluide, les instants sont petits et révélateurs. Un homme ordinaire, une histoire ordinaire. Mais d’où nous vient donc cet attachement au monde de Bomann ? Il n’y a peut-être que notre propre vie qui sait...

Éric-Emmanuel Schmitt, Journal d’un amour perdu - 2019 - ⭐️⭐️⭐️ Récit du décès d’une mère. On entre dans l’intimité de Schmitt, de ses questionnements, de son rapport à la vie, de ce « secret » de notre mère au’on pense tous découvrir un jour. J’ai mis un temps à découvrir l’œuvre puis j’ai aimé pour sa simplicité, pour les fragments pleins de vérités. Plus les phrases sont courtes, plus on entre dans le mystère du lien et de l’absence, plus on apprivoise l’auteur et sa destinée, car il n’y a peut-être que le silence pour dire une telle perte et on le sent lourd de signification dans les espaces de la page blanche. J’ai aimé puisque je me suis rappelée...