Activités de Claire Gaucher

Anna Enquist, Quatuor - 2016 pour la traduction Anna Enquist est le pseudonyme de l'écrivaine et psychanalyste néerlandaise Christa Widlund-Broer, née le 19 juillet 1945 à Amsterdam. Ce roman présente les vies de quatre amis, Hugo, Jochem, Héleen, Caroline, qui forment un quatuor et trouvent réconfort dans la musique et dans leurs rencontres. Il y a aussi Reinier, autrefois musicien et professeur réputé, qui voit la vie à travers le prisme de ses inquiétudes et qui se lie d’amitié avec le petit Djamil. L’enfant fait ses courses et le sauvera d’un véritable traquenard. L’oeuvre rapporte les faits quotidiens des quatre amis et de Reinier un peu à la manière d’Audur Olafdottir. Du moins, j’ai trouvé une certaine parenté entre les deux écritures toutes quotidiennes et légères sans être superficielles. Ici, cependant, le roman se transforme en intrigue policière vers la fin de l’œuvre et ajoute du suspense au moment même où il risquait de sombrer dans la redite. L’écriture est intéressante, subtil mélange de faits et de remarques intérieures néanmoins faciles à décoder. Je viens de découvrir Anna Enquist et je crois bien que je la lirai encore. J’ai bien aimé.

Ruth Hogan, Le gardien des choses perdues -2016 - ⭐️⭐️⭐️ Anthony, 76 ans, triste d’avoir perdu un médaillon de son amour Thérèse, collectionne les objets perdus et écrit des nouvelles sur leur histoire imaginaire. Il désespère de les rendre un jour à leurs propriétaires, conscient qu’ils peuvent représenter une part importante de leur vie... C’est un joli roman, avec quelques longueurs et une « happy end », mais cela fait du bien de temps en temps. Chose certaine, on a le temps de s’attacher aux personnages et d’aimer la démarche d’Anthony et de celle qui prendra sa relève. Légèreté, humour sont au rendez-vous, mais les courtes histoires des objets perdus sont belles et pas nécessairement toujours heureuses. Un livre simple, touchant où les intuitions de Sunshine, la petite voisine, nous donnent à penser que les choses ont une vie, les morts aussi. Je me souviendrai de l’intention, point de départ de l’œuvre.

C’est un livre sérieux, profond, enrichissant, le meilleur livre que j’ai lu sur la méditation. C’est aussi toute une philosophie de vie que nous propose Christophe André. Il présente la méditation comme une gymnastique de l’esprit et nous devons, comme dans l’exercice physique, l’apprentissage d’une langue ou d’autres choses, nous y entraîner régulièrement et, pourquoi pas, chaque jour pour en recueillir tous les bienfaits. L’auteur n’est pas un illusionniste et ne promet pas de miracles, mais un mieux vivre toute notre humanité par la pleine conscience. Je manque de mots pour en bien parler, mais je vous le recommande fortement. C’est un beau complément à ma pratique de méditation avec l’application Petit Bambou. Je crois que si je ne faisais pas la méditation de pleine conscience, je savourerais moins ce livre. Là j’ai une lecture moins intellectuelle. Je crois que ça va améliorer ma pratique. Mais je crois que les non-méditants peuvent y trouver nourriture aussi. J’ai adoré ! A lire et relire !

«On ne peut pas oublier, pensai-je, mais peut-être qu’on peut apprendre à vivre sans regrets. » C’est un roman lent, aux tonalités impressionnistes, mais derrière les jours qui semblent anodins parfois se profile un passé difficile à oublier. Léo et Lorca, insulaires pour un temps, sauront-ils en guérir ? C’est, comme le dit la quatrième de couverture, un roman de réparation et de restauration et l’art y est pour quelque chose. L’amour aussi qui naît de trop de solitude. Les chapitres sont courts comme autant de petits pas vers la reconquête de soi. Et Tobias, l’enfant énigmatique qui hante les pages de ce roman, participe à cette guérison… J’ai aimé vivre au rythme de l’île et de ces soubresauts narratifs qui relancent l’intrigue.

Ce roman m’a émue. Il est simple comme une histoire simple, comme la vie. Emma vit une rupture amoureuse et la disparition de sa sœur Noëlle. Elle vit ces deux absences jour après jour, mais la résurrection fait son chemin lentement, patiemment et la vie réserve au personnage une surprise qui la guérira tout entière. J’ai aimé cette œuvre douce, lente, poétique, faite de l’histoire du cœur qui ne veut pas mourir mais meurt pourtant dans les petites choses de la vie, meurt, mais renaît aussi à la barre du quotidien quand les jours se font plus doux. Louise Dupré sait, dans des images simples, traduire les méandres intérieurs. J’aime cela et je songe déjà à lire d’autres œuvres de cette auteure. À découvrir.

« Vieillir, vous savez, c’est seulement ne plus avoir peur de son passé. » Magnifique ! Cette longue nouvelle commence doucement par une conversation qui tourne à l’affrontement verbal dans une petite pension bourgeoise. On déplore ou on accepte le départ subit de dame Henriette avec un jeune homme. On se questionne sur le coup de foudre, sur les raisons qui l’ont poussée à poser un tel geste... Puis voilà que Mrs C. éprouve le besoin de confier au narrateur un épisode de sa vie en privé. C’est à ce moment que le récit prend son envol et qu’on se laisse entraîner dans le tourbillon des confidences de Mrs C. On ne peut que lire avec passion les passions qui animent les personnages en présence. Je découvre Sweig et le vertige de le lire. Il sait d’un trait décrire avec force les comportements humains. Ici tout se lit dans le jeu des mains d’un joueur invétéré, dans les pas indécis de Mrs C. qui veut lui venir en aide. L’art de Sweig, semble-t-il, est celui du récit dans le récit qu’il sait rendre ici ô combien vivant et prenant. Le personnage de Mrs C, je crois bien, a quelque chose d’immortel. Il demeure en nous comme une figure universelle.

David Foenkinos, Vers la beauté - 2018 Mystère : on ne sait pourquoi Antoine Duris a quitté Lyon et son poste de professeur, pourquoi il veut se rendre invisible, pourquoi il aime tant la peinture de Modigliani et le destin de sa compagne Jeanne Hébuterne. On ne sait pas pourquoi il rencontre Mathilde ni pourquoi il se recueille sur la tombe de Camille Perrotin. On l’apprend petit à petit. L’œuvre me fait penser à ces poupées-gigognes qui se dévoilent une à une jusque dans le très petit, qui s’emboîtent les unes dans les autres jusqu’à ce que le sens apparaisse rempli des unes et des autres. L’œuvre de Foenkinos est faite de simplicité et de profondeur. On s’ennuie rarement avec lui. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il comprend bien l’univers féminin et le décrit avec sensibilité et empathie et on vibre avec lui dans la même émotion. J’aime la plupart des œuvres de Foenkinos et cette fois-ci encore, j’ai beaucoup aimé. Quel dénouement touchant !

Un premier roman tout à fait réussi, prenant, bien écrit et qui illustre à quel point la vie peut nous entraîner à laisser être ce qui bouge en soi. On aime la fragilité de Sarah et la descente au puits de la vérité d’Avril, les deux sœurs ennemies que la vie bouscule pour mieux les pétrir et les révéler à elles-mêmes. Les mots portent, l’histoire est touchante et se lit presque d’une seule traite tant on est emportés par la fougue des mots et leur pouvoir singulier. Ce roman nous réconcilie avec ces dissonances que l’on rencontre parfois avec les êtres que l’on côtoie. J’ai beaucoup aimé.

Cris de Laurent Gaudé nous mène dans univers tourmenté au sein même de la première guerre mondiale. Il nous transporte dans les tranchées, où nous sommes émus par les Hommes et étourdis par le bruit. En effet, perdus parmi le bruit des obus qui éclatent, les cris des hommes et le brouhaha incessant de la guerre nous apprenons à connaître Marius, Boris, Ripoll, M’Bossolo, Jules et encore bien d’autres. Ces hommes, détruits par la guerre brouillent la limite entre humain et inhumain ; humains par leur camaraderie, leurs peines, leurs peurs et inhumains de part la folie qui les rongent et qui leur fait perdre tout bon sens. Cependant, si Cris et un magnifique roman de guerre, cela est plus du fait de la focalisation interne du point de vue des personnages, qui nous met face à leurs sentiments, que de réels faits historiques. La plume de l’auteur nous captive du début à la fin, mais attention fans d’auteurs au style très littéraire, ici, pas de longues phrases compliquées, mais un style simple et concis qui marque les esprits. Laurent Gaudé maintient l’attention de son lecteur par des phrases qui choquent, notamment celle-ci : « Je ne pensais pas qu'autant d'hommes pouvaient vouloir ma mort. » En résumé, Laurent Gaudé nous offre en Cris un très beau roman, émouvant à souhait qui plonge dans le cœur d’hommes brisés par l’horreur de la guerre.