Activités de Claire Gaucher

« La chaleur du soleil semblait fendre la terre », est-il écrit au départ. Et, dans ce monde de poussière et de silence où la mer laisse croire aux êtres qu'ils sont au bout du monde, Luciano Mascalzone engendrera au prix de sa vie, une lignée maudite. Et dans ce monde de soleil, de sueur et d'orgueil, de Rocco à Élia, l'illégalité, le courage, l'argent, la bouffe heureuse, la solitude, les amours-feux, l'eau, la terre, le feu et l'air se sont donné rendez-vous pour construire un bonheur, une fierté neuve, celle d'être un, une Scorta sous le soleil de Montepuccio. Le soleil des Scorta a obtenu le prix Goncourt en 2004 et le prix Jean Giono.

Virginia Woolf, Mrs Dalloway - 1925 Lire Virginia Woolf, c’était pour moi un défi. Pour aimer Mrs Dalloway, il faut aimer les livres qui n’ont d’histoire que le quotidien, mais un quotidien tout tourné vers les temps intérieurs des personnages. Tout se passe en un jour, un jour de juin. Mrs Dalloway décide d’aller acheter elle-même les fleurs pour la soirée qu’elle offre aux gens de la bonne société anglaise de l’époque. Dès lors, nous sommes plongés dans le Londres des années 20, le Londres de chacun des personnages et cela donne lieu à de magnifiques passages sur l’effervescence de la ville. À cet égard, celui de la mendiante à la mélopée nostalgique est parmi les plus beaux. C’est par petites touches, par fragments, que Virginia Woolf nous présente la vie de Clarissa, de son époux Richard et de son ancien amoureux Peter. Celle de Septimus aussi rongé par la folie. C’est le roman de l’errance dans la ville et en soi, un tourbillon dans lequel on se laisse emporter. L’impressionnisme de l’auteure n’est pas sans rappeler Proust. On aime flâner avec les personnages dans les rues, les boutiques et les parcs. On aime ce temps tourné vers le passé et ce temps objectif ponctué par Big Ben. On avance dans le jour vers cette soirée où tous les personnages se rencontrent dans l’aujourd’hui avec ce qu’il reste d’hier et de leur histoire. J’ai passé quatre beaux jours enfermée avec eux et j’ai adoré !

Que j’ai aimé ! Voici je ne sais combien d’articles qui racontent la vie de Bernard Pivot avec les mots. Le livre est rempli d’informations pertinentes et amusantes, pleines de finesse. Et si l’étymologie vient à la rescousse quelquefois, c’est le plus souvent l’expérience et la culture qui leur donnent saveur et couleur. C’est à un véritable voyage à travers les mots que nous convie Pivot et il nous donne presque le goût de créer notre propre dictionnaire personnel. À lire à petites doses et pour le plaisir de les découvrir et de partager un peu de la vie de l’homme aussi.

Voilà un très beau livre sur la part de lumière, mais aussi la part d’ombre du grand Albert Einstein. L’écriture fine, toute en nuances et en intensité, nous confronte aux destins de ses proches, de ses trois enfants, mais d’Eduard surtout, schizophrène à dix-huit ans. L’œuvre est si dense et les malheurs sont si profonds que j’ai dû prendre des pauses après chaque chapitre pour me reposer le cœur et l’esprit. Les monologues d’Eduard, s’ils sont déroutants sont parfois curieusement empreints de sagesse et Mileva, la mère, est bouleversante dans son amour pour son fils. Il s’agit ici d’une exofiction. On ne peut donc être certains de tout, mais Seksik semble avoir fait une recherche minutieuse et la reconstruction de ces vies est empreinte d’une telle précision qu’on y adhère complètement. L’écriture est très belle. Le roman se termine sur un émoi : celui d’Eduard et le nôtre !

Deux voyages en train racontés en alternance. Deux temps, deux femmes, deux passions qui germent, se gonflent, éclatent à mesure que le train avance vers sa destination, le tout bien amené par l’auteure avec ses indices subtils et son habileté à faire progresser l’intrigue et la tension dramatique. Ce huis-clos changera la destinée des deux femmes. Le dernier chapitre, dans la droite ligne de l’un des thèmes du roman, crée un lien, ténu peut-être, mais tout de même un lien entre les deux histoires et lui donne une résonance toute particulière. C’est ma deuxième lecture de Gaëlle Josse et je n’ai pas été déçue encore. L’écriture est belle et intérieure avec des mots qui portent.

Voilà du bon Schlink, une vie dont on ne découvre les secrets qu’à la fin seulement. S’il y a quelques petites longueurs, cela tient à la structure concentrique de l’œuvre quand Olga, dans ses lettres, raconte de l’intérieur des états que l’on devinait déjà dans la première et la deuxième partie. Mais le personnage est si attachant qu’on a encore le goût d’être avec elle malgré notre impatience de découvrir toutes les ficelles de son histoire. Les allusions discrètes à la condition féminine donnent du poids et de la couleur au récit. Je l’ai lu en deux jours avec la hâte et le goût de reprendre ma lecture chaque fois.

Entre le réel et le rêve de refaire la vie, une histoire simple, mais qui bascule dans la deuxième partie de l’œuvre et nous donne droit à une véritable montée dramatique. Elle a 10 ans, son frère Gilles un peu moins et voilà que les jeux se transforment en une véritable quête de la vie d’avant un accident dont les enfants sont témoins. Elle fera tout pour retrouver le sourire de son frère perdu, avalé par l’hyène empaillé, croit-elle, par le mal et la mort partout présente. C’est un roman de la maltraitance qui nous fera vivre des scènes de méchancetés et de violence peu communes. Alors on tourne les pages, on tourne les pages, essoufflés par le style nerveux et tourmenté, désireux que nous sommes de voir une issue à toute cette noirceur. Œuvre initiatique, la jeune protagoniste fera aussi l’apprentissage de la liberté, découvrira sa sensualité, la joie d’apprendre et, en elle, une force qui lui permettra de survivre à l’horreur et de revoir le sourire de Gilles. Sa candeur et sa foi en la vie la sauvera de tout.

Voilà un roman bien touchant que j’ai lu en une journée. A travers les yeux de Thérésa, Anna, Maria et Mark, on assiste à un chassé-croisé de personnages, tous amoureux fous de la musique ou qui la découvrent comme une lumière de guérison ou de passion. C’est aussi l’histoire d’un violon Stainer qui, passant de l’un à l’autre, révélera beaucoup de la vie et des attentes de chacun. Il fait figure de personnage à part entière. Au début, on se demande si on aimera, on ne comprend pas trop ce que tous ces personnages ont dans le ventre et dans le cœur puis on s’attache à Maria, à son monsieur Karl, son employeur, et on se laisse guider par l’histoire qui défile comme un fil d’Ariane et nous amène à l’essentiel. C’est petit à petit que l’on découvre chacun. Seul bémol, j’aurais aimé que l’auteure suggère plus au lieu de tout dire. Un peu de nuance dans la psychologie des personnages aurait aussi été la bienvenue, mais on aime parfois que tout ne soit pas gris. Il faisait soleil aujourd’hui et j’ai aimé les soleils de Maria.

Ce livre est magnifique ! Outers, décrivant le dernier jour d’écrivains, d’artistes aimés, retrace par la même occasion ce qui semble avoir été la clef de leur vie : la mer, la mère, la mémoire, entre autres. On visite l’essentiel et cette visite nous apprend beaucoup sur l’écriture, sur le cinéma, sur l’âme, car Outers est un fin observateur et connaît bien, à mon sens, les fils invisibles qui nous relient à la vie, à son sens. Et puis quelle écriture ! On savoure les mots, on apprend, on s’attendrit devant le destin de ces êtres et on sort de cette œuvre confiants que notre vie aura eu un sens même si nous ne savons pas toujours bien le nommer, collés que nous sommes au réel et aux rêves qui la façonnent. J’ai beaucoup aimé.

C’est un peu lourd parce que c’est d’inspiration autobiographique même s’il y a une part d’invention dans ces carnets de guerre. On doit vivre avec la douleur et l’inquiétude de l’attente de Robert L, son mari Robert Antelme, à la fin de la guerre, avec l’interrogatoire d’un donneur, avec les pas des résistants, avec une enfant juive. L’écriture en spirale, un peu obsessive de Duras convient bien à ces récits troublants qui nous donnent une autre vision de ce temps. La guerre, en effet, décuple les peurs, les angoisses et induit des comportements inhabituels, surprenants parfois. J’ai aimé retrouver Duras, la découvrir sous un jour que je ne connaissais pas.

D’entrée de jeu, une voix interpelle le lecteur et ses mots agissent comme un coup de poing. Dès lors, on ne pourra que se sentir concernés par l’histoire et les personnages. Illustration de notre monde moderne où les intérêts économiques priment sur tout, l’œuvre dénonce en partie les attitudes de soumission que l’on adopte trop souvent face à ce constat. Mais au-delà de cela, elle se veut une réflexion plus profonde sur la nature humaine. Les gestes, les situations deviennent les révélateurs de la face sombre de l’âme. Dérangeant, troublant, ce roman ressemble à une fable où même la présence des odeurs est significative. Je l’ai lu en un jour, happée par l’intrigue, inquiète pour le jeune instituteur et pour la suite des choses. J’ai bien aimé.