Activités de Guilaine Spagnol

Plus connu sous le nom "L'oiseau canadèche", ce roman culte de Jim Dodge méritait bien d'être publié en roman graphique (dans son sens le plus littéral du terme), et ce avec les sublimes illustrations de Tom Haugomat. Fup : l'oiseau canadèche, nous raconte l'histoire d'une famille recomposée un peu hors norme dans l'Ouest américain : le vieux Jake, presque 100 ans, qui a recueilli son petit-fils Titou, devenu orphelin après le décès de sa fille. Jake est un vieux bougon amateur de bibine, Titou est un garçon réservé passionné de clôtures. À ce duo improbable s'ajoute l'oiseau canadèche, une jeune cane boulimique qui devient leur compagnon préféré. Cette pépite de Jim Dodge, long originellement d'une petite centaine de pages, est un vrai concentré d'excentricité ; un récit à la fois poétique, tendre et insolite. Ce petit texte truculent devient ici une oeuvre d'art grâce aux magnifiques peintures de Tom Haugomat, dont le trait minimaliste est sublimé par une palette de couleurs chaudes. On en prend plein les yeux ! À tous ceux et celles qui ne connaissent pas encore Jim Dodge et qui veulent découvrir un grand nom de la littérature américaine dans ce superbe écrin : n'attendez pas ! Les stocks sont limités.

Qui connaît aujourd’hui le nom d’Alice Guy ? À part quelques cinéphiles et une poignée de féministes, le grand public ne sait rien de cette femme, à qui le milieu du cinéma doit pourtant beaucoup. À l’aube du XXe siècle, Alice Guy assiste un certain M. Gaumont dans son officine de photographie. Au même moment, les frères Lumière inventent le cinématographe, et la compétition autour de cette incroyable invention va s’intensifier. Au fil des années, Alice Guy va s’imposer comme la première réalisatrice, scénariste et productrice française de l’Histoire. Collaboratrice essentielle de M. Gaumont, le nom d’Alice Guy n’est pourtant pas resté dans les livres d’Histoire comme celui de Méliès ou Pathé. Le duo de bédéistes Catel & Bocquet, déjà connu·e·s pour leurs biographies en BD d’Olympe de Gouges, Joséphine Baker ou Kiki de Montparnasse, lui redonne ses lettres de noblesse dans un ouvrage biographique complet et richement illustré. Et on les en remercie !

Rejeté par les autres, mal à l'aise avec sa mère, René se replie dans son monde. Lorsque son lapin en peluche s'enfuit, René part à sa recherche. Sucre doux est son meilleur ami, il doit le retrouver ! S'ensuit alors un périple extraordinaire, où René·e, peu à peu, s'enfonce dans les souvenirs d'une autre vie, d'un passé perdu, d'une enfance volée. Elene Usdin est une photographe et artiste française qui a longtemps vécu au Québec. Avec René·e aux bois dormant, elle signe une bande dessinée qui aborde le douloureux sujet de la rafle des années 60, où de nombreux enfants autochtones ont été arrachés à leur famille. Le roman graphique nous donne l'impression de tomber dans le trou d'Alice au pays des merveilles ; les lecteurices plongent dans un univers onirique, illustré de sublimes planches vibrantes de couleurs. Véritable prouesse graphique, René·e aux bois dormant frappe par sa beauté, tant narrative que visuelle. Une bande dessinée et une artiste à découvrir.

Douglas Stuart a remporté le Booker Prize en 2020. Une récompense méritée pour ce roman qui brosse le portrait d'une famille modeste de Glasgow des années 80 à 90. Ici, la ville est un personnage à part entière. Sighthill et ses immenses tours abandonnées qui surplombent la Clyde, le centre-ville sombre et bruyant, puis sa banlieue ouvrière où les mines fermaient l'une après l'autre dans les années 80. Mais c'est surtout l'histoire d'Agnes et de Shuggie, de leur relation fusionnelle et de l'impact que l'addiction peut avoir sur toute une famille. L'auteur ne ménage pas son lecteur ; si son style imagé et son humour grinçant allègent un peu le roman, le propos est terriblement cru. Pas de cache-misère, il nous expose tout. Ça soulève parfois le coeur, ça donne (souvent) les larmes aux yeux. Mais c'est aussi à ça qu'on reconnaît un bon roman : quand ça prend aux tripes. Et Shuggie Bain, ça vous remue sévère, puis ça vous hante ensuite. On le compare aux Cendres d'Angela ou à Trainspotting, de grands romans auxquels il mérite amplement d'être comparé. Un jour, on comparera une nouvelle pépite à Shuggie Bain.

Comment faire pour se reconstruire après avoir vécu une douleur aussi déchirante que la perte d’un enfant en cours de grossesse ? Dolores décide de partir se réfugier dans la maison vide de ses parents en région. Là-bas, elle va pouvoir compter sur l’aide de la petite voisine d’en face, Olivia, et de la vieille madame Labelle, son ancienne gardienne, pour faire le deuil de Céleste. Difficile de parler d’Après Céleste avec des mots justes ; la lecture de ce roman m’a chamboulée. Les lecteurices se retrouvent plongé·e·s dans la réalité de Dolorès, au cœur de sa souffrance la plus intime, et mon cœur s’est de nombreuses fois serré. Mais ce roman c’est aussi une superbe histoire d’amitié entre trois générations de femmes, pleine de douceur et de merveilleux. On en tourne la dernière page avec un sourire apaisé et une sensation de réconfort cotonneuse.