Guilaine Spagnol
Libraire @ Librairie La maison des feuilles
Intérêts littéraires : Essais, Jeunesse, Littérature, Bande dessinée

Activités de Guilaine Spagnol

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No sleep till Shengal

Par Zerocalcare et Alberto Madrigal
(5,0)
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6 ans après son voyage en Syrie à l’origine de sa BD Kobane calling, Zerocalcare reçoit un appel du responsable du centre Kurde de Rome. Si Kobane Calling a permis à de nombreuses personnes de découvrir l’histoire de l’armée des femmes Kurdes et des résistant.es contre l’avancée de Daech, la lutte des communautés Kurdes pour la survie et l’indépendance continue. Il part donc en Irak afin de rencontrer les Ézidis de Shengal et conter leur histoire. En 2021, Shengal est une enclave autonome qui a adopté le système du confédéralisme démocratique ; une société où les femmes ne sont plus oppressées ni ségréguées. Or ce système gêne leurs voisins, la Turquie, la Syrie et l’Irak. En 2020, ils signent l’Accord de Shengal pour remettre la région sous le contrôle de l’état sans même consulter la population concernée. Ceux qui donnent les ordres sont les mêmes qui ont fui et ont laissé les Ézidis se faire massacrer par Daech en 2014. Près de 500 femmes avaient été réduites en esclavage, et les hommes adultes exécutés. Ces massacres pèsent encore sur la région, tenue par ceux et celles qui ont réussi à s’échapper. Zerocalcare nous narre cette histoire avec sa verve habituelle. D’abord sous la forme d’un récit de voyage ; il nous décrit les mésaventures qui peuvent arriver à un groupe d’occidentaux (ici d’Italie) venu soutenir une communauté conspuée par le pays dans lequel ils voyagent, l’Irak, et tous les dangers que cela implique. Mais aussi sous la forme d’un témoignage, en rapportant la parole des survivant.es du massacre de Shengal, et ces quelques planches encadrées de noir sont douloureuses à lire. Comme il le dit si bien : «Cette histoire est celle d’une résistance infinie; on peut essayer d’en photographier certains moments, d’en raconter les victoires ou les défaites, mais on ne peut jamais y mettre le mot de la fin.» Une chose est sûre, les reportages de Zerocalcare nous aident à mieux comprendre ces conflits dont les médias ne parlent presque plus, et qui continuent pourtant de faire encore des victimes.
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Le coût de la vie

Par Deborah Levy
(4,71)
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À cinquante ans, Déborah Lévy constate avec fatalisme le naufrage de son mariage et décide d’abandonner le navire. Elle laisse derrière elle un homme devenu un étranger, une maison victorienne avec un grand jardin - foyer qu’elle avait soigneusement fondé et entretenu, mais surtout une vie qui ne lui convenait plus. Un nouvel horizon s’offre à ses yeux, celui d’un grand appartement délabré dressé sur une colline du nord de Londres dans lequel elle emménage avec ses deux filles. Munie de son vélo électrique et de sa plume, Déborah va dévaler avec une liberté nouvelle les reliefs escarpés de ce nouvel avenir, et nous conter ce chapitre de son existence dans un récit autobiographique : Le coût de la vie. Au moment où elle couche ces événements sur papier, Déborah Lévy est déjà une autrice et dramaturge renommée en Angleterre. Sa plume qu’elle excelle à manier devient ici son rempart, son refuge et son exutoire. Elle prête ainsi sa voix à ces femmes dont la vie a tourné autour de l’autre, de la famille et du foyer pendant trop longtemps, quitte à en négliger leurs besoins et leur personne. Quid du désir des femmes, de leur liberté, de leur épanouissement ? Comment y parvenir dans cette société ? Elle nous partage ses réflexions à ce sujet au fil des mois qui suivent la séparation, avec son humour bien à elle et son esprit éclairé. Un récit très personnel d’une grande finesse, qui vient compléter les lectures d’essais tels que Réinventer l’amour de Mona Chollet ou les balados du Cœur sur la table. À noter que Le coût de la vie est le premier tome de sa trilogie Autobiographie en mouvement, lauréate du prix Fémina étranger en 2020 (une distinction méritée).
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Mes quatorze ans

Par Lucie Mikaelian, Jeanne Boëzec et Lisa Chetteau
(4,0)
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En 2018, la journaliste Lucie Mikaelian doit récupérer ses journaux intimes laissés chez ses parents. Parmi eux, celui de l’année de ses 14 ans lui inspire alors un sentiment de honte et de gêne. La raison ? À la veille de ses 14 ans, Lucie ne pensait qu’à une chose… le sexe. Dans ce journal, elle parle en détail de ce qui était alors son but ultime : perdre sa virginité avec son petit ami. La Lucie de 30 ans relit ses écrits de jeunesse, et la honte s’estompe. Elle y voit les désirs et projections d’une enfant, d’une jeune fille pleine de rêves et sujette aux injonctions de son époque… En voici le contenu adapté en bande dessinée. Lucie Mikaélian a d’abord révélé son journal intime dans un balado en 13 épisodes diffusé en 2020. Sa façon de retranscrire l’esthétique des années 2000, son look calqué sur celui d’Avril Lavigne, sa chambre d’adolescente décorée d’affiches du Che, de Lolita et Autant en emporte le vent nous ramène à une époque bien loin de #MeToo, où les jeunes femmes ne voyaient la sexualité qu’à travers le prisme masculin (les « préliminaires » ne sont qu’un jeu avant la véritable affaire : la pénétration ; le plaisir féminin est tabou ; l’imaginaire sexuel est dominé par le male gaze). À travers cette adaptation en BD co-écrite avec Jeanne Bezoëc, le récit de Lucie prend une autre ampleur. Le dessin de Lisa Chetteau nous rappelle le trait de Julie Doucet ou d’Alison Bechdel et illustre parfaitement le propos des autrices. Pourquoi à 14 ans, tout juste femme mais encore enfant, Lucie se focalisait autant sur l’amour, les garçons et le sexe ? Dans cette enquête sur sa sexualité, elle parle de la charge sexuelle qui incombe aux femmes dès l’adolescence, des complexes et autres troubles causés par les représentations à l’écran d’un idéal féminin inatteignable, et de comment toutes ces choses ont impacté la vie de la jeune Lucie. Une bande dessinée et un balado qui résonnent encore aujourd’hui, malgré les avancées du féminisme ces dernières années.
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Une déchirure dans le ciel

Par Jeanine Cummins
(5,0)
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Ceci n’est pas un roman. Ce n’est pas non plus un témoignage à la première personne, même si Jeanine Cummins n’est autre que Tink, la soeur de Tom Cummins, et nous livre donc un récit qu’elle a, jusqu’à un certain degré, intimement vécu. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour qu’elle ne les suive sur le pont cette nuit-là - une pensée vertigineuse. 25 ans après les faits, elle décide de recueillir les témoignages des membres de sa famille et de toutes les personnes qui ont suivi cette affaire de près pour en restituer la véracité. En choisissant de parler d’elle à la 3ème personne et de varier les points de vue, elle nous immerge dans un récit proche de la fiction ; c’est de savoir qu’il n’en est rien, que les soeurs Kerry ont bien été assassinées sans raison ce soir-là, qui prend le lectorat aux tripes. Avec Une déchirure dans le ciel, Jeanine Cummins n’a pas voulu parler des meurtriers, comme les médias américains l’ont fait durant les décennies qui ont suivi l’affaire ; elle souhaite ici redonner la place aux victimes, que l’on oublie trop souvent dans les retranscriptions de faits divers. Derrière les actes des quatre hommes qui ont monopolisé la Une des journaux et déchaîné les passions, il y avait deux jeunes femmes qui n’auraient pas dû mourir et une famille qui ne s’en remettra jamais.
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Les voyageurs T.4 : La galaxie vue du sol

Par Becky Chambers
(4,0)
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Dès que j’ai besoin d’un peu de douceur et d’une lecture aussi profonde que réconfortante, je me tourne vers Becky Chambers. Avec La galaxie vue du sol, elle complète son cycle des Voyageurs. Adepte des romans chorales habilement menés, l'autrice alterne les points de vue: celui de Pei, la capitaine Aeluonne, de Rovag, l’exilé Quélin, de Haut-Parleuse, la voyageuse Akarak, et de Ouloo, la tenancière Laru de l’auberge. Ielles n’ont rien d’autre en commun que ce moment partagé, coincé.e.s ensemble dans cette modeste mais paisible auberge, avec comme seuls bagages un passé et des histoires propres à leurs races; des souvenirs de guerres, des exils forcés, des pertes douloureuses, des espoirs naissants. De leur rencontre vont naître des amitiés improbables, et ce sont ces échanges teintés à la fois de tristesse, d’humanité et de beauté qui rendent les romans de l'autrice aussi passionnants et inoubliables. Son univers solaire insuffle une bouffée d’air frais au monde de la SF. Si Becky Chambers vous intrigue, sachez que vous pouvez lire ses livres dans n’importe quel ordre, mais il est toujours intéressant de commencer par le premier tome, L’espace d’un an, qui vous donnera assurément le goût de dévorer toute son oeuvre !
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Triste tigre

Par Neige SINNO
(4,59)
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🚩 Avertissement : ce livre parle d'inceste et de pédophilie Pour Neige, il s’agissait de son beau-père. Un homme aimé de toustes dans le village des Alpes où elle a grandi, et à qui l’on a vite pardonné ses gestes, parce qu’il était « généreux » et « sauvait de vies ». Neige, elle, n’était plus la bienvenue au village. Elle avait jeté l’opprobre en dénonçant l’homme qui l’avait abusée sexuellement des années durant alors qu’elle n’était qu’une enfant. Désormais mère elle-même, elle décide de prendre la plume et de s’exprimer sur le viol et l’inceste. Elle se pose la question : peut-on (doit-on ?) faire de la littérature avec ce sujet ? Triste Tigre est un essai autobiographique dépouillé des artifices de la littérature, dont l’écriture sobre et franche frappe bien plus fort qu’un texte de fiction.
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Frappabord

Par Mireille Gagné
(4,15)
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Ils naissent sur les berges du Saint-Laurent, se reproduisent par milliers, puis viennent se gorger du nectar qui coule dans les veines de toustes ces humain.es qui pullulent dans leurs régions ; on les appelle mouches à chevreuils, taons, ou encore frappabords... et ce sont les protagonistes du nouveau roman de Mireille Gagné. Littéralement, puisqu'entre deux chapitres consacrés à Thomas et Théodore, l'autrice donne la voix à l'une de ces mouches, prédatrice avide au sang froid qui fomente sa vengeance. Car si le roman de Mireille Gagné fait la part belle à la région de Grosse-Île et met en lumière (de façon tout à fait fictionnelle) une part de son histoire durant la Seconde Guerre Mondiale, c'est aussi et surtout un récit d'anticipation au message écologique fort, bien tourné et passionnant à lire : les actes du passé auront des conséquences importantes et imprévisibles sur notre avenir.
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Matrix

Par Lauren Groff
(4,25)
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La formidable Lauren Groff (ça se sent que je l'aime ?) nous conte ici le destin méconnu de l’une des premières femmes de lettre à écrire en français, une biographie romancée sur cette force de la nature, qui vouait une passion dévorante pour sa Reine, possédait une envie de vivre démesurée et entretenait un brasier créatif en son sein. On apprécie la plume léchée de l’autrice, fluide, efficace, teintée d’une poésie à la fois crue et raffinée - un hommage à la hauteur des Lais de Marie de France, et une nouvelle oeuvre d’une grande puissance par l’autrice déjà remarquée des incroyables romans « Furie » et « Les monstres de Templeton ».
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La version qui n'intéresse personne

Par Emmanuelle Pierrot
(4,06)
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D’une plume souple et rythmée, Emmanuelle Pierrot nous emmène au coeur du Klondike rêvé des chercheurs d'or ; ses aurores boréales qui illuminent les étendues sauvages où cohabitent les Old Timers, les Cheechakos et les Surdough. Sacha baigne dans la sous-culture Folk Punk, au milieu d’une communauté progressiste prônant la justice et la liberté. Mais pour avoir osé vivre sa vie comme elle l’entend, Sacha sera ostracisée par ceux et celles en qui elle plaçait son amour et sa confiance. Autour d’elle, il n’y aura alors plus personne pour lui tendre la main sans arrière pensée. Comme beaucoup d’autres femmes dans cette situation, elle se retrouvera isolée, méprisée, incapable d’échapper au déchaînement de violence de ses harceleurs. La version qui n’intéresse personne, c'est celle de ces femmes que personne ne prend au sérieux parce que leurs voix ont été discrédités par un homme. Celles que l'on décide de ne pas croire, parce qu'elles sont des femmes. Et ce, dans tous les milieux. Comme ses personnages gelés au MDMA et gorgés de Jim Beam, le roman a la cadence d'une toune de Jesse Stewart: agité, nerveux avec une voix "de whisky au miel", comme dirait Sacha. C'est rough, c'est violent, ça étourdit et ça réchauffe en même temps, jusqu’à temps que l’ivresse joyeuse s’estompe.
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