Activités de Marc-André Lapalice

Dans cet essai d’une clarté exemplaire, Ambre Fourrier fait le point sur cette idée à la mode qu’est le revenu de base. Elle montre que derrière cette notion se cachent des projets aux enjeux politiques, économiques et sociaux diamétralement opposés. De la mesure ultralibérale que constitue l’impôt négatif au revenu de transition de la gauche écologiste, en passant par les mesures plus modérées de l’allocation universelle et du revenu social garanti, l’auteure brosse un portrait nuancé des différentes propositions et des expériences concrètes auxquelles elles ont donné lieu. Militante pour la décroissance, elle se prononce pour le revenu de transition, seule mesure pouvant répondre aux idéaux de liberté, d’égalité et de soutenabilité qu’elle défend.

Dans ce bref entretien, le philosophe de l'égalité des intelligences répond aux questions d'Éric Hazan sur les principaux enjeux politiques et sociaux de notre époque. Interrogé sur la crise de la démocratie représentative et la possibilité d'une insurrection populaire, Jacques Rancière avance que la révolution repose sur la création de nouvelles formes du commun, sur l'organisation d'un partage du sensible égalitaire. Pour lui, les soulèvements sociaux valent en eux-mêmes, pour l'écart qu'ils créent avec l'ordre dominant inégalitaire, et les moyens des luttes se confondent avec leurs fins. En ces temps où la montée des populismes alimente la haine du peuple et de la démocratie, Rancière est un penseur incontournable.

Biologiste diplômé de Harvard, rompu à la méditation bouddhiste et à la philosophie occidentale, Francisco Varela est un penseur éclectique. Ce recueil réunit des textes rédigés tout au long de sa carrière, témoignant de la diversité des sujets qui l’ont occupé jusqu’à sa mort précoce à l’âge de 54 ans. Le cercle créateur initie ainsi le lecteur aux grands axes de sa réflexion, c’est-à-dire :labiologie théorique (avec le concept d’autopoïèse), l’éthique et le Sunyata bouddhiste, de même que l’approche de l’énaction (qui allie les sciences cognitives et la phénoménologie). On se réjouit d’autant de la publication de ce livre que, bien que Varela ait longtemps vécu en France, peu de ses écrits sont disponibles en français!

Ce premier livre du docteur en philosophe Jonathan Durand Folco annonce l’émergence d’un intellectuel d’envergure. À nous la ville! est remarquable, tant pour son solide ancrage théorique que pour sa fine analyse de la conjoncture municipale québécoise. Convoquant les auteurs incontournables (Marx, Luxemburg, Benjamin) comme les penseurs contemporains (Hartmut Rosa, Pierre Dardot et Christian Laval, Murray Bookchin), Durand Folco offre une synthèse des principaux problèmes qui menacent nos sociétés capitalistes et démontre avec force en quoi la ville constitue un champ d’intervention privilégié. Pour ce faire, il explique en quoi cette dernière a constitué un point d’ancrage identitaire pour de nombreuses communautés, du Moyen âge à la Commune de Paris, avant que l’État-nation ne prenne les devants au XIXe siècle. Sur le modèle des mairies rebelles d’Espagne mais tout en restant bien conscient de la situation propre au Québec, il plaide pour l’organisation d’un front municipal et la prise de pouvoir par les citoyens, pour les citoyens. Qu’il partage ou non sa philosophie politique, un lecteur de bonne foi reconnaîtra la force de conviction qui anime Durand Folco. Un livre d’un optimisme contagieux qui en convertira plus d’un aux vertus du municipalisme.

Dans cet ouvrage solidement documenté, le sociologue Philippe de Grosbois montre qu’Internet est, depuis sa genèse même, le produit de différentes tendances et forces. Contre l’« éloge naturaliste », qui conçoit le réseau comme étant naturellement émancipateur, et la « critique intégrale », qui le considère comme un pur produit du capitalisme néolibéral, Grosbois avance que celui-ci est susceptible de constituer autant un outil au service du grand Capital que de participer à l’émancipation citoyenne et à la nécessaire transition écologique. Ainsi, il invite la gauche québécoise et les milieux hackers à converger dans une même bataille pour se réapproprier le réseau.

Publié parallèlement aux Cahiers de l’Herne consacrés à Michel Houellebecq, En présence de Schopenhauer est un court texte où l’écrivain français témoigne de sa fascination pour le philosophe allemand du XIXe siècle. Dans cet essai, des passages de l’œuvre de Schopenhauer alternent avec de courts commentaires où Houellebecq en explore différents aspects. Ce dernier s’intéresse notamment à cette conception de l’artiste comme tiraillé entre la volonté (qui l’amène à désirer certains objets du monde) et la contemplation pure, désintéressée, source de la véritable création artistique. Un livre qui constitue une bonne introduction à la philosophie de Schopenhauer tout en apportant un nouvel éclairage sur certaines dimensions de l’œuvre houellebecquienne (comme la représentation de la nature ou de la sexualité).

Dans son dernier essai, le philosophe argentin Miguel Benasayag se penche sur les bouleversements anthropologiques découlant des récentes découvertes sur le cerveau. Il prend le contre-pied d’un certain courant des neurosciences qui ramène le cerveau humain à ses seules composantes physiologiques et cherche à en augmenter les capacités comme s’il s’agissait d’un ordinateur. Benasayag montre que contrairement à ce dernier, le cerveau est situé dans un corps et se développe en relation avec son environnement sensible. Un livre bien documenté qui reprend cette idée, chère au philosophe, selon laquelle l’homme n’existe qu’en situation.

En ces temps marqués par le relativisme et la postvérité, ce plaidoyer pour le bien-fondé de la démarche scientifique est particulièrement bienvenu. Le livre de Marchildon constitue une bonne introduction à l’histoire des sciences et aux enjeux épistémologiques, tels les débats entre les tenants du réalisme et du fonctionnalisme ou ceux du réductionnisme et de l’émergentisme. De l’infiniment petit (la physique des particules) à l’infiniment grand (l’astrophysique) en passant par les mathématiques et les sciences de la vie, le professeur de l’Université de Trois-Rivières vulgarise avec brio les principaux acquis du savoir scientifique, tout en en révélant les enjeux et les limites.