Activités de Anick Bonin

Ondine est mon album préféré à ce jour de Benjamin Lacombe et un et de mes livres préférés toutes catégories confondues. Graphiquement parlant, cette édition est impeccable; le reflet argenté de la couverture pour simuler le reflet de la lumière dans l'eau, l'utilisation de papier translucide pour ajouter de la profondeur et de l'impact en les superposant sur les pages opaques, la palette des couleurs et la composition de chaque page. Le lecteur ressent un souci du détail et un travail immense sur la création de cet album. Ce livre m'a bercé dans son univers avec douceur comme très peu de livre l'ont fait. Benjamin Lacombe a su se faire une place sur le marché littéraire par son style graphique bien unique et j'ai le sentiment dans son travail qui ne s'assoit pas sur ses lauriers. Il tente d'aller plus loin et différemment. Les images et les textes se complètent magnifiquement pour montrer à un public jeune des sujets aussi tortueux que la jalousie, le harcèlement psychologique, l'isolement et la culpabilité amenés par l'amour même sincère. Il casse par les faits même les codes manichéens austères des contes de fées. Cette démonstration est faite toute en subtilité, sans prendre l'enfant de haut. M. Lacombe a su conserver l'utilité première des contes : offrir à l'enfant une initiation au monde. Je crois que la leçon la plus importante de ce livre est la nécessité de faire des choix et d'en vivre avec ses conséquences. Puisque certaines situations ne peuvent plus être les mêmes avant et après ce choix. Il va plus loin en proposant dans sa narration un terrain de réflexion intéressant à l'enfant; à qui faut-il faire confiance? À quel moment je dois écouter les autres ou suivre mon propre jugement lorsque je dois prendre des décisions? Que dois-je faire lorsque j'ai l'impression de m'être trompé? Avec une lecture encadrée par un parent ou un professeur, Ondine est à mon avis, un bon premier pas vers le développement d'un esprit critique sans trop être lourd ou assommant.

« Phèdre » est à mes yeux une étrange tragédie. Racine a écrit cette pièce en alexandrin, un style si exigeant, symétrique et contrôlé pour réfléchir sur les passions et les déboires humains. Passions qui sont exactement l'inverse. L'étrangeté vient d'abord de l'équilibre que l'auteur a su trouver dans ces deux opposés. Réussir à représenter les paradoxes et les complexités humaines de manière crédible et surtout durable dans le temps. Phèdre a beau être une reine de l'antiquité grecque avec une généalogie s'inscrivant dans le panthéon divin, la douleur qu'elle ressent d'aimer un homme qui lui, la déteste et qu'elle ne devrait pas aimer de cette manière traverse les âges. Je pense que Racine a su rester dans l'essentiel malgré tout le clinquant du style. Les alexandrins n'enlèvent rien au tragique de la vie humaine. Comme le statut social de Phèdre ne lui enlève pas les souffrances dues à la nature humaine. La forme du texte et le rang de Phèdre ajoutent en fait de la dignité à cette souffrance. Le seul élément qui me dérange de ce texte comme bien d'autres œuvres classés dans les classiques littéraires c'est le quatrième de couverture. De toutes les rééditions papier que j'ai vues de cette pièce, je suis tombée sur aucune qui offre un résumé clair et simple des éléments narratifs de la pièce. C'est souvent décrit des faits autour de l'écriture de la pièce ou des critiques d'auteurs connus et/ou contemporains à son écriture, mais jamais de résumé. Pour des lecteurs connaisseurs du milieu du livre, « Phèdre » est un classique dont nous avons déjà entendu parler. Alors, le quatrième de couverture peut nous offrir plus de détails sur l’œuvre. Sauf que pour le lecteur dont cette pièce est hors de son champ de connaissance, ça n'aide pas à créer un bon premier contact et c'est dommage! Cela renforce un phénomène d'hermétisme littéraire à mon avis.

« Le parti pris des choses » est un de mes recueils de poésie favoris, parce qu'il démontre simplement en quoi je crois que la poésie est un genre essentiel. Il prend l'essence d'un objet, d'un contexte ou d'une situation que notre cerveau a neutralisés pour focaliser sur d'autres éléments de notre environnement et le transmute. Nous obligeant à porter un regard nouveau sur cet élément de notre réalité et éventuellement la réalité en elle-même. Je recommande ce livre aux gens qui détestent le côté obscurantisme et hermétique que peut prendre la poésie. M. Ponge se tourne vers les objets du quotidien avec simplicité et tendresse. Il a par exemple décrit une mûre comme un assemblage de gouttelettes d'encre solidifiées. Il utilise des images efficaces et accessibles.

Ce deuxième recueil de Mme Kaur a gardé toute la sensibilité et l'efficace dans sa formulation poétique; émotions crues et images fortes en peu de mots. Parce contre, je pense que ses trois premiers chapitres rejoignaient moins unilatéralement et universellement l'Humanité avec un grand « H » que « Lait et miel ». La narratrice va dans l'universelle dans sa quête de se libérer d'une vision d'elle-même, d'un ancien amour et de certaines de ses erreurs. J'ai eu l'impression que ce thème omniprésent de la rupture en tout genre s'est appliquée aussi dans ce lien entre le texte et moi en tant que lectrice. Cette relation fusionnelle ressentie dans « Lait et miel » a laissé maintenant la place à une certaine distance dans « Le soleil et ses fleurs ». Il y a une lourdeur émotive par le poids de ce vécu très intime et de ce qui ne semble pas avoir été écrit. C'est encore plus palpable dans ce livre que dans son précédent recueil. Ce qui a créé de la distance entre le lecteur et cette réalité littéraire de la narratrice. Les deux derniers chapitres ont à mon avis servi à recréer ce lien d'humain à humain en dehors de toutes les divisions terrestres, matérielles, physiques et culturelles. C'est une superbe représentation de son évolution narrative. La narratrice commence en harmonie avec son lecteur/amoureux. Ce lien se fragilise par son cheminement individuel pour retourner à la fin vers cette racine propre à notre espèce qui est l'amour; l'amour par l'acceptation dans une nouvelle relation avec soi-même, son nouvel amour et le lecteur.

J'ai bien apprécié ma lecture de ce documentaire illustré, malgré certaines maladresses de cette édition. Ce livre offre un panorama très varié comparativement à bien des livres sur les bestiaires qui se cantonnent à l'antiquité, le moyen âge européen et les créatures plus modernes comme le Big Foot et le monstre du Loch Ness. Ici, on sort des sentiers battus, voyageant dans des civilisations et des époques différentes sur les cinq continents. Ce livre est parfait pour cultiver sa curiosité et découvrir ses propres champs d'intérêt sur une société particulière ou un genre de créatures fantastiques parce qu'il survole, sans s'attarder sur ces multiples sujets. L'information y est découpée en courts paragraphes. Il a eu une bonne concision de l'information. Puis l'index à la fin du texte permet de trouver rapidement un sujet précis. Par contre, je prône la prudence pour les gens (surtout les enfants ou adolescents) qui voudraient par exemple utiliser ce livre pour des travaux scolaires. La mise en page, l'orthographe et la grammaire de certains paragraphes seraient à retravailler auprès de l'éditeur. Il y a des fautes. Si l'enfant a des difficultés en français, il aura besoin d'un encadrement de lecture plus solide pour éviter qu'il mémorise des erreurs de français. Ces quelques coquilles sont présentes, sans être envahissantes. Autre élément qui me dérange un peu est la différence de qualité d'illustration entre les bêtes. Si certaines ont pour représentations picturales des tableaux de maîtres peintres, d'autres … ont eu moins de chance. Il est vrai qu'il peut être difficile de trouver une seule représentation d'un animal légendaire moins connu et d'avoir fait l'effort d'illustrer un maximum de créatures est louable par souci de variété. Sauf que ce contraste visuel a souvent rompu ma cadence de lecture.