Activités de Philippe Fortin

Frédérick Lavoie est loin d’en être à ses premières armes en matière de journalisme international. Journaliste indépendant ayant bourlingué de part et d’autre de la planète, de la périphérie de l’ex-URSS à Cuba en passant par le Bangladesh, dont il est particulièrement question dans ce livre-ci, bref, cet homme en a vu d’autres, certainement plusieurs vertes et autant de pas mûres. Ce qui fonde l’extrême pertinence de Troubler les eaux, qui devait d’abord s’intituler Dompter les eaux, réside précisément dans le changement de perspective s’étant opéré au cours du périple qui devait initialement mener à une série de reportages “clés en mains” destinés au journal Le Devoir et pour lesquels l’auteur s’était vu octroyé une généreuse bourse. Le changement en question, abordé de multiples façons dans le livre, consiste principalement en une remise en question de la possibilité même d’un journalisme véritablement honnête, désintéressé et sensible aux réalités que ceux qui l’exercent se doivent de transposer de façon intelligible à un lectorat aussi lointain qu’étranger aux tenants et aboutissants que ces reportages se proposent pourtant de démystifier. Avec honnêteté, autocritique, émotion et lucidité, Lavoie ose poser un regard hautement critique sur la profession, questionnant ses motifs, ses méthodes, ses impératifs et son occido-centrisme. Abordant des notions telles que la condescendance journalistique, la morale des usages classiques du métier, la vanité des synthèses, la facilité à produire un contenu satisfaisant pour ses sponsors mais néanmoins forcément incomplet, partiel voire trop simpliste, il articule une réflexion dont la portée dépasse largement les enjeux qui à prime abord devaient constituer la trame du livre à travers un propos qui s’ingénie à mettre en perspective une certaine tradition médiatique, ce qui se fait, ce qui se peut et ce qui se pourrait, advenant la possibilité même d'une telle forme de journalisme idéal. Une formidable leçon d’honnêteté intellectuelle, donc, doublée d'un optimisme conceptuel dont on ne peut que souhaiter l'avènement . Lisez moi ça !

Premier roman de Renato Rodriguez-Lefebvre (si tant est qu'il s'agisse bel et bien de son véritable nom...), ce petit livre étonnant met en scène le banal premier venu, un quidam appelé à devenir, bien malgré lui quoique de la manière la plus obéissante et résignée qui soit l'instrument de la terrible SDV, une organisation tentaculaire aux ramifications insoupçonnées ayant peu ou prou fomenté tout ce que le monde semble avoir connu de malheurs, de cataclysmes, de révolutions et d'attentats, le tout dans le simple et unique but de favoriser l'émergence d'une littérature digne de ce nom. Totalitarisme organisationnel, donc, anarchisme intellectuel et dévotion aveugle à la cause littéraire sont les ingrédients de base de ce parfait petit manuel d'abdication de soi. Les ordres sont les ordres !