Activités de François Vigneault

"Sousbrouillard" est une histoire intrigante, éparpillée, romantique et démodée, et finalement quelque peu superflue, sur la recherche d'identité et sa découverte, après une certaine mode, dans les histoires. L'intrigue n'est pas le moteur principal de l'histoire, et elle est assez simple : Sara est une orpheline qui ne sait rien de ses origines. Lorsque sa tante Fine décède, elle donne à Sara un mystérieux ruban imprimé du mot "Sousbrouillard" qui s'avère être une ville mystérieuse. Là, elle rencontre divers personnages et apprend tour à tour leurs histoires (souvent liées entre elles, et encore plus souvent quelque peu ridicules) : Une ancienne chanteuse d'opéra bisexuelle, un fugueur qui devient astronaute, une religieuse fumeuse de cigarettes qui raconte des histoires littéraires plutôt que des sermons, un auteur que sa femme a quitté pour vivre dans l'Arctique, etc. De très nombreux enfants sont abandonnés par leurs parents au cours de ce livre. Il y a souvent des histoires dans les histoires, comme des synopsis directs de "Crime et châtiment" et de "Madame Butterfly", mais ceux-ci ne s'envolent jamais dans une sorte de jeu méta-littéraire, et restent assez superficiels. La plupart des nombreux "mystères" de la ville s'avèrent finalement assez banals. Les plaisirs que procure ce livre sont dus à la lenteur de la narration et à la légèreté des illustrations impressionnistes. Le livre se termine (littéralement) là où il commence et je n'ai personnellement pas été très ému.

Ce livre, un roman graphique aux peintures luxuriantes qui passe de la réalité cauchemardesque au rêve fantastique, raconte les histoires liées entre elles de René, un enfant indigène qui a été séparé de sa famille dans les années 1960, et de sa fille adulte Judith. L'histoire passe de manière fluide de l'histoire de René au mythe, au rêve, au fantasme et à la réalité de Judith, ainsi qu'à l'histoire des séparations familiales par le gouvernement canadien de 1960 à 1980. De toute évidence, ce livre aborde des sujets très délicats, notamment l'histoire des autochtones, la culture, l'identité sexuelle et le suicide. Il s'agit d'une histoire mettant en scène des personnages autochtones canadiens, à l'identité sexuelle fluctuante, écrite et illustrée par un auteur blanc, français et cisgenre. C'est à peu près aussi loin que possible d'être une "voix propre", ce qui va tout à fait à l'encontre du moment actuel et du développement général de la littérature. Cependant, je peux dire que je pense que c'est un livre vraiment remarquable, une histoire belle et émouvante qui est présentée avec une voix artistique si forte qu'il est presque incroyable qu'il s'agisse du premier roman graphique d'Elene Usdin (elle est également une photographe et une illustratrice accomplie). Ma mâchoire est tombée plus d'une fois pendant que je lisais ce livre. Il y a ici des pages et des pages de peinture remarquable et d'art séquentiel sophistiqué, avec des touches de Genviève Castrée, Kerascöet et Brecht Evens. Mais l'histoire difficile, complexe et en boucle est également très bien racontée. J'ai été amené à pleurer plus d'une fois en lisant ce livre (et je ne pleure pas souvent en lisant), et j'ai souvent été saisi par des phrases poétiques ou des moments narratifs élégamment structurés. Le livre équilibre habilement l'histoire difficile, les moments touchants des personnages, la tragédie et l'espoir, les visuels fantasmagoriques, les références littéraires et mythologiques, et bien plus encore. Un livre incroyable qui m'a légitimement époustouflé.

"Juliette" est un drame familial discret centré sur les histoires croisées des sœurs Juliette (célibataire, angoissée et récemment revenue de Paris dans sa ville natale) et Marylou (malheureuse mariée avec des enfants et ayant une liaison avec un homme qui travaille dans un magasin de costumes), ainsi que de Georges (alias Polux), un homme dépressif qui passe son temps au pub local. Le retour de Juliette la ramène dans le cercle de sa famille et les conflits discrets mais toujours émotionnels qui s'y déroulent, impliquant ses parents séparés, la liaison extraconjugale de plus en plus compliquée de sa sœur, et une amitié/romance naissante avec Georges. J'ai vraiment aimé ce livre, peut-être même l'ai-je adoré. J'ai trouvé que c'était un drame familial et relationnel tout à fait charmant et discret, qui m'a rappelé un bon film indépendant (peut-être comme le travail de Mike Mills, "Beginners" et "20th Century Women"). Je vois que le livre précédent de l'auteur Camille Jourdy, "Rosalie Blum", a déjà été adapté en film et je ne serais pas surpris que celui-ci le soit aussi. L'art est magnifique, passant d'un style plus léger et aéré (rappelant Pascal Girard) à des scènes peintes plus luxuriantes et chaleureuses. Le rythme est patient et l'auteur laisse du temps pour les passages silencieux qui récompensent les lectures multiples, il y a de la place pour respirer et penser. Les petits détails dans les pièces et les paysages urbains silencieux abondent. Le livre est drôle, sincère et doux-amer, avec des relations compliquées mais pas trop dramatiques qui ne se déroulent pas comme on pourrait s'y attendre. De nombreux moments sont véritablement tristes et l'effet cumulatif est assez émouvant, j'ai trouvé. Je le recommande vivement.