Activités de Michel Mongeau

Malgré ce titre un peu pointu, ce magnifique petit livre nous plonge dans la fameuse période des 300 jours passés par Napoléon, dixit le Grand Proscrit, sur l'île d'Elbe face à la côte toscane. L'académicien Rouart nous dresse un portrait on ne peut plus élégiaque de cet homme fascinant qui s'active à recréer le microcosme de l'Empire sous la surveillance bienveillante du colonel Neil Campbell et des nombreux espions à la solde des vainqueurs. Ceux-ci sont réunis à Vienne pour un congrès destiné au remodelage de L'Europe, suite au départ forcé du généralissime de la Grande Armée. On y retrouve, bien entendu, les personnages incontournables de cette période foisonnante et incertaine tels que l'unique prince de Talleyrand, l'habile diplomate autrichien Metternich et des proches de l'ex et néanmoins futur empereur, le général et roi de Naples Murat, de Madame mère Letitzia Bonaparte, de sa soeur préférée Pauline et de ses proches militaires et hommes lige comme le bon Cipriani, les généraux Marchand et Cambronne, tous occupés à servir avec zèle leur maître, pendant que la valse de la vie, des bals et des fêtes gourmandes et sensuelles a cours avec une frénésie compagne de l'incertitude que traversent ces protagonistes ambitieux et frénétiques. L'écriture de Rouart est élégante, simple, souvent pétrie de phrases courtes et fluides qui donnent une fausse impression de facilité.

Si vous cherchez une lecture facile, une pure distraction ludique, une écriture carrée et rationnelle comme une montre suisse, oubliez Borgès! Ce recueil comporte une douzaine de contes à haute teneur symbolique et abordant des thèmes tels l'impossible atteinte de la totalité, l'incongruité de l'amour ou encore celui de l'incompréhension de la fin ultime des pauvres créatures humaines que nous sommes. Mais l'inénarrable Argentin sait manier l'art de la formule polysémique, avec humour et un sens unique de l'authenticité concernant les humains, leurs travers, leurs mensonges et leur incontournable faiblesse. Il faut tout de même aimer ses semblables pour en parler avec labeur et constance comme il l'a fait durant tant d'années. Hélas, à éviter si vous aimez les fins heureuses ou, parfois, les fins tout court ou les sens uniques.

Jean Teulé est décédé il y a quelques mois. Hélas, je n'ai pu voir que quelques entrefilets à ce propos dans la presse québécoise. Pourtant, ce drôle de bonhomme a écrit de très singuliers romans, sur des thèmes à la limite de l'introuvable en ce paysage littéraire actuel. Une foule qui danse jusqu'à en mourir; de «gentils» villageois qui mangent un des leurs; un roi fou qui meurt tranquillement en pourrissant comme une vieille pomme décatie; le mari cocu de la favorite du roi qui ne cesse de défier celui-ci; une tueuse en série qui parcourt l'ouest de la France en laissant des coulisses de sang partout sur son passage; une petite prostituée qui raconte son pauvre parcours; sur une boutique pour personnes suicidaires... Tout cela et davantage, avec une langue unique, un sens de l'humour déroutant et un amour des humains, surtout de ceux et celles qui sont négligés.es et rejetés.es par leurs tribus respectives. Avec Teulé, même la mort et le malheur arborent parfois un sourire.

Il s'agit de mon quatrième opus. Il se déroule entre 1789 et 1840, au Canada et en France révolutionnaire. Des Lumières sur les rives du Grand fleuve Montréal, 1789. Joseph Quesnel accueille ses hôtes pour une annonce importante. Une discussion a cours entre l’imprimeur Fleury Mesplet et les amis de son rédacteur Henry Mézière. Le débat s’est rapidement orienté vers l’actualité politique française. L’un des convives confiait son inquiétude à ses camarades, liée à l’absence de nouvelles de son frère, parti étudier à Paris. Ce mutisme le conduira à effectuer la traversée atlantique. Le retracera-t-il ? Réussira-t-il à s’orienter dans ces conflits et ce Paris douze fois plus populeux que Montréal? De retour en Amérique, que restera-t-il de cette Révolution qui agitait l’Hexagone ? Quelle sera ici l’influence de la Révolution et des Lumières, entre la fondation d’une culture canadienne et celle du rapport Durham ? Montréalais aux racines charentaises, Michel Mongeau a réalisé des études en lettres, philosophie et science politique. Ex-professeur, il se consacre à l’écriture et à la musique.

Même s'il date de 2017, le livre de Wendy Guerra, nous présente, dans une forme qui intègre poésie et narration, le Cuba qui n'a rien à voir avec la vitrine des tout-inclus 5 étoiles. La Révolution et ses idéaux sont loin derrière. Mais la génération des bureaucrates-militaires qui conduit le pays d'aujourd'hui, le fait avec égoïsme, mensonge, répression, surveillance optimale, appauvrissement presque généralisé. Et pire encore pour les si peu nombreux artistes qui égratignent les rêves éculés et la caste au pouvoir. Pour le peuple, Cuba est une prison, un astre qui propage le mensonge, qui impose les pénuries, qui bafoue toute liberté et toute dignité humaine, dans le non-droit et la peur omniprésente. Une espèce de post-stalinisme tropical, vicieux, écrasant, cynique et mortifère. Et la crise de la pandémie a empiré les choses, faute de revenus touristiques et de la présence des étrangers. De plus, le régime se range clairement du côté de la Russie et de la Chine titanesque et de ses débiles amis (Corée du Nord, Iran, Biélorussie...). Boycottons le Cuba post-castriste! Ce pays n'a même plus de respect pour tout ce que les Québécois.es et Canadiens.es ont fait pour ses habitants depuis la fin de la « période spéciale» des 1990's.

Vous en avez peut-être déjà entendu parler? Cette brique de David Mitchell reconstitue admirablement le contexte et la culture des années 1967-1968, pétries d'herbe et de LSD, d'utopie sociale et politique, de musiques émergentes, d'amitiés, de sexe et d'amour multiforme, sur fond de guerre et de contestation (Vietnam) et portées par une jeunesse qui rêvait d'un monde différent de celui transmis par la génération de la guerre et de l'après guerre de 39-45. Une épopée passionnante et sans apologie ni vénération fantasmée. Des personnages complexes, attachants et emblématiques de cette période foisonnante.