Le personnage s'était comme évanoui dans la nuit, comme si son nom avait été
rayé de la distribution des rôles. Sans l'état civil et un document irréfutable
parvenu jusqu'à moi par miracle, ce Livret de service établi par le bureau de
recrutement de la Légion étrangère, dont j'aurais à tirer quelques enseignements,
chacun de ses descendants eût été en droit de douter de son existence
en qualité de pater familias. Après tout, tant de braves filles furent engrossées
par des enjôleurs sans nom.Donc ce Voisard-là fut bel et bien. Mais qui était-il, notre grand-père des
oubliettes ? Dans le flou de sa légende, je le vois, moi, Voisard dit «Quéquan»
de la troisième génération, je le vois qui me fait signe de sa pauvre lanterne
parmi les brumes où il est censé avoir disparu, ces bruines acides des souvenirs
que les vivants repoussent comme des mouches. Je le suis dans sa nuit où
l'étoile du Berger lui aura de tout temps fait faux bond.Le livret militaire écorné et jauni était une preuve d'existence. Il y en aurait
une deuxième comme par raccroc, une photographie de groupe de la fanfare à
laquelle il appartenait alors, dans la force de l'âge, à Porrentruy, chef-lieu de
l'Ajoie. Ils sont une quarantaine rangés là, en képi, col dur, cravate noire à large
noeud, baudrier orné d'une lyre de bronze bordée de lauriers en couronne. On
n'est pas étonné de le trouver là, ses quatre fils, à ce qui nous fut démontré dès
notre plus tendre enfance, ayant été de talentueux musiciens. On disait d'eux :
«Ah, les Voisard, ils en ont au bout des lèvres et des doigts !» Il devrait donc
y avoir eu, côté musique, quelque relais génétique.
Le personnage s'était comme évanoui dans la nuit, comme si son nom avait été
rayé de la distribution des rôles. Sans l'état civil et un document irréfutable
parvenu jusqu'à moi par miracle, ce Livret de service établi par le bureau de
recrutement de la Légion étrangère, dont j'aurais à tirer quelques enseignements,
chacun de ses descendants eût été en droit de douter de son existence
en qualité de pater familias. Après tout, tant de braves filles furent engrossées
par des enjôleurs sans nom.Donc ce Voisard-là fut bel et bien. Mais qui était-il, notre grand-père des
oubliettes ? Dans le flou de sa légende, je le vois, moi, Voisard dit «Quéquan»
de la troisième génération, je le vois qui me fait signe de sa pauvre lanterne
parmi les brumes où il est censé avoir disparu, ces bruines acides des souvenirs
que les vivants repoussent comme des mouches. Je le suis dans sa nuit où
l'étoile du Berger lui aura de tout temps fait faux bond.Le livret militaire écorné et jauni était une preuve d'existence. Il y en aurait
une deuxième comme par raccroc, une photographie de groupe de la fanfare à
laquelle il appartenait alors, dans la force de l'âge, à Porrentruy, chef-lieu de
l'Ajoie. Ils sont une quarantaine rangés là, en képi, col dur, cravate noire à large
noeud, baudrier orné d'une lyre de bronze bordée de lauriers en couronne. On
n'est pas étonné de le trouver là, ses quatre fils, à ce qui nous fut démontré dès
notre plus tendre enfance, ayant été de talentueux musiciens. On disait d'eux :
«Ah, les Voisard, ils en ont au bout des lèvres et des doigts !» Il devrait donc
y avoir eu, côté musique, quelque relais génétique.