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Julie Morin
Intérêts littéraires : Essais, Jeunesse, Littérature, Science/Technologie, Bande dessinée

Activités de Julie Morin

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Les occasions manquées

Par Lucy Fricke
(4,0)
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Vous êtes-vous déjà fait dire qu’il est préférable d’être « en forme » pour lire un roman triste? Pour « Les occasions manquées », je dirais qu’il est une bonne chose que vous ayez une petite mélancolie qui flotte dans la région du cœur. Il me semble que le message du livre est d’autant plus percutant. Betty (la narratrice) et Martha sont des amies de longue date. Betty cultive activement le déni en se perdant dans les voyages, dans l’alcool et dans une forme d’errance romantique. Elle cherche à retracer Ernesto, un homme qui fut son beau-père pendant quelques années et qui disparut soudainement, laissant la petite fille avec un cœur brisé. Martha, elle, veut désespérément un enfant à l’aube de la quarantaine mais doit d’abord gérer la demande de son père Kurt qui, très malade, souhaite se rendre dans une clinique d’aide à mourir en Suisse. Ce trio mal assorti prendra la route à bord de la Gulf de Kurt qui écluse plus d’huile qu’elle ne parcourt de kilomètres. Kurt recevra un appel téléphonique qui enverra valser toutes les étapes prévues à ce voyage. De l’Allemagne à la Grèce en passant par l’Italie, Betty et Martha seront confrontées à leur solitude, à leurs désirs plus ou moins bien enfouis, à des mystères enfin éclaircis et gagneront en lucidité. C’est un road-trip inconfortable auquel l’autrice nous convie, et je pense que c’est pour cette raison que les traits d’humour acide de Betty qui parsèment le récit sont si bienvenus. Cette savoureuse observation: « À chaque nouvelle tranche de vie on se retrouvait chez Ikea, chaque fois l’espoir naissait et prenait fin là-bas, me suis-je dit. Tous les compteurs à zéro, et un hot-dog pour faire passer. » (p.217) Cette petite mélancolie nécessaire du début de mon commentaire nous amène à nous questionner en même temps que les protagonistes. Quand devient-on réellement adulte? Qui sont vraiment nos parents quand le filtre du regard ébloui de l’enfant disparaît? Comment voyager avec une personne qui va (qui veut) mourir? Comment gérer la révélation de secrets qui altèrent la perception que l’on a de soi et des autres? Pour ma part, ce sont les relations des deux femmes avec leur père respectif que je retiens. Ces femmes, elles ont quelques années de moins que moi. Leur père fictif et le mien (réel) sont de la même génération. Et ce passage, qui m’a beaucoup émue : « Il n’avait jamais été très causant. Nous étions les filles de ces pères qui ne trouvaient le temps de nous parler qu’à l’heure de la retraite. Nous leur expliquions Internet et ils nous expliquaient la météo. L’amour venait si tard que nous ne pouvions plus en faire grand-chose. » Et les pages finales du roman, belles à pleurer, qui rendent le titre encore plus doux-amer. Un roman qui m’a laissé tiède sur le coup, mais dont je ressens encore aujourd’hui, plusieurs jours suivant ma lecture, l'étonnante délicatesse de sa nostalgie.
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Le bal des folles

Par Victoria Mas
(5,0)
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Déjà, le titre. Le stigmate de la maladie mentale des femmes, étalé au grand jour. Qu’elle soit celle des femmes est important : il y a ce deuxième stigmate, le stéréotype de la femme trop émotive ou en colère délirante, qui est une preuve de l’incapacité de gérer ses émotions ou de « prendre sur elle », se glissant encore dans le discours contemporain. Le ton est donné pour ce court roman (à peine 235 pages) qui s’inspire des travaux de Jean-Martin Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière entre les années 1895-1890, où il se consacrait à des recherches sur l’hypnose et en neurologie, dont certaines visaient la guérison de l’hystérie, ce mal décrit par les hommes et jugé par les hommes comme une faiblesse incontestable de la femme. Le roman s’inspire aussi d’un réel événement, le bal des folles, où le tout-Paris venait observer et côtoyer avec une curiosité malsaine et un frisson d’effroi ces fameuses folles que l’on costumait pour l’occasion. Mais on se rend compte bien rapidement qu’il s’agit moins d’un hôpital qu’une prison, où sont enfermées des femmes dont leur mari, leur père ou la société ne sait que faire d’elles. J’aimé le choix de l’autrice de peindre les portraits des quatre personnages de ce roman en touches légères. On y rencontre Geneviève, une infirmière qui porte à la fois mépris pour ces femmes et admiration passionnée pour les travaux de Charcot. On fait la connaissance de Louise, victime des abus de son oncle. Il y a aussi Thérèse, travailleuse du sexe, qui s’est débarrassée de son souteneur violent en le jetant dans la Seine. Enfin, il y a Eugénie, cette fille de bonne famille à la tête bien faite et à l’esprit libre, à qui les morts parlent. J’ai été captivée par le sort de ces femmes. La fin amère de ce roman nous fait comprendre qu’à cette époque, le seul fait de se tenir debout devant un homme, de remettre en question ses décisions, était un signe d’insoumission, et donc précurseur à la folie.
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L'état de nos routes

Par Johanne Fournier
(4,5)
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J’avais lu et entendu de belles choses sur cette toute petite plaquette. Celles qui en parlaient utilisaient des mots tremblants : l’émotion était bien présente à la suite de leur lecture. Elles cherchaient à décrire le ton. « C’est triste, mais ce n’est pas tout à fait ça. » Ce récit autobiographique commence par une fugue : à quinze ans, l’autrice jeune fille fuit Matane et le milieu familial qui l’étouffe. Elle a pour partenaire de fugue un jeune homme de 17 ans dont elle est amoureuse. Pendant un mois, elle se cachera à Gaspé. Elle sera ramenée chez elle par son père. Mais le premier jalon de sa route de femme est bien en place. Elle écrira, « Jamais je n’aurais cru être récompensée de m’être sauvée. » Ce premier amour, qui aurait pu s’éteindre avec le temps, ressemble davantage à une marée : intense lorsqu’à proximité jusqu’à son retrait froid et silencieux à la baisse des eaux. Elle aimera, elle se mariera, aura un enfant. Elle suivra sa voie de documentariste et d’artiste à Québec, à Montréal, alors qu’il vivra sa vie à Matane. Mais ce premier amour a irrémédiablement modifié leur route respective, et ils finissent par se retrouver une fois, deux fois, encore une fois, et encore. Leurs chemins font plus que se croiser lors de ces rencontres : ils s’entrelacent, se tressent pour se séparer à nouveau, afin de s’élancer vers un autre genre de fugue, une quête personnelle, un besoin de se retrouver qui ne peut se réaliser que hors du couple. L’autrice écrira, « J’aime ne pas être avec toi trop souvent pour ne pas délaver l’amour : tu es mon vêtement du dimanche. » J’ai ressenti une forme de détachement teinté de douleur dans l'écriture de Johanne Fournier, surtout lorsqu’elle évoque sa mère; une lucidité assumée face à ce qui a été et qui est toujours. L’autrice constate la sinuosité de cette relation, gratte de l’ongle le vernis du passé et trouve les mots, les bons, pour dire ce qui est sans complaisance. J’ai mis une petite étoile dans mon carnet de lecture juste à côté du titre. Je sais déjà que ce récit se trouvera dans mes lectures marquantes de 2022.
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L'embaumeur

Par Anne-Renée Caillé
(3,6)
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Avant d’en débuter la lecture, j’ai lu un article où Anne-Renée Caillé expliquait la genèse du livre. Son père a travaillé comme embaumeur avant sa naissance et lorsqu’elle était toute petite. Il avait soudainement quitté cette occupation pour travailler dans les mines du nord du Québec. Comme l’autrice a appris cette information beaucoup plus tard, elle a voulu en savoir plus : son père s’est prêté à plusieurs rencontres à ce sujet. Ces rencontres ont résulté en un tout petit livre, à peine 102 pages, qui se décline en courts chapitres. Ces coupures constantes dans le texte, il me semble, font écho à la façon dont le père de l’autrice fait le tour de « ses » morts à partir d’une liste qu’il a préparé en prévision des échanges avec sa fille. On suit une ligne du temps qui débute dans l’enfance du père et de sa fascination soudaine – un genre de coup de foudre - pour la mort, celle des corps sans vie dont on prend soin une dernière fois, celle que l’on défie en tentant de donner de la vie à leur visage. On traverse ce passage professionnel avec lui, en regardant les corps à travers ses yeux, jusqu’à ce qu’il quitte cet univers brusquement. C’est un livre poétique dans l’écriture et le ton : il donne une certaine lumière à la dure finalité de la vie qui se passe parfois dans la violence, dans le désespoir ou dans une absurdité incompréhensible. C’est, je pense, ce qui m’a permis d’en faire la lecture, malgré les chocs répétés que j'ai encaissé comme lectrice face aux drames qui menaient les vivants à la table de l’embaumeur. On réalise bien vite que ce n’est pas tant la mort qui nous choque : c’est cette accumulation de morts qui défilent devant nous, et surtout, les circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu qui finissent par gruger doucement la distance que l’on peut avoir face à eux. Un livre dérangeant, étonnant et subtil, tant pour son sujet que pour le contraste saisissant entre la légèreté de la plume de l’autrice et le poids croissant des morts.
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Après Céleste

Par Maude Nepveu-Villeneuve
(4,9)
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Dès les premières pages, le charme opère. On entre dans ce village par les yeux de Dolores et par ses souvenirs de famille qui se mélangent au présent. Peut-être ai-je ressenti aussi fort cet appel à quitter ma réalité pour la fiction du personnage, car je viens moi aussi d’un endroit où « les feuillages centenaires font de l’ombre au-dessus des maisons » (p.11). C’est un retour à la maison douloureux, davantage mu par l’instinct que proprement planifié, de cette jeune femme brisée par la perte de son bébé en cours de grossesse. L’écriture de Maude Nepveu-Villeneuve se fait fine pour raconter Dolores qui ne respire plus, qui a le cœur déchiré jusqu’aux genoux, qui pense pêle-mêle à ses rêves et à ses espoirs envolés, à ce conjoint qu’elle a fui, à cette carrière où elle ne se reconnaît pas, et surtout à ces bébés jamais nés, dont « un seul a un visage» dira-t-elle, dont un seul a un nom, Céleste. On fera la rencontre de Mme Labelle, la voisine, une genre de grand-maman gâteau chez laquelle on aimerait bien se réfugier; Olivia, la petite fille d’en face, avec son franc-parler et dont l’absence de la mère plane au-dessus de sa tête comme un nuage effiloché et oui, une paruline blessée, que Dolores recueillera et soignera avec l’aide d’Olivia. Qu’ont en commun cette vieille dame excentrique et attachante, cette petite fille allumée, cette paruline à l’aile brisée? La douleur. Dolores. Ensemble, autour d’elle. Une maman sans enfant, une enfant sans maman, un oiseau blessé, une femme en deuil. Une fois l’oiseau guéri, elles se rapprocheront les unes des autres. « Après Céleste » évoque l’esprit du conte avec ses touches de merveilleux. On peut penser à ce sous-sol que Dolores évite à tout prix car il contient des preuves tangibles de ses deuils. On peut penser à ce qu’Olivia y découvrira. Et bien sûr, à ces clés qui les aideront à remonter à la surface de leur chagrin pour prendre une grande bouffée d’air. C’est très, très doux, sauf quand Dolores raconte la mort. La langue est toute en simplicité et parsemée de fulgurantes prises de conscience, comme on le vit en crise existentielle. Elle a un beau talent, cette autrice. « Simone sous les ronces », son bel album jeunesse sur l’anxiété, a touché de nombreux lecteurs, petits et grands. J’ai hâte de lire ce qu’elle nous réserve.
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10 jours dans un asile

Par Nellie Bly et Hélène Cohen
(4,0)
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Que j’ai eu du mal à formuler ce commentaire! Comment parler d’un reportage qui fait partie de l’histoire du journalisme? Quelques jours après ma lecture, je suis encore habitée par le texte de Nellie Bly. Pourquoi voudrait-on lire ce livre? Il est possible que l’on s’intéresse à la forme que prenait le journalisme d’infiltration à la fin du 19e siècle, ou au traitement des « aliénés » tel qu’on le disait à l’époque, ou encore à Nellie Bly elle-même, une figure de légende de la presse américaine. Pour ma part, les enjeux de la stigmatisation associée aux troubles de santé mentale me touchent profondément. J’avais envie de lire ce reportage historique assez rapidement à la suite du roman de Victoria Mas. J’étais curieuse de voir l’angle choisi par la journaliste pour parler de son expérience dans un « asile psychiatrique ». C’est à cette pionnière que l’on doit ce qu’on appelle aujourd’hui le reportage clandestin. À la demande de son éditeur, Nellie Bly doit se faire passer pour folle afin d’être envoyée au Blackwell’s Island Hospital, un hôpital psychiatrique très connu et réputé pour héberger des cas sans espoir de guérison. Vouloir jouer la comédie est une chose : être convaincante en est une autre. Les réflexions de la journaliste sur les stéréotypes des comportements associés à la folie donnent le ton : nous avons ici une femme pleine d’empathie pour les malades de l’autre côté des murs. On la sent tout d’abord effarée devant ce qu’elle voit à l’hôpital : ses valeurs et croyances sont profondément ébranlées lorsqu’elle réalise qu’il s’agit d’un lieu de torture, où l’humiliation des malades est constante et où les soignantes se livrent à des actions brutales. Elle prend conscience que certaines des femmes rencontrées ne sont pas plus folles qu'elle, mais que leur état se dégrade rapidement dans ce milieu. C’est un endroit, dit-elle, où n’importe qui perdrait la raison. Elle mentionnera à plusieurs reprises son sentiment de culpabilité à laisser ces pauvres femmes dans un lieu de misère, alors qu’elle pourra en sortir. Elle écrira aussi, scandalisée par le peu d’écoute des médecins face à une patiente d’origine allemande : « […] il était question d’une femme que l’on privait de sa liberté pour la jeter à l’asile, sans lui avoir donné la possibilité de se défendre ni lui avoir expliqué dans sa langue les raisons de cette sentence. Comparez sa situation à celle d’un criminel qui a toujours la possibilité de plaider son innocence. Ne préférez-vous pas le sort du meurtrier à qui il reste quelque espoir de vivre, à celui du fou, condamné à l’asile à perpétuité? » (pp. 67-68) Pour la petite histoire, le reportage de la journaliste servira de tremplin à une enquête sur les soins octroyés aux malades de l’établissement. La ville de New York finira par accorder un million de dollars pour améliorer les conditions de vie des patientes et les services qui leur sont offerts. J’ajoute donc quelques raisons de lire Nellie Bly. On la lit pour son indignation, sa réflexion humaniste sur les droits des malades atteints de troubles mentaux et à la perception de ceux-ci par l’institution médicale de l’époque. Il est à noter que ce recueil contient deux autres reportages très courts mais intéressants sur son infiltration du marché lucratif des agences de domestiques à gages et sur sa journée aux côtés des ouvrières exploitées d’une usine de confection de boîtes. Dernière note, celle-ci dissonante : la traductrice a choisi de traduire « trunk » par « tronc ». Le mot apparaît donc à plusieurs reprises dans le texte, alors qu’il est bien clair dans le contexte que Nellie Bly fait référence à une malle. Quel choix malheureux!
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Artémis

Par Andy Weir
(2,5)
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J’avais vraiment aimé « Seul sur Mars » et la voix ironique et désabusée du personnage principal, l’inventivité du roman, le rythme qui nous poussait à dévorer page après page pour savoir ce qui venait vers nous. Mais je n’ai pas aimé Artémis. Le roman sonne faux à mes oreilles, si cela fait du sens. Pourtant, le résumé du roman me paraissait intéressant. J’aime la science-fiction et ici, elle se veut colorée d’un récit d’aventures. Jasmine Bishara dite Jazz, est une jeune coursière qui arrondit ses fins de mois comme contrebandière. Des contrebandes peu lucratives, mais tout de même mieux payées que son salaire « officiel » comme coursière. Jazz est votre femme si vous voulez faire entrer quoi que ce soit sur la lune, car elle habite Artémis, la première colonie lunaire. Elle rêve à la richesse, à s’offrir un plus bel appartement que ce qu’elle appelle son cercueil, qui fait penser aux appartements japonais minuscules qui évoquent plus une cage qu’un lieu de vie. Mais un contrat risqué avec un de ses clients, un milliardaire puissant avec de grandes idées, la met dans une situation impossible en échange d’une énorme somme d’argent. C’est que ce fameux contrat a d’énormes conséquences sur la colonie et les gens qui y habitent, des conséquences qu’elle était bien loin d’anticiper. J’étais au tiers du roman quand j’ai pensé que je devrais passer mon tour et lire autre chose. En même temps, j’espérais que quelque chose capte suffisamment mon attention pour me raccrocher à ma lecture. Je l’ai tout de même terminé et ma critique, eh bien, est un haussement d’épaules. Les personnages m'ont semblé stéréotypés et réduits à leur rôle dans l’histoire. Les dialogues, qui visiblement ont pour but de montrer le sens de la répartie des personnages, m’ont plus agacée qu’autre chose. Et que dire de ce personnage homosexuel qui fait une blague à toutes les trois répliques sur son orientation sexuelle? Quelle façon peu inspirée de s'assurer que le personnage se résume à une seule étiquette! Je l’avoue : j’ai sauté plusieurs pages où l’auteur nous démontre ses vastes connaissances en soudure. Selon moi, la finale aurait gagné à être resserrée pour plus de punch. J’en ressors avec l’impression que Weir a écrit ce roman-là pour intéresser les producteurs de films d’action plutôt que ses lecteurs. Décevant. **Petite note: j'ai lu ce roman en traduction. La façon de traduire le langage familier de l'héroïne me questionne. Je demande jusqu'à quel point celle-ci a pu contribuer à alourdir le texte.
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47 cordes T.1

Par Timothé LE BOUCHER
(5,0)
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Celui-là, je l’attendais. J’avais été complètement soufflée par < Le patient > et par < Ces jours qui disparaissent > de Timothé Le Boucher. Ici, nous sommes invités à plonger dans le premier tome d’un univers sensuel et dérangeant. La très belle page couverture de mon édition me prépare d’ailleurs à cela avec l'illustration saisissante d'une très belle femme (cruelle?) évoquant une sirène et un jeune homme qui joue de ses cheveux comme des cordes d’une harpe. L’histoire tourne autour d’une créature qui se transforme à volonté (en homme ou en femme) et d’Ambroise, un jeune harpiste tout nouvellement arrivé en ville pour un contrat à l’orchestre. La métamorphe tente de se rapprocher du jeune homme, de le conquérir mais très vite doit complexifier sa démarche et multiplier ses transformations. Ambroise laisse peu de gens entrer dans son intimité. De façon fortuite, Ambroise accepte un petit « contrat » (si on peut dire, vous verrez bien) pour une cantatrice renommée aux appétits multiples, Francesca Forabosco. Elle lui promet une harpe d’une qualité exceptionnelle s’il relève les 47 défis qu’elle lui lancera. Ambroise devra gagner cette harpe corde par corde. Oui, un défi par corde : un échec et la harpe échappera au jeune homme. Le Boucher, tout au long de ce premier tome, met en place le monde « réel » d’Ambroise, avec ses relations professionnels, amicales et amoureuses naissantes et complexes, son journal intime, ses secrets et ses peurs. Nous suivons de multiples intrigues comme autant de fils qui plongent dans l’inconnu. Ce monde côtoie un univers marqué par les fantasmes sexuels, la soumission et l’obsession dans lequel se coule Ambroise. La métamorphe est-elle une prédatrice, une conquérante ou une amoureuse? Il m’est difficile de faire part de mes réflexions sans révéler l’intrigue. Je dirai toutefois ceci : il y a certainement un petit quelque chose de Faust dans tout cela : une promesse faite (au diable?) en échange de quoi, au juste? D’une harpe de qualité? Ou de quelque chose d’intangible comme l’amour? Ou la sublimation de son art? Vivement le 2e tome afin que je puisse vérifier mes hypothèses. Mais prenez bien votre temps, Timothé. Ce qui est beau avec le livre, c’est qu’à la différence des séries consommées en rafale, je dois meubler l’attente par mon imaginaire. C’est une façon de s’approprier l’œuvre, je crois bien.
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Les premiers aviateurs

Par Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais
(4,16)
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Le ton de cette bd est irrésistible. Alexandre Fontaine Rousseau (qui m’avait fait beaucoup rigoler avec son inventivité dans « La pitoune et la poutine ») et Francis Desharnais (auteur de l’excellente BD « La Petite Russie ») s’unissent pour nous raconter les balbutiements de l’aviation. De la machine à voler de Besnier au costume de chauve-souris de Reichelt, les auteurs nous ramènent au plancher des vaches en 5 chapitres. Parce qu’avant de s’inscrire dans le grand livre des inventeurs, il faut essayer, essayer, essayer et s’écraser. Souvent. Heureusement qu’il y a toujours la petite poulie, bouc émissaire mécanique, sur laquelle l’inventeur peut blâmer l’échec de son entreprise. Comme on le fait dire à Besnier, « Il est parfois difficile de se relever d’une chute particulièrement rude…et il est encore plus difficile de se relever quand on a le tibia fendu en deux. » J’ai été agréablement surprise du mélange de réflexions sur l’ingratitude du processus d’invention et sur la société-spectacle, très bien servies par l’humour décalé du texte. Anachronismes et québécismes surgissent où on ne les attend pas. Au chapitre 2, l’échange entre les deux personnages (dont l’un est Sir Hiram Maxim) est digne d’une conversation entre douchebags de catégorie A1. Et en filigrane, on peut y saisir une réflexion sur le « think big » : ajouter un aileron arrière aussi large que sa voiture, est-ce bien différent des ailes qu’on ajoute sur la grosse machine à voler? Ce chapitre-là est très drôle. Mention spéciale aussi à la façon d’utiliser l’espace dans les cases. Les personnages sont minuscules, et l’espace au-dessus de leur tête, immense. J’aime cette façon graphique de traduire le rêve fou de ces inventeurs. Les cases sont souvent répétées à de nombreuses reprises : seul le texte change. Je trouve que cela sert très bien la BD. Car pour arriver à une invention viable, il faut souvent ajuster de minuscules choses, invisibles à l’œil du néophyte. Les pages finales amènent des informations complémentaires de grand intérêt, servies avec le même humour. Du gros fun.
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Si un inconnu vous aborde

Par Laura Kasischke, Véronique Ovaldé et Véronique Ovaldé
(4,0)
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Laura Kasischke est une autrice américaine de qui je lirais pas mal tout, y compris une réinterprétation du bottin téléphonique. On reconnaît son style si particulier dans ce recueil de nouvelles : des images inspirées, un enfoncement graduel dans l’angoisse existentielle dont on tente de s’éloigner par nos activités quotidiennes frénétiques et surtout cette ambiance feutrée, presque confidentielle, qu’elle a le talent d’installer. D’un personnage auquel il serait facile de s’identifier, l’autrice nous emmène doucement vers ce qui anime le monde souterrain de celui-ci. Nous ne sommes jamais bien loin des névroses, de l’anxiété, des peurs et des pensées intrusives. Et soudainement, le monde ne fait du sens qu’à travers le regard de ce personnage. Même si j’ai apprécié la plupart des nouvelles de ce recueil, je ne suis pas certaine que ce genre littéraire nous permette d’apprécier pleinement le talent de Kasischke. Le roman, lui, offre tout l’espace nécessaire au lecteur pour expérimenter ce glissement graduel vers le sentiment d’étrangeté et de malaise. La première nouvelle du recueil, en ce sens, m’a beaucoup plu : simplement intitulée « Mona », elle met en scène une mère inquiète, qui fouille dans les tiroirs de la commode de sa fille, à la recherche d’un objet ou d’un signe d’une potentielle fêlure dans la vie de son ado sage et rangée. Elle y trouvera quelque chose qui aura l’effet d’une petite explosion et qui nous plongera soudainement dans le cauchemar. Pour qui souhaiterait découvrir les œuvres de cette autrice, je suggérerais d’abord de lire ses romans. « Esprit d’hiver » est un endroit dérangeant et glaçant où commencer.
J
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Rentrer son ventre et sourire

Par Laurence Beaudoin-Masse
(4,23)
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Un peu surprise d'avoir autant embarqué dans ce roman à la couverture rose. Je suis à l'opposée des personnages de ce roman, qui gagnent leur vie en fabriquant des histoires parfaites de corps parfaits, de bouffe parfaite, d'amours parfaits. Je ne suis même pas capable d'imaginer que quelqu'un voudrait me voir faire je ne sais trop quoi à TOUS. LES. JOURS. (Pis j'ai été en couple pendant 18 ans, quand même.) Si j'avais une chaîne Youtube, elle proposerait du contenu malaisant où on me verrait essayer des t-shirts dont je suis incapable de sortir, sacrer en m'enlevant des poils anormalement longs dans le cou et être incapable de me maquiller sans avoir l'air sur le point de poser pour la page couverture d'un magazine de statues de cire. Le personnage principal de ce roman s'appelle Élie, et elle me fait sentir comme une matante, parce que non seulement est-elle jeune et belle, elle est aussi extrêmement attachante. (Je veux être sa matante et lui faire des galettes au gruau.) Élie est la créatrice de Quinoa Forever, une chaîne qui encourage ses abonnées à devenir "la meilleure version d'elles-mêmes". Son chum est un beau chanteur qui pogne, qui fait générer des "likes" et qui a de l'ambition. Elle est belle, Élie: elle mange bien, elle fait de l'exercice, elle a du style. Mais elle porte en elle des souvenirs qui donnent le vertige et qui allument parfois un feu en elle qui ressemble à de la colère: une relation tendue avec ses parents, un corps gênant qu'on lui reproche de mal gérer, de l'intimidation, et le sentiment général que les gars et l'amour ne sont pas à sa portée. L'autrice nous amène dans les méandres de la vie quotidienne d'Élie, dans sa fabrique à images, tout en peignant à toutes petites touches le portrait de cette jeune femme qui veut inspirer "pour les bonnes raisons", mais qui regarde, ébahie, les fissures dans sa vie parfaite avec un affolement teinté de révolte jouissive. Parce que par-dessus tout, il y a Dave, un véritable accélérateur à authenticité. J'ai cru comprendre qu'une suite s'annonce bientôt. Quelle excellente nouvelle! Je serai au rendez-vous, Élie, et je vais te faire un pain aux bananes
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Un cri sous la glace

Par Camilla Grebe
(4,0)
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Dans ce roman policier à trois voix rondement mené, on retrouve rapidement les éléments qui me font apprécier les polars. En particulier, il y a un ingrédient secret dans les romans policiers suédois qui fait que je suis accrochée à chaque fois. Est-ce leur atmosphère claustrophobique et glauque? Leur hiver sombre tellement évocateur du nôtre? Les personnages complexes, malmenés par la vie? Dans ce roman en particulier, j'apprécie que l'autrice ne cherche pas à tout prix à nous les rendre sympathiques. Ils sont vulnérables, complexes et fragiles, en plus de révéler tout au long du roman des zones d'ombres et de silence. Peter, un policier consciencieux, est incapable de prendre ses responsabilités familiales; Hanna, une profileuse de talent, est affectée par un début de démence et sous le joug d'un mari dominateur. Enfin, il y a Emma, une jeune vendeuse de vêtement, nouvellement fiancée à son grand patron, qui est forcée de garder le silence sur sa relation. Un bon suspense qui réserve un punch de qualité au lecteur.
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