Activités de Fleurs Bleues
Fleurs Bleues a commenté et noté ce livre
Émilie ne sera plus jamais cueillie par l'anémone
1 commentaire au sujet de ce livre
ÉMILIE n'est pas la vraie histoire
de la poète américaine — « vielle fille »
vêtue de blanc en haut des escaliers
« cachant la littérature dans son tablier »
— mais l'histoire de ce qu'elle inspire
deux sœurs vaguement québécoises
une qui part, l'autre qui reste
elles parlent de mort,
le petit vertige
ce que signifie vivre
Émilie n'a pas touché le monde
depuis longtemps
le jardin à peine
l'église jamais jamais
elle regarde par la fenêtre
« les vraies personnes /
est-ce que la lumière leur passe à travers? »
il faut lui rappeler
que les navires
ne coulent plus comme avant
« je ne suis pas détraquée ma sœur
je suis éblouie
je vis dans le mystère du moment
le mystère est un soleil
chaque moment est une lumière
qui me touche
chaque moment est celui
d'un rythme immense
la respiration de l'univers
le battement de son cœur
qui est partout
qui arrive en même temps que moi
parfois j'ai peur que tout m'arrive
en même temps et je sois tout à coup
volcan et rivière aigle et abeille
et que j'en tombe morte
et nul d'entre vous le saurait
j'aurais l'air bêtement morte
morte de mort ordinaire
et je serais morte d'amour
je laisserai des lettres
je laisserai des lettres au monde pour m'expliquer »
c'est elle
c'est ses confitures, c'est son amour
pour le mot maelström
mais ce n'est pas elle
il manque des tirets cadratins
et des exclamations
pour que ce soit vraiment elle
— I am nobody! Who are you? Are you a nobody, too? —
j'ai toujours pensé
que le mot em dash venait d'elle
pièce de théâtre écrite en vers
bon pour la mémoire j'en doute pas, tout le texte
est un cœur tendre coulant
de confiture de par en par
de la mise en scène — « peut-être beaucoup de plantes »
« Uranie est rouge
Émilie a un débit lent et délibéré
Uranie est vive vigoureuse
quand Émilie bouge c'est un évènement
correspondances:
verts blancs rouges foncés bleus nuit
Concerto pour flûte et harpe de Morzart
canard rôti
patates et carottes pilées
betteraves marinées
pain frais beurre frais
confitures aux framboises
thé
serge velours de laine toile de lin mousseline
flanalette
canelle thym sariette basilic
brûlés sur un rond de poêle à bois »
— à la préface, que j'aime lire
dans une grande voix de micro
pour faire taire les placoteurs
tout juste avant le levé du rideau:
« Imaginez qu'apparaît en plein bois ou dans votre ruelle une chapelle, modeste mais d'équerre, en bois de grange, intensément païenne, du givre ou l'ombre des feuillages pour uniques vitraux, une chapelle sans crucifié et qui sent la boulange, le sapinage, les framboises écrasées... Et comme un miracle n'arrive jamais seul, a porte est ouverte au moment où vous passez... »
publiée dans les années quatre-vingt,
Émilie s'achetait depuis quelques années
à cent piastres sur Ebay
merci aux éditions SOMME TOUTE
de la redécouvrir
et la republier
blogue: les.fleursbleues.com
Fleurs Bleues a commenté et noté ce livre
La terre qui penche
1 commentaire au sujet de ce livre
Ce livre est beau comme une peinture. Trop beau, certains diront. On se met à fixer les mots plus que l'histoire. Mes passages préférés? Ceux de la Dame Verte (mes 5 étoiles vont à elle). L'un des portraits les plus réussis que j'ai lue d'une créature surnaturelle.
J'aime ma magie réaliste. J'ai apprécié que l'autrice nous fasse douter ses origines. A-t-elle vraiment les cheveux verts sous son foulard ou est-elle une recluse qui habite la forêt?
Et puis, il ne s'agit pas une simple illustration romancée et naïve d'un esprit de la nature. Elle est belle comme la rivière à laquelle elle est liée, oui, mais sans merci, comme la rivière l'est aussi. Elle a un mauvais tempérament, elle s'agace facilement. Les humains sont pour elle des insectes qui vivent et meurent pendant un court été de son immortalité.
Tiens, goûtes-y un peu:
« — Moi, il paraît que j'étais un petit monstre, quand je suis née.
— Qui t'a dit ça? s'offusque la Dame.
— Guillemette, la cuisinière.
— Celle-là m'en veut encore d'avoir noyé l'une de ses filles! s'agace-t-elle soudain. S'ils s'imaginent que c'est simple d'être une rivière et de s'emporter sans le vouloir! Je suis une eau sauvage, soumise à ses humeurs. Ils disent que j'aime ça, voler les petits des autres, mais je ne suis pas l'ogresse qu'ils croient. C'est à eux de surveiller leurs enfants! Je suis une tentation, car je suis vivante et profonde. Je dissous tout, même le ciel immense que je mets à portée de leurs mignonnes mains. Ils se laissent prendre à la féérie des reflets, ils aiment voir dans les lumières sur ma peau. Est-ce ma faute si je brille de mille feux, si je suis pleine de poissons, si je suis un miroir où l'on peut se plonger et si je porte leurs petits visages sur mon dos? »
« Cette mère-là me submerge d'amour et je ne respire plus. Cette mère-là exige tant qu'elle m'étouffe, qu'elle me prend dans sa toile, qu'elle me noie, que son amour dément me vampirise, me submerge, m'anéantit. ... L'eau a pris une couleur de lait qui m'écœure, elle s'est épaissie pour mieux m'engluer. Elle rugit son amour et je m'en veux tellement de ne pas être capable de tout accepter. »
blogue: les.fleursbleues.com