Activités de Fleurs Bleues

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Émilie ne sera plus jamais cueillie par l'anémone

Par Michel Garneau et Christian Vézina
(4,0)
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ÉMILIE n'est pas la vraie histoire de la poète américaine — « vielle fille » vêtue de blanc en haut des escaliers « cachant la littérature dans son tablier » — mais l'histoire de ce qu'elle inspire deux sœurs vaguement québécoises une qui part, l'autre qui reste elles parlent de mort, le petit vertige ce que signifie vivre Émilie n'a pas touché le monde depuis longtemps le jardin à peine l'église jamais jamais elle regarde par la fenêtre « les vraies personnes / est-ce que la lumière leur passe à travers? » il faut lui rappeler que les navires ne coulent plus comme avant « je ne suis pas détraquée ma sœur je suis éblouie je vis dans le mystère du moment le mystère est un soleil chaque moment est une lumière qui me touche chaque moment est celui d'un rythme immense la respiration de l'univers le battement de son cœur qui est partout qui arrive en même temps que moi parfois j'ai peur que tout m'arrive en même temps et je sois tout à coup volcan et rivière aigle et abeille et que j'en tombe morte et nul d'entre vous le saurait j'aurais l'air bêtement morte morte de mort ordinaire et je serais morte d'amour je laisserai des lettres je laisserai des lettres au monde pour m'expliquer » c'est elle c'est ses confitures, c'est son amour pour le mot maelström mais ce n'est pas elle il manque des tirets cadratins et des exclamations pour que ce soit vraiment elle — I am nobody! Who are you? Are you a nobody, too? — j'ai toujours pensé que le mot em dash venait d'elle pièce de théâtre écrite en vers bon pour la mémoire j'en doute pas, tout le texte est un cœur tendre coulant de confiture de par en par de la mise en scène — « peut-être beaucoup de plantes » « Uranie est rouge Émilie a un débit lent et délibéré Uranie est vive vigoureuse quand Émilie bouge c'est un évènement correspondances: verts blancs rouges foncés bleus nuit Concerto pour flûte et harpe de Morzart canard rôti patates et carottes pilées betteraves marinées pain frais beurre frais confitures aux framboises thé serge velours de laine toile de lin mousseline flanalette canelle thym sariette basilic brûlés sur un rond de poêle à bois » — à la préface, que j'aime lire dans une grande voix de micro pour faire taire les placoteurs tout juste avant le levé du rideau: « Imaginez qu'apparaît en plein bois ou dans votre ruelle une chapelle, modeste mais d'équerre, en bois de grange, intensément païenne, du givre ou l'ombre des feuillages pour uniques vitraux, une chapelle sans crucifié et qui sent la boulange, le sapinage, les framboises écrasées... Et comme un miracle n'arrive jamais seul, a porte est ouverte au moment où vous passez... » publiée dans les années quatre-vingt, Émilie s'achetait depuis quelques années à cent piastres sur Ebay merci aux éditions SOMME TOUTE de la redécouvrir et la republier blogue: les.fleursbleues.com
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La terre qui penche

Par Carole Martinez
(4,0)
1 commentaire au sujet de ce livre
Ce livre est beau comme une peinture. Trop beau, certains diront. On se met à fixer les mots plus que l'histoire. Mes passages préférés? Ceux de la Dame Verte (mes 5 étoiles vont à elle). L'un des portraits les plus réussis que j'ai lue d'une créature surnaturelle. J'aime ma magie réaliste. J'ai apprécié que l'autrice nous fasse douter ses origines. A-t-elle vraiment les cheveux verts sous son foulard ou est-elle une recluse qui habite la forêt? Et puis, il ne s'agit pas une simple illustration romancée et naïve d'un esprit de la nature. Elle est belle comme la rivière à laquelle elle est liée, oui, mais sans merci, comme la rivière l'est aussi. Elle a un mauvais tempérament, elle s'agace facilement. Les humains sont pour elle des insectes qui vivent et meurent pendant un court été de son immortalité. Tiens, goûtes-y un peu: « — Moi, il paraît que j'étais un petit monstre, quand je suis née. — Qui t'a dit ça? s'offusque la Dame. — Guillemette, la cuisinière. — Celle-là m'en veut encore d'avoir noyé l'une de ses filles! s'agace-t-elle soudain. S'ils s'imaginent que c'est simple d'être une rivière et de s'emporter sans le vouloir! Je suis une eau sauvage, soumise à ses humeurs. Ils disent que j'aime ça, voler les petits des autres, mais je ne suis pas l'ogresse qu'ils croient. C'est à eux de surveiller leurs enfants! Je suis une tentation, car je suis vivante et profonde. Je dissous tout, même le ciel immense que je mets à portée de leurs mignonnes mains. Ils se laissent prendre à la féérie des reflets, ils aiment voir dans les lumières sur ma peau. Est-ce ma faute si je brille de mille feux, si je suis pleine de poissons, si je suis un miroir où l'on peut se plonger et si je porte leurs petits visages sur mon dos? » « Cette mère-là me submerge d'amour et je ne respire plus. Cette mère-là exige tant qu'elle m'étouffe, qu'elle me prend dans sa toile, qu'elle me noie, que son amour dément me vampirise, me submerge, m'anéantit. ... L'eau a pris une couleur de lait qui m'écœure, elle s'est épaissie pour mieux m'engluer. Elle rugit son amour et je m'en veux tellement de ne pas être capable de tout accepter. » blogue: les.fleursbleues.com