
Alexandra Guimont
Libraire @ Librairie Gallimard
Intérêts littéraires :
Jeunesse, Littérature, Arts, Science/Technologie, Bande dessinée, Essais, Faune/Flore
Activités de Alexandra Guimont

Requiem
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Les débuts
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Dans la nature
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Après son essai «Animaux homos», Fleur Daugey s'adresse maintenant aux enfants! Cet album formidable est parfait pour discuter de la diversité sexuelle. L'homosexualité, la transsexualité et les familles atypiques se retrouvent aussi chez les autres animaux. Preuves à l'appui! Le dessin cocasse et coloré de Marcel Barelli rend justice à ce sujet haut en couleur. Je conseille ardemment ce court documentaire à tous les essentialistes de ce monde pour enfin espérer sortir des idées reçues!

Madame Werner
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Andréa Werner est spécialiste des lieder romantiques et professeure au Conservatoire de Montréal. Elle doit dorénavant composer avec la «débâcle de Leipzig», moment clé de sa carrière artistique où une laryngite fulgurante a colonisé sa trachée en plein concert. Loin des regards inquisiteurs des universitaires, elle se terre en campagne et laboure le peu de souvenirs qu’il lui reste. En perpétuelle détention à travers les partitions, Andréa fantasme une autre vie possible, loin des eaux pétillantes et du train-train tranquille des musiciens. Perdre la voix est le parfait prétexte pour retracer cette vie vouée à la musique, une vie entière tapie dans l’ombre des compositeurs que même les feux de la rampe ne parviennent pas à dorer complètement. Et cette voie bien rangée, elle la doit à sa belle-mère, Madame Werner, sorte de force extérieure qui la fera persévérer dans ce monde de notes et de silences. Gabrielle Chevarier écrit ici un premier roman court et puissant. Chaque mot s’accorde magnifiquement à ce drame contemporain. C’est digne de la Ständchen de Schubert, mais on espère sincèrement que ce livre ne sera pas son ultime!


Quelle belle manière de découvrir un classique de la littérature autrichienne que par cette adaptation aboutie du bédéiste Manuele Fior! Publié en 1924 par Arthur Schnitzler, «Mademoiselle Else» détonne par l’originalité de sa forme, sorte de long flux de conscience où tourbillonnent chantage émotif et désir de loyauté. Cette Else, issue de la haute société viennoise, doit sauver l’honneur de son père en quémandant de l’argent à un vieil ami de la famille. Évidemment, celle-ci se voit contrainte de s’exhiber en échange. La plume de Schnitzler chatouille la grossièreté courante et critique à merveille la salacité (aussi intemporelle soit-elle) de certains individus.

La renarde
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Dubravka Ugrešić vient de nous quitter. Toute mon estime va à cette grande militante antinationaliste qui, malgré le démantèlement et la haine raciale en Yougoslavie dont elle a été le témoin direct, n’a pas perdu une graine de son humanité. Avec «La Renarde», tout juste traduit par Chloé Billon chez Bourgois, elle retrace le fil rouge de la création des histoires, tente de défricher le sentier abstrait de l’inspiration et nous guide dans l’aventure sinueuse de la construction narrative. On voyage à ses côtés en se laissant entraîner par sa pensée flottante, on s’agrippe ici et là au quai de minuscules épiphanies quotidiennes, drôles et pitoyables, où souffle parfois un vent de misanthropie.

Suite à son très réussi récit sur la vie ordinaire et la maternité, voilà qu’Adèle Van Reeth creuse avec «Inconsolable» la sépulture littéraire de son défunt père. Toujours dans l’analyse critique d’une réalité propre mais universelle, elle sonde l’émotion sous le radar philosophique. Comment se consoler? Vieillit-on plus rapidement sous le lourd fardeau de la peine? Est-ce qu’un chat, figure de l’affection pure, peut devenir un remède pour combler cette affliction? Van Reeth ne lésine pas et fait de l’anecdote une merveilleuse manière de raisonner. En évoquant «The Köln Concert» de Keith Jarret comme métaphore absolue du laisser-aller, elle défend que c’est dans l’action que l’improvisation se joue et qu’il faut une part de laxité pour être capable de supporter l’inconcevable.


Faire famille autrement
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Inédits
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Edouard Levé répugnait la fiction, il s’affairait plutôt à utiliser la vie comme matériau brut de création. Cette hybridation de l’expérience littéraire et de la quotidienneté est à mon sens le plus bel état poétique possible. À force de conceptualiser chaque parcelle du réel, il a modelé un œuvre décousu, mais passionnant de liberté. Ces «Inédits» posthumes, sorte de fourre-tout un peu fou, sont à la fois nombre d'études sur la morphologie de la vie, entrées de dictionnaire personnalisées, guide de voyage unique et portrait de Paris expurgé de tout glamour. Entre ready-mades et délires oulipiens, le travail de Levé résonnera aussi chez les fans de Sophie Calle.

Je crie au génie comique! Cet album complètement fou d’inventivité raconte l’amitié fortuite entre un chewing gum niais et un caillou neurasthénique. Ce merveilleux mariage nous fait voyager jusqu’en Inde, sur les traces filiales de cette petite pierre millénaire. Agnès Desarthe et son fils Léonard sont en symbiose parfaite dans ce projet qui prend une toute autre dimension avec les pistes musicales créées pour accompagner ce récit d’aventure. L’humour explosif aborde ici de grands thèmes philosophiques, tels que l’interrogation de nos origines et comment donner sens à notre vie face au grand Tout. Les illustrations de Marc Boutavant, bien connu pour son «Chien Pourri», complètent cette équipe de rêve. Difficile de faire mieux!

La maladie blanche
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La Covid-19 a apporté son lot de découvertes littéraires, faisant du genre pandémique une catégorie en soi. Après l’excellent «37° centigrades» chez Le Passager Clandestin qui imagine une société de contrôle obsédée par les risques sanitaires, je découvre maintenant «La maladie blanche» du tchèque Karel Čapek. Cette pièce de théâtre écrite en 1937 anatomise à la perfection les méandres de la psychologie humaine mutant sans vergogne en temps de crises humanitaires. En utilisant la lèpre comme gangrène sociale, Čapek évoque l’ostracisation haineuse d’une partie de la population et la montée du fascisme en Europe. On se rend vite compte qu’à travers les faux-semblants et les opportunistes de toutes parts, la bonne volonté garante de paix s'éteint tristement dans le gouffre noir du pouvoir mis en place.

Librement inspirée de la vie de Stephan Bibrowski, cette bande dessinée nous pousse à cran en dévoilant les méandres cruels des freaks show du XXe siècle. L’Homme à la tête de lion était un artiste circassien atteint d’hypertrichose et n’aura gravité sa vie durant qu’avec d’autres ostracisés de la société. Camaraderie, esprit de famille, mais aussi rivalités grotesques et sans pitié, son existence ne fut qu’une longue et lancinante blessure d’abandon. Quel autre destin pour ces individus atteints de difformités que d’être exhibés devant une horde de guignoles inconscients? Et quel sort attend le milieu du cirque lorsque la radio et le cinéma accaparent goulument les foules éprises de nouveautés et de loisirs? Après son admirable adaptation de 1984, Xavier Coste marque encore une fois le monde de la bd et présente une œuvre qui éclate brillamment dans le ciel du 9e art.

Quand tu écouteras cette chanson
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Quoi de mieux que la collection «Ma nuit au musée» pour déambuler par procuration dans les plus grandes institutions du monde? Lola Lafon investit ici la Maison d’Anne Frank et son Annexe devient la pierre angulaire sur laquelle les souvenirs familiaux de l’autrice viennent s’écorcher. Venant elle-même d’une famille juive dont les grands-parents ont été déportés au cœur de l’horreur, elle fait un laborieux travail de ressouvenir et d’acceptation. Après s’être penchée sur le destin tragique de jeunes femmes telles que Nadia Comăneci et Patricia Hearst, elle nous présente une autre Anne Frank qui, loin des clichés pathétiques dont elle a été l’objet par nombre d’éditeurs et de producteurs de cinéma, se rapproche plus sérieusement de l’écrivaine ambitieuse qu’elle rêvait d’être.
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