Activités de Claire Gaucher

Olivier Adam, Dessous les roses - 2022 - 3,5/5 Une famille, trois enfants, trois façons de voir leur enfance et leur adolescence. Paul est réalisateur et dramaturge.Son frère et sa sœur l’accusent de piller leur vie. Cela donne quelques réflexions sur la création et la transposition du réel. Paul en veut à son père et à sa condition sociale. L’enterrement de ce dernier changera-t-il quelque chose à la vision du cinéaste ? Le livre, bien construit, nous propose de rencontrer les personnages tour à tour. Mais c’est une autre fois une pièce de théâtre que nous livre Paul. Et l’on reste avec notre question : fiction ou réalité ?

Laurence Tardieu, Puisque rien ne dure, 2016 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ « L’éternité n’est pas dans le temps, elle est dans la profondeur. » Un court roman, plein d’intensité. J’aime l’écriture nerveuse de Laurence Tardieu qui sait si bien mettre en perspective les attitudes. Geneviève et Vincent auront deux façons différentes de réagir à la disparition de leur fille Clara. Leur couple sera-t-il sauvé ? Clara reviendra-t-elle ? Se retrouveront-ils un jour ? Comment ? Ce roman psychologique est fait de finesse et de nuances. Et s’il laisse toute la place au désarroi, il se termine dans une certaine paix qui fait du bien. J’ai beaucoup aimé.

Philippe Besson, Paris-Briançon - 2022 -⭐️⭐️⭐️⭐️ Un train de nuit, des rencontres inattendues. Des êtres qui se révèlent à eux-mêmes. Puis le choc, l’imprévisible et voici que tout bascule. On sait dès le départ qu’il y aura des morts mais on ne sait ni le comment ni le pourquoi. Or le comment a de quoi donner froid dans le dos. Il suffit parfois de trente secondes pour nouer un enchaînement de circonstances et tout bousculer. Philippe Besson écrit bien, il fait beaucoup avec peu. Un très beau moment de lecture et des personnages qui nous restent dans le coeur.

Valérie Tong Cuong, Les guerres intérieures - 2019 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Très beau roman mettant en scène trois personnages aux prises avec leur gouffre intérieur. La honte et la culpabilité sont au cœur de cette œuvre bien construite qu’on lit d’une traite tant elle est prenante. Pax, Emi, Alexis et Cassandre ont en eux ce qu’il faut pour se racheter et sauver leur vie de ces noeuds inextricables que la vie a tracés pour eux. J’ai beaucoup aimé la fine psychologie de l’auteure qui sait si bien décrire les affres d’une agression et de ses petits mensonges que l’on se compte à soi-même. Bien campée dans le siècle, cette histoire nous offre aussi une panoplie de gestes gratuits dont on n’est pas à l’abri sans pour autant offrir des pistes de solution autres qu’individuelles. N’empêche j’ai beaucoup aimé.

Inès Bayard, Le malheur du bas, 2018 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Le viol d’une trentenaire, le sujet n’est pas bien neuf, mais quand il s’agit d’une femme mariée qui décide de se taire et de ne rien dire à son mari ou à sa famille et sous la plume de Inès Bayard, il vaut la peine de vivre de l’intérieur la descente aux enfers de Marie, le personnage principal. Le dénouement est connu dès les premières pages, l’intérêt réside donc dans ce que vit Marie au jour le jour et dans ce mensonge qu’elle tisse comme une toile et qui la perdra. C’est un premier roman pour cette auteure et on ne peut que s’émerveiller devant la justesse du style et de ses fines allusions psychologiques sur la montée de la haine et du désespoir qui s’emparent d’elle. On ne s’ennuie pas, car l’approche est sensible et neuve et l’on a droit, à la fin, à un effet choc digne des meilleures nouvelles. C’est mon deuxième livre de Inès Bayard et j’attends le troisième avec impatience.

Inès Bayard, Steglitz - 2022 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Leni vit à, l’écart du monde, une existence tranquille et faite de silence avec son mari Yvan. Mais voici que le lieutenant Ziegler mène une enquête sur des coups de feu entendus dans le quartier de Steglitz à Berlin. Du coup, la vie de Leni bascule et ses promenades n’ont plus le même sens. Elle y fait des rencontres énigmatiques qui, on l’apprendra au fil du roman, semblent tout droits sortis de son imagination et de son enfance et suscitent à la fois la crainte et le désarroi. Nous nous promenons dans l’intériorité de cette femme déroutante et un peu perdue. L’oeuvre est mystérieuse et nous amène à nous interroger sans cesse sur le sens de toutes ces rencontres. Heureusement, le dénouement nous donne de bonnes pistes de compréhension, mais il faut avoir la patience d’attendre même si c’est ce qui nous pousse à lire et à lire pour trouver le fin mot de l’énigme. L’écriture est fine et poétique par moments, toute belle dans ses paysages de neige. Un roman donc qui, une fois refermé, nous habite encore un temps. J’ai beaucoup aimé et je retiens le nom de cette auteure.

Aki Shimazaki, No-no-yuri - 2022 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ Je ne comprends toujours pas pourquoi j’aime autant les romans de Shimazaki. Il n’y a pa d’intériorisations, seulement une pureté de style si grande qu’on adhère au personnage. Ici, pas d’adjectifs ou d’adverbes qui rebutent, seulement des phrases simples qui vont droit au but. Kyoto a des amants mariés et ne veut pas s’attacher alors on se demande où elle s’en va comme cela et on y va avec elle. C’est tout, rien de plus qu’une banale histoire mais qui nous prend par la magie de son style. Si quelqu’un trouve, me dire ce qui fait la force de ses romans.

Mélissa Da Costa, Les douleurs fantômes - 2022 -⭐️⭐️⭐️⭐️ Ambre est réveillée un matin par un téléphone de Rosalie. Inquiète parce que son Gabriel est disparu, elle convoque ses plus chers amis. Ils se retrouvent tous à Arvieux. Cinq ans ont passé. Ils sont devenus autres. À quoi ressembleront ces retrouvailles avec le trio formé par Ambre, Tim et Anton ? Le roman est moins profond que le très beau Tout le bleu du ciel de la même auteure, mais il se lit très bien. Il est étonnant de voir comme ici tout s’emboîte pour que les personnages trouvent leur voie, réconfort ou petites bousculades les mènent là où ils doivent aller. Être à un endroit à un moment donné n’est pas sans signification. Coïncidence ou hasard. Peut-être que les deux n’existent pas. Voilà une œuvre pleine de ferveur et qui finit bien. Une belle lecture d’été.

Akira Mizubayashi, Reine de cœur - 2022 -⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ Magnifique ! Mizuné, jeune altiste, découvre dans un roman l’histoire de ses grands parents Jun et Anna. Lui est japonais, elle est française. Ils s’aiment mais Jun doit retourner au Japon pour servir. Les premiers chapitres sont d’une violence inouïe. En peu de mots, Mizubayashi traduit toute l’horreur de la guerre, il n’aura besoin d’y revenir que par allusions pour que l’on ressente tout l’impact de ces moments sur les personnages. Autrement, le roman est doux et fait la part belle à la musique. Ainsi l’auteur, en décrivant un concert, nous emporte loin de notre quotidien pour nous faire ressentir de l’intérieur toutes les affres des conflits armés. C’est un très beau passage, plein d’émotions. Voilà une belle histoire d’amour et les plus belles sont peut-être celles que l’absence décuple…

Mohammed Aissaoui, Les funambules - 2020 - ⭐️⭐️⭐️ Le narrateur a pour mission d’écrire la biographie de gens anonymes qui ont tous une fêlure dans leur vie. En même temps, il est à la recherche de Nadia, un amour de jeunesse qui fait du bénévolat. Cette démarche l’amène à rencontrer beaucoup de personnes au destin brisé. Ce roman adopte souvent le ton de l’essai puisque qu’on nous raconte l’histoire des Restos du cœur créés par Coluche et la bonne façon de venir en aide aux déshérités. La lecture n’est pas désagréable, mais la profusion des personnages n’est pas sans générer un sentiment de longueur et de lassitude par moments. Il y a néanmoins de beaux passages sur le pouvoir des mots dans la guérison de certaines blessures.

Gydir Eliasson, Requiem - 2022 Rien, il n’y a rien dans ce livre qu’un homme seul dans un chalet qui inscrit des notes de musique dans un calepin, des musiques inspirées des bruits du quotidien et qui ne seront jamais publiées ou lues par quiconque. Il y a bien quelques personnages aussi avec lesquels il n’aura pas vraiment de liens, mais c’est tout. Rien, il n’y a rien dans ce roman et je ne sais par quelle magie on continue de lire malgré tout et de suivre Jonas dans ses journées faites de peu. Un livre bizarre donc mais que je ne regrette pas d’avoir lu moi qui compose mes heures de presque rien.

Julie Ruocco, Furies - 2021 - ⭐️⭐️⭐️⭐️ C’est un premier roman très réussi, prenant et bien écrit même si j’ai été un peu perdue dans les trois premiers chapitres. Voilà une autre œuvre ayant pour thème la guerre en Syrie mais qui, par son propos, rejoint l’universel questionnement sur cette réalité. C’est à travers la très belle relation entre Bérénice, Assim et Taym que l’on peut vivre de l’intérieur les horreurs, bien sûr, mais aussi le courage, l’espoir, la foi en la révolution. Désir existentiel profond, nos trois personnages trouveront d’ailleurs, chacun à leur façon, une façon d’honorer la mémoire des victimes et de les faire revivre. Lu en une journée, c’est tout dire.