Robert Allie
Intérêts littéraires : Littérature, Bande dessinée, Essais, Faune/Flore

Activités de Robert Allie

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La montagne magique

Par Thomas Mann et Claire Oliveira
(3,0)
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J'ai lu «La Montagne magique» (1924 / 1926), une brique de plus de 1000 pages écrite par Thomas Mann (1875-1955) un écrivain allemand, lauréat du prix Nobel de littérature en 1929. Mann a été l'une des figures clés de la littérature allemande du XXe siècle. Il a fui l'Allemagne nazie en 1933 en raison de ses critiques ouvertes du régime. Il a émigré aux États-Unis. Son roman «La Montagne magique» a été rédigé de 1912 à 1923 suite à un séjour de son épouse dans un sanatorium suisse. L'auteur nous raconte le séjour de Hans Castorp, un jeune Allemand, qui rend visite à son cousin malade dans un sanatorium, le Berghof (inspiré du Berghotel Schatzalp) situé en altitude. De ce fait, il y est souvent question dans le roman du «monde d'en haut» et du «monde d'en bas», ou le «pays plat». La visite de courtoisie de Hans devait ne durer que quelques semaines, mais elle s'est transformée en un séjour prolongé de sept ans. Il s'agit en quelque sorte d'un huis clos puisque le roman se déroule presque entièrement dans le sanatorium où Hans côtoie tout une brochette de personnages plus ou moins importants. Bien entendu, ce contexte est propice pour mettre en place des discussions entre les personnages et plus particulièrement autour de la maladie et de la mort. Le sanatorium étant un lieu de guérison, les échanges portent sur les différentes attitudes face à la maladie elle-même, la souffrance et la confrontation à la mort. On pensera évidemment à la notion de «mourir dans la dignité» et aux questions que soulèvent les suicides. D'autre part, le sanatorium place Hans dans un environnement où le temps semble s'étirer au travers d'une routine qui revient en boucle. Le temps est probablement un des éléments centraux du roman. Ce qui amène les personnages à discuter de la nature subjective du temps, de son élasticité... lorsque nous faisons quelque chose qui nous plaît, le temps est court; lorsque nous attendons pour un rendez-vous, le temps est long. Il y a plusieurs réflexions sur le temps de la part du narrateur au début des chapitres. Le médecin en chef fait ses prescriptions de séjour en semaines et en mois. D'ailleurs, un autre lecteur me faisait remarquer que le temps est compté en heures au début du roman, puis en journée, en semaine, en mois et finalement en année... Outre les deux thèmes centraux précédents, le roman donne lieu à beaucoup d'échanges «philosophiques» dont je n'étais pas toujours en mesure de saisir toute la portée faute de connaissances des références et par la complexité de l'écriture. Plusieurs de ces discussions philosophiques vont prendre place dans le cadre des échanges de Hans avec Settembrini. Les joutes oratoires entre Naphta et Settembrini vont également être l'occasion pour l'auteur de faire état de ses idées notamment en matière de politique. Il sera question de religion et de spiritualité, de psychologie et de la nature humaine, etc. Lorsque ces sujets sont abordés, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit des idées et propositions de l'époque, le début du XXe siècle. Quant au récit du séjour en lui-même, l'auteur nous raconte les événements avec beaucoup de détails et de longue description des lieux, de l'environnement, du physique des personnages et de leur routine. Malgré cela, on assiste à des scènes humoristiques et à d'autres très dramatiques. Ainsi, bien que le roman puisse être très intéressant, je l'ai tout de même trouvé long, longtemps.
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Hérétiques

Par Leonardo Padura
(3,5)
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La lecture de «Hérétiques» (2013 / 2014), un roman de Leonardo Padura m'a paru un peu longue. Le lecteur se retrouve devant 603 pages divisé en trois livres «Daniel», «Elias», «Judith» et une «Genése». Je peux le mentionner tout de suite, les trois livres auraient probablement pu faire l'objet de trois livres indépendants. La «Genése» se présente comme le dernier épisode d'une série télé où on vous donne des explications pour être certain que vous avez bien compris. Bon ces dernières trente pages du roman ont le mérite de nous faire découvrir l'horreur du massacre des juifs de Pologne (1648) tel que décrit par Hannover dans «Le Fond de l'abîme» (1653 / traduit en 1855). Ainsi, le premier livre se déroule comme une enquête du policier de Leonardo Padura, Mario Conde. Un enquêteur typique des romans policiers, un marginal qui dans ce roman ne fait plus partie de la police, il s'est plutôt recyclé en vendeur de livres rares. Il est dans la dèche et dans le rhum lorsqu'il apprend qu'un certain Elias Kaminsky viendra lui demander de l'aide. Elias lui raconte alors une longue histoire inspirée par une toile de Rembrandt qui vient de réapparaître dans une vente d'œuvres d'art à Londres. Elias tient cette rocambolesque aventure de son père Daniel Kaminsky qui avait été envoyé d'Allemagne à Cuba chez son oncle Joseph à l'aube de la Deuxième Guerre mondiale. On y apprend qu'en 1939, environ neuf cents Juifs à bord du S.S. Saint-Louis doivent transiter par Cuba avant de pourvoir immigrés vers les États-Unis. Les passagers avaient déjà payé leurs billets et leur visa cubains à gros prix, mais le gouvernement cubain souffre d'un mal répandu «la corruption». En cours de route les visas sont annulés et le prix d'entrée au pays est augmenté. Le bateau a bien accosté au port à Cuba, Daniel et son oncle Joseph Kaminsky sont-là en espérant voir apparaître ses parents et sa sœur Judith. Les agents de l'immigration cubains montent et descendent du bateau à tous les jours pendant une semaine, mais avec les nouvelles conditions, seuls quelques passagers privilégiés réussissent à mettre pied à terre. Le S.S. Saint-Louis repart, les États-Unis et le Canada refusent l’accès aux passagers. Il retraverse l’Atlantique pour se rendre aux Pays-Bas qui acceptent que les émigrants y débarquent pour être dirigés vers différents pays européens. Les Kaminsky seraient restées aux Pays-Bas pour finalement être déportés dans les camps. Or, selon la famille Kaminsky, le tableau en question était la propriété des grands-parents. Elias dispose d'une photographie où l'on voit le tableau dans le salon chez ses grands-parents, ce qui lui a permis de faire suspendre la vente. D'autre part, son père Daniel a vu le tableau chez un haut fonctionnaire du département de l'immigration à Cuba. C'est de cette façon qu'il en vient à demander à l'ex-policier Mario Conde: est-ce que les Kaminsky auraient tenté de vendre le Rembrandt pour débarquer à Cuba? Qui les aurait escroqués? Puis, comment la toile serait passée de Cuba à Londres plus de soixante ans plus tard? Au bout de quelques paquets de cigarettes, de quelques bouteilles de rhum et de quelques décès, Elias, Conde et ses amis ont des réponses, mais pas toutes. Je vous laisse deviner, on a donc ici un roman policier intéressant qui vous fait découvrir la Havane de 1939 à 2007 en 237 pages. Dans le deuxième livre, Padura nous transporte à Amsterdam au XVIIe siècle presque trois cents ans en arrière. Ce bond est brutal et brise le rythme, même si on comprend que l'auteur veut probablement nous expliquer comment la toile «Les Pèlerins d'Emmaüs» a pu se retrouver dans la famille Kaminsky. Il nous raconte l'histoire d'Elias Ambrosius Montalbo de Avila qui veut être peintre malgré l'interdit religieux, chez les Juifs, de pratiquer cet art. Il réussit à devenir un élève du «maître». Si je ne me trompe pas, jamais dans le texte le nom de Rembrant n’est mentionné, mais c'est bien lui le «maître» puisque tous les autres personnages de ce 2e livre ont bel et bien existé. Il s'agit de la famille de Rembrant, des élèves de Rembrant, de ses clients, acheteurs et mécènes. D'autre part, on y apprend beaucoup d'éléments de l'histoire de la communauté juive alors florissante à cette époque à Amsterdam, ville perçue comme le Nouveau-Jérusalem. Ainsi, on se retrouve à lire un traité historique romancé d'une partie importante de la vie de Rembrant inséré dans une partie de l'histoire des juifs européens. Intéressant, on y apprend beaucoup de choses, mais pas comment le tableau s'est retrouvé dans la famille Kaminsky. Cet aspect nous sera dévoilé dans la «Genése» à savoir qu'Elias Ambrosius Montalbo de Avila aurait remis les tableaux à un rabbin qui est mort de la peste dans les bras de Moshe Kaminsky, leur ancêtre médecin! Dans le «Livre de Judith», Mario Conde est supplié par la jeune Yadine de retrouver Judy, son amie disparue. Elle insiste parce que la police a fermé le dossier jugeant qu'elle avait probablement quitté le pays en radeau vers la Floride, comme sa sœur. Une nouvelle enquête pour Conde, on se doute bien qu'il devrait y avoir un lien avec le tableau, mais nous apprenons plutôt en même temps que Conde, la vie marginale d'une partie de la jeunesse cubaine avec ses multiples clans; punk, emo, gothique, rasta, etc., qui rejettent la vie que la société cubaine leur propose. En interrogeant l'entourage de Judy, Conde apprend qu'elle est très intelligente, qu'elle veut quitter les emos, qu'elle s'automutile, qu'elle a des lectures sombres, qu'elle écoute de la musique sombre, qu'elle est fan de Blade Runner, qu'elle avait une aventure avec son prof de littérature, qu'elle est lesbienne et vierge, qu'elle hait son père et ses magouilles, qu'elle voit un Italien en cachette, qu'elle a volé 500$ à sa grand-mère... Elle est maintenant disparue depuis plus de deux semaines. Un agriculteur la retrouve par hasard dans un puits abandonné au bout d'un de ses champs. La première conclusion qui saute aux yeux c'est que Judy se serait suicidée, mais ça ne colle pas; il y a du sang d'une autre personne, l'argent de la grand-mère a disparu, elle n'est plus vierge et elle a une drogue bizarre dans le sang. On apprendra ce qui est réellement arrivé de la bouche de son ami Yovany. Puis dans une parenthèse de ce troisième livre, on apprendra que le père de Judy est un héritier du haut fonctionnaire qui s'était accaparé le tableau de Rembrant et qu'il l'aurait probablement envoyé à sa fille à Miami en passant par le Venezuela pour qu'elle le mette en vente... Alors que je lisais ce livre en m’intéressant aux péripéties de la toile de Rembrant, c’est comme s’il s’agissait d’un écran de fumée et qu’il fallait mettre cet aspect de côté. Il faut davantage porter notre attention aux «Hérétiques» puisque ce livre s’intéresse d’abord à la liberté sous plusieurs formes, mais surtout au libre arbitre comme on nous l’annonce en quatrième de couverture. Ainsi, Daniel Kaminsky renonce au judaïsme pour se sentir plus cubain, Elias Ambrosius peint dans la clandestinité pour ne pas être rejeté par sa communauté et Judy qui se cherche un clan pour ne pas faire partie de cette société qu’elle rejette. Ces personnages peuvent être perçus comme des hérétiques ou des libres penseurs qui choisissent leur destinée. Par contre, Padura leur fait payer cher leur liberté, ils meurent dans des circonstances pénibles liées à leur choix. Padura nous parle aussi de la liberté avec humour en abordant celle de Basura II le chien de Mario Conde et également à l’égard du mariage mis de côté conjointement par Tamara et Conde. Il y aussi beaucoup de réflexions autour des religions et de l’existence d’un Dieu. Beaucoup d’information au sujet de la vie des juifs à différentes époques. Ça en fait une lecture très instructive, mais il y a justement, à mon avis, trop de choses d’abordées, on s’y perd.
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Mãn

Par Kim Thúy
(4,2)
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Il y a quelques jours j’ai complété la lecture de « Mãn », un roman de Kim Thuy. Ce roman donne la parole à Mãn, c’est elle qui nous raconte son histoire. Sa mère adolescente l’a laissé à la porte d’un monastère bouddhiste, elle a été recueillie puis nourrit au sein d’une voisine et finalement élevée par celle qu’elle appellera maman. On se rend compte bien vite que nous sommes dans une histoire de femmes où l’on pourra constater tout les sens du mot « amour». Le lecteur entre dans la vie de Mãn, on la voit grandir, la guerre entre le nord et le sud du Vietnam est évoquée. Elle apprend à cuisiner en silence avec les femmes qui l’entourent. Elle sera promise puis mariée à un homme qu’elle ne connaît pas vraiment comme le veut la coutume des mariages arrangés. Mãn va rejoindre son mari au Canada. Ce dernier a démarré un petit restaurant vietnamien. La clientèle y est essentiellement d’origine vietnamienne, elle recherche les saveurs du pays, les souvenirs évoqués par la nourriture. Elle travaille de longues heures et prend en main le fonctionnement du restaurant. Convaincu que c’est par la cuisine que s’exprime le mieux l’amour de son prochain, elle tente créer du bonheur auprès de sa clientèle. Mãn et Julie se rencontrent, mère adoptive d’un enfant vietnamien, elle fréquente régulièrement le restaurant. Julie est une femme extravertie, tout le contraire de Mãn. Elles deviennent des amies inséparables. Cette amie créative décide d’organiser des événements artistiques autour de la cuisine vietnamienne préparée par Mãn. Julie apprend à son amie à s’ouvrir davantage. Puis le succès de ces activités transforme la «cuisinière» en «chef». Son nouveau statut de «chef» l’amène à se rendre à Paris. Elle y fera la rencontre de Luc qui lui fera découvrir une émotion qu’elle ne connaissait pas, l’amour d’un homme. Il l’aidera également à regarder son corps, à constater qu’elle est belle. Ainsi, dans cette suite de courts chapitres portant chacun un titre en vietnamien, Kim Thuy réussit à évoquer la violence de la guerre, le déchirement de l’exil migratoire, l’amitié sincère et l’amour passion! Au surplus, on découvre quelques plats traditionnels aux saveurs de son pays d’origine. Ce qui a amené Kim Thuy à publier «Le secret des Vietnamiennes», un livre de recettes assaisonné d’anecdotes associées à sa vie et à ses romans.
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Shuggie Bain

Par Douglas Stuart
(4,66)
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Le roman «Shuggie Bain» (2020/2021) de Douglas Stuart, un Écossais, a été récompensé par le Booker Prize en 2020. Il s'agit d'un roman en partie autobiographique qu'il a rédigé sur une période de dix ans et qui faisait au départ près de 1000 pages. Son éditeur l'a aidé à couper ça de moitié, ce qui lui a probablement permis de rédiger son deuxième livre «Mungo» (2023) assez rapidement. Ce récit se déroule dans les années 1980, au sein de quartiers pauvres de Glasgow, en Écosse. Nous nous retrouvons dans une période économique désastreuse pour Glasgow, des dizaines de milliers de mineurs et d'ouvriers se sont retrouvés au chômage, ce qui a entraîné la fermeture de centaines de commerces. C'est ainsi que dans une atmosphère de misère que l'auteur nous raconte la vie de Hugh «Shuggie» Bain à partir de ses 5 ans jusqu'à ses 16 ans. Bien entendu, il est beaucoup question de sa famille et surtout de sa mère Agnes, une femme au foyer, la norme catholique dans ce milieu, aux prises avec de sérieux problèmes d’alcoolisme. Leurs aventures sont divisées selon leurs déménagements d'un quartier pauvre à l'autre de Glasgow. Le roman débute avec une Agnes qui a déjà deux enfants, Catherine et Leek (Alexander), elle va se marier avec Shug, un chauffeur de taxi Casanova, avec qui elle aura son fils Hugh notre Shuggie. Dans la dèche, le couple devra aménager chez les parents d'Agnes dans le quartier Sighthill. Imaginer, ils vont y demeurer 5 ou 6 ans avant de quitter pour une petite maison «municipale» avec une porte d'entrée privée dans le quartier Pithead. L'essentiel du roman se déroule dans ce quartier noir charbon puisqu'il est accolé à une mine abandonnée. C'est très loin des espoirs d'Agnes auquel Shug ajoutera une couche de désespoir en la quittant subitement sur le palier de l'entrée. Catherine ayant déjà quitté le bateau familial, Agnes se retrouve seule avec ses fils Leek et Shuggie, sa bière, sa vodka, et les maigres allocations gouvernementales. Le lecteur vit avec eux le quotidien de cette vie de misère ou les rapports humains sont durs tout en étant remplis d'amour. Agnes tient sa maison propre, elle est toujours maquillée et bien habillée avant de sombrer dans l'ivresse pour oublier. Leek se fait le plus invisible possible, il travaille pour réaliser son rêve d'entrée à l'école des arts. Alors que Shuggie jongle avec l’alcoolisme de sa mère, la découverte de son homosexualité, l'intimidation qui l'accompagne et la faim qui le tenaille. Ce que l'auteur nous raconte est d'une infinie tristesse, mais tout à la fois tendre. Shuggie veut que sa mère guérisse et il est prêt à tout pour y arriver. Il aime profondément sa mère et elle l'aime aussi, malgré ses colères d'ivrogne privé de sa dose d'alcool. On observe cette relation intime remplie de bienveillance, lorsque Shuggie lui essuie la bouche, lui enlève ses souliers, ses collants et détache le soutien-gorge de sa mère pour qu'elle puisse cuver son alcool confortablement dans son fauteuil préféré. Leek et Shuggie vont «combattre» l'alcoolisme et les tentatives de suicide de leur mère dans la misère ambiante de Pithead. Ils n'auront qu'une seule année de répit où Agnes fréquentait les AA, c'était trouvé un travail et un nouvel amant fréquentable. Malheureusement, Eugene, l'amant romantique était convaincu que l'alcoolisme se guérissait facilement et qu'Agnes pouvait recommencer à boire sans danger de rechute. Agnes s'enfonça encore plus profondément dans la spirale infernale de l'alcoolisme. Elle entreprit de recommencer une nouvelle vie ailleurs avec Shuggie puisqu'elle avait maintenant réussi à pousser Leek vers la sortie. C'est le quartier East End qui les verra atterrir dans un minuscule appartement, puis la nouvelle vie promise à Shuggie n'aura été qu'un mensonge comme toutes les autres promesses d'ivrognes. C'est aussi dans ce quartier qu'on assistera à sa mort dans son fauteuil préféré, sa maladie aura fini par la tuer alors que Shuggie a passé ses 15 ans. C'est impressionnant comment on peut arriver à écrire un excellent roman avec les détails de la vie quotidienne d'une famille démunie confrontée à une dépendance qui prend toute la place. Il s'y trouve un équilibre difficile à décrire entre l'espoir, la désillusion, le courage, la lâcheté, l'indifférence et la compassion, à chaque tournant l'amour filial prend le dessus. En prime, le lecteur est immergé dans le réalisme de cette vie ouvrière miséreuse dans le Glasgow des années 1980. Il ne fait pas soleil souvent dans ce roman, mais c’est une œuvre à lire si vous en avez le courage.
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Au commencement était le poisson

Par Neil H. Shubin et Yves Coppens
(3,0)
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Au commencement était le poisson (2009) de Neil Shubin chez Robert-Laffont, 256 pages, une traduction de «Your Inner Fish: A Journey Into The 3.5-billion-year History Of The Human Body» (2008), Pantheon Books, 232 pages Neil Shubin est un des paléontologues qui a trouvé, en 2006 au Nunavut (Canada), le fossile d'un animal primitif vieux de 375 millions d’années. En collaboration avec les Inuits de la région, les chercheurs l'ont nommé Tiktaalik. C'est une découverte importante puisqu'il s'agit d'une sorte de chaînon manquant entre les poissons et les amphibiens. Ce fossile est un représentant de la transition entre la vie aquatique et la vie terrestre. Cet animal, un mélange de poisson et d'alligator, possédait des nageoires, des poignets et des doigts qui lui permettaient de sortir de l'eau et de se mouvoir à l'air libre. Il est un argument de poids pour affirmer que nos mains furent autrefois des nageoires de poissons tout comme les ailes des oiseaux. Ainsi, au début du livre, Shubin nous relate les différentes étapes de cette découverte qui viendra confirmer leur hypothèse. On y a apprend ce à quoi peut ressembler le travail des paléontologues, qu'il s'agisse de la portion «bureau» ou encore des péripéties de la recherche sur le terrain généralement inhospitalité. Bien que les lieux des recherches soient choisis à la lumière des connaissances scientifiques accumulées, il y a toujours une grande part de hasard et de chance dans ce genre de découverte. Par la suite, l'auteur nous démontre en utilisant les dernières recherches en génomique que le développement d’un squelette ou d'un système nerveux central est similaire chez plusieurs êtres vivants bien qu'ils soient très différents. De plus, il nous explique que les embryons d'espèces différentes sont similaires jusqu'à un stade crucial qui décide de leur évolution vers un corps particulier. On y apprend également que nos sens (vision, audition et odorat) ont évolué à partir d'un génome qui a encore beaucoup de familiarité avec celui de nos ancêtres aquatiques et s'apparente aussi à ceux du requin, de la drosophile ou même d'une méduse. Shubin va encore plus loin, notre génome est encore très proche de celui des bactéries apparues il y a trois milliards d’années, des bactéries qui ont aussi muté vers des organismes unicellulaires puis multicellulaires qui eux ont mené à des formes de vies primitives donnant naissance aux poissons dont une partie a évolué vers les amphibiens... On comprend tout au long de sa démonstration que tous les terriens sont le résultat d'un même processus biologique qui s'est raffiné de million d'années en million d'années et ce n'est pas de la science-fiction. Toutefois, en conclusion, Shubin évoque que cette suite interminable de mutations est probablement la source de certaines maladies plus ou moins graves chez l’humain. Une lecture des plus intéressantes, mais qui demande tout de même un effort de la part du lecteur puisque les notions de biologie, d'anatomie et de génomique sont nombreuses malgré les talents de vulgarisateur de Shubin.
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Le mage du Kremlin

Par Giuliano Da Empoli
(4,25)
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La lecture de «Le mage du Kremlin» (2022) de Giuliano Da Empoli m'a laissé sur ma faim. Je m'attendais probablement a plus au sujet des motivations de Poutine à l'égard de sa direction de la Fédération de Russie depuis 20 ans. Je n'avais pas réalisé qu'il était là depuis si longtemps... Ce roman, qui s'apparente à un récit journalistique, donne la parole à Vadim Baranov, le narrateur, un personnage largement inspiré de Vladislav Sourkov qui a effectivement été conseiller de Vladimir Poutine pendant 20 ans. C'est ainsi qu'en nous rappelant quelques événements réels survenus en Russie pendant la même période, Da Empoli tente de nous faire comprendre la pensée du «mage du Kremlin» et par de là celle de Poutine qui est passée d'espion au KGB à premier ministre puis à Président de la Russie. L'auteur aborde également les perceptions du peuple russe, son attitude face aux événements et aux actions de ses dirigeants. Baranov parle de Poutine en l'appelant le Tsar, on peut y comprendre que l'image est évocatrice et que ça faisait plus joli que «le dictateur». On y apprend notamment que la principale motivation de Poutine est de redonner sa grandeur à la Fédération de Russie aux yeux des Occidentaux et du monde. Le démantèlement de l'URSS est considéré comme l'humiliation ultime et pour lui, et bien des Russes, Staline est un héros. Baranov et Poutine parlent de la mise en place (ou remise en place) de la «verticalité du pouvoir» qui signifie: la centralisation du pouvoir, sa concentration, la domination et la nomination de «fidéles» (essentiellement des anciens collègues du KGB). Ils évoquent également la notion de «démocratie souveraine» dont le sens est plutôt obscur, dans les faits, cette idée veut dire quelque chose comme : laissez-nous mener notre démocratie comme nous l'entendons! En parlant de la guerre du Donbass débutée en 2014, voici ce que dit Baranov: « Que veux-tu que la Russie fasse avec deux régions de plus? On a repris la Crimée parce qu’elle était à nous, mais ici le but est différent. Ici notre objectif n’est pas la conquête, c’est le chaos. Toutle monde doit voir que la révolution orange a précipité l’Ukraine dans l’anarchie. Quand on commet l’erreur de se confier aux Occidentaux, cela finit ainsi : ceux qui te laisseront tomber à la première difficulté et tu restes tout seul face à un pays détruit. […..] L’importance de vos actions sur le champ de bataille ne se mesure pas aux villes que vous prenez, elle se mesure aux cerveaux que vous conquérez. » (P. 247) Plusieurs dirigeants dans le monde ont assimilé cette idée qu'il faut «créer le chaos pour mieux régner»! Cet ouvrage se lit facilement, l'écriture est directe et claire, le texte est plein d'images évocatrices, le tout avec une petite touche d'humour. Seul le chapitre 30 semble sortir de nulle part, Da Empoli aurait dû en faire un épilogue ou quelque chose du genre. Certes dans le contexte actuel ce roman est très intéressant, d'où sa popularité. Le roman a été écrit avant l'invasion de l'Ukraine, mais après que Da Empoli ait rédigé son essai qui nous l'a fait connaître, «Les Ingénieurs du chaos» (2019) qui aborde le rôle des «spin doctors» comme Baranov ou Steve Bannon qui animent les mouvements populistes dans le monde entier. Il faut également savoir que l'auteur a lui-même été conseiller politique en Italie.
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L'énigme de l'anguille et autres bizarreries animales

Par Lucy Cooke
(4,0)
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Le livre «L’énigme de l’anguille et autres bizarreries animales» (2017 / 2021) de Lucy Cooke est en quelque sorte un récit de l’histoire naturelle du monde qui utilise quelques animaux particuliers pour amener le sujet. Ce qu’on y apprend sur ces animaux est fascinant, étonnant et drôle. Certains des phénomènes curieux présentés sont très connus d’autres moins. Cooke présente treize espèces en autant de chapitres de vingt à trente pages chacun. Voici la liste de son bestiaire : l’anguille, le castor, le paresseux, la hyène, le vautour, la chauve-souris, la grenouille, la cigogne, l’hippopotame, l’orignal, le panda, le manchot et le chimpanzé. L’énigme de l’anguille relève de la méconnaissance de sa méthode de reproduction et de l’endroit où elle se reproduit. Dans le cas du castor, il est bien sûr question de ses capacités de construction. À une certaine époque, un auteur avait établi qu’il y avait une hiérarchie chez les castors, les ouvriers, les maçons, les contremaîtres, les architectes… On y apprend qu’un simple son de ruisseau émis par un haut-parleur va inciter le castor à empiler des branches prés de la source du son, c’est inné! Quant au paresseux, il est vraiment lent, son processus de digestion et tout son métabolisme sont très lent. Malgré sa fourrure il n’a pas chaud parce qu’il peut justement réduire sa température. En prime, il y a une micro «faune» qui vit dans sa fourrure. Pour la hyène aussi la méthode de reproduction soulève la curiosité et des interrogations. La femelle étant pourvue d’un «pseudo-pénis», il y a eu de la confusion chez les naturalistes. D’autant que la meute fonctionne en matriarcat, c’est une femelle dominante qui dirige la troupe. Pour le vautour, Cooke reprend la controverse autour de l’odorat de ce rapace qui dura plus de cent ans. Fait bizarre, on a voulu faire des vautours des chercheurs de cadavre dans le cadre d’enquêtes criminelles, ça n’a pas fonctionné. Bien sûr les chauves-souris mènent tout droit à des histoires de Dracula, par contre la question de la découverte de l’écholocalisation a fait l’objet de beaucoup de recherche avant d’être confirmée. La grenouille géante que cherche Cooke se trouve au lac Titicaca et Cousteau aurait été un des premiers à l’observer. Finalement, ils n’étaient pas si gros que cela soit les grenouilles en question. Par contre, dans ce chapitre il est aussi question du crapaud le Xénope du Cap (Xenopus laevis), originaire d’Afrique du Sud qui dans les années 1940 à 1950 servait pour les tests de grossesse! Aujourd’hui ce crapaud se retrouve presque partout sur la planète et il est considéré comme une espèce envahissante nuisible qui a contribué à faire disparaître des dizaines d’espèces d’amphibiens dans le monde. Je vais arrêter ici mon énumération pour ne pas dévoiler toutes les histoires racontées par Cooke. Il est certain que vous serez surpris et étonné en lisant ce livre. C’est un bouquin qui peut se lire par étapes, un chapitre à la fois dans l’ordre ou le désordre, vous serez toujours renversé par l’incrédulité des humains.
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Klara et le soleil

Par Kazuo Ishiguro
(4,25)
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Dans «Klara et le soleil» (2021) de Kazuo Ishiguro, Klara est un robot de type B2 de 4e génération qui fait face à l’arrivée des nouveaux B3 dans son rôle de «AA», un acronyme utilisé pour «Amis Artificiels». On peut dire qu’il s’agit d’un roman d’anticipation, mais dans un espace temporel réduit puisque nous serons bientôt confrontés à ce genre de robot. L’histoire de la famille de Josie et de Klara, son AA, se déroule dans une banlieue anonyme. En fait, le lieu et l’année ne seront jamais mentionnés. Dans ce monde, la technologie occupe un peu plus de place qu’aujourd’hui. Les enfants ne semblent plus aller à l'école, ils sont formés en ligne. Puis, si les parents en ont les moyens, ils grandissent avec leurs AA. Le robot AA doit notamment faire en sorte que l’enfant ne se sente jamais seul. Ainsi, ils vont participer à leur éducation, ils vont les distraire et ils vont apprendre à les connaître pour bien veiller sur eux. C’est Klara la narratrice, donc dès le début du roman elle nous parle de son point de vue, celle d’un objet électronique dans une vitrine de magasin qui attend d’être vendu pour accompagner un jeune adolescent. Par contre, Klara est plus curieuse et observatrice que la moyenne des AA de sa génération. Elle observe beaucoup les passants et tente de comprendre leurs réactions que l’on nomme des «émotions» comme la joie, la tristesse, la peur, etc. Josie avait déjà remarqué Klara dans le magasin, mais elle a mis du temps à convaincre sa mère qui l’a finalement achetée. Chrissie, la mère de cette jeune adolescente malade dont la sœur est décédée, avait un plan secret en tête qui nous sera dévoilé que beaucoup plus tard. Klara découvre son nouvel environnement et les personnages qui le composent. La mère, la femme de ménage, le jeune voisin et sa mère, le père de Josie et le mystérieux portraitiste M. Capaldi. Elle va également découvrir ce qu’est «le dehors», l’eau, l’air, le vent, le sol et ses textures. Klara va apprendre beaucoup sur les relations entre les humains, notamment lors de ces «rencontres d’interactions» auxquelles les jeunes doivent être exposés pour se familiariser avec la socialisation. Josie est de plus en plus malade et Klara en vient à établir un pacte avec le soleil. Elle est convaincue qu’une grande dose de «nutriment» du soleil viendra guérir Josie. Comme lecteur, je voulais croire à cet espoir impossible. En pleine fable de fiction technologique, Ishiguro insère cet élément métaphysique qui pourrait faire décrocher certains lecteurs. Puis Klara finit par comprendre le plan secret de la mère de Josie, la vraie raison pour laquelle elle avait été achetée. Elle doit rapidement mettre en œuvre les éléments de son pacte avec le soleil et le père de Josie, tout comme Rick, va l’aider à le réaliser. C’est un roman qui démarre lentement, mais qui s’accélère plus l’histoire avance. Ainsi, par une journée ensoleillée, plusieurs des membres de l’entourage de Josie assisteront à cette étrange exposition au soleil qui la guérira de sa mystérieuse maladie. À partir de ce moment, le plan secret de la mère de Josie devient caduc. Elle n’aura pas à remplacer Josie par une Klara recouverte d’une enveloppe reproduisant parfaitement sa fille. Josie se transforme en jeune femme, son amour/amitié pour Rick aussi. Elle se prépare à quitter la maison pour l’université. Klara comprend qu’elle ne sera plus utile et M. Capaldi souhaite la récupérer pour démontrer qu’elle n’est qu’un ensemble de pièces. La mère de Josie si oppose et Klara terminera sa vie dans une cour de «Serpuariens» où sa gérante de magasin viendra lui faire jasette. Ishiguro a fait l’économie de grands discours philosophiques, mais il sème des pistes de réflexions ici et là qu’on ne voit pas toujours au premier coup d’œil. Bien entendu, à la base, il est ici question d’intelligence artificielle et des robots humanoïdes qui sont de plus en plus performants. Ce qui soulève cette question d’actualité : Peut-on remplacer l'humain par la machine? Qu’est-ce qui nous rend uniques? Voilà pourquoi dans ce roman notre humanité est mise de l’avant et pas toujours dans ces facettes les plus nobles. Le personnage du père de Josie soulève toute la question de notre rapport au travail, lui qui comme ingénieur a été remplacé par l’intelligence artificielle. Puis, comment peut-il être heureux après avoir perdu son emploi? Le point de vue de Klara permet de constater la complexité des relations humaines, les multiples masques de l’humain selon les contextes. Toutes les relations mises de l’avant dans le roman semblent difficiles. La relation entre Josie et Rick est importante et expose l’aspect «particulier» des amours/amitiés à cet âge. La question de l’éducation des enfants devant l’envahissement des technologies m’apparaît également comme une thématique que voulait probablement soulever l’auteur. Ishiguro croit en l’intelligence de ses lecteurs et ne proposant pas de réponses toutes faites. J’ai bien aimé ce conte futuriste, un peu léger qui finit bien et qui nous laisse avec le sentiment de vouloir exploiter davantage notre humanité «positive» pour faire la preuve que l’on vaut plus qu’un robot.
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Les dépossédés du Vieux-Hull

Par Pierre Pelletier
(3,33)
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Ce livre «Les dépossédés du Vieux-Hull» (2020) de Pierre Raphaël Pelletier est, pourrait-on dire, inclassable en matière de genre littéraire. Il nous est présenté comme un «récit poétique», mais encore? On ne peut pas dire que c'est un roman, il s'agit d'un récit qui s'apparente plus à une forme de journal fictif auquel l'auteur a greffé des faits historiques le tout entrecoupé de poèmes, une drôle de bébitte littéraire! Bien sûr, il y est question des expropriations forcées pour de pinottes et de la destruction du Vieux-Hull entre 1969 et 1974. L'auteur y voit une volonté de faire «disparaître» la pauvreté en la repoussant ailleurs et une façon d'attacher le Québec à Confédération canadienne face à la montée du nationalisme québécois, mais tout cela n'occupe que quelques pages dans cette plaquette de 130 pages. Le récit s'attarde sur une famille qui pourrait être celle de l'auteur. C'est divertissant, il y a quelques bonnes idées qui le plus souvent demeurent sans suite. Ainsi, le frère du narrateur va manifester contre les expropriations devant l'hôtel de ville (qui finira par brûlé un peu plus tard!) et il se fait tabasser par la police municipale. Il se retrouve dans le coma à l'hôpital pour finalement en sortir avec quelques séquelles puis plus rien, il n'est est plus question par la suite. Les soirées de poésie dans un entrepôt désaffecté auraient aussi pu nous amener quelque part. Il y est question de la grand-mère qui décède, de la mère qui gère toute la maisonnée et qui voie sa santé diminué à cause de ce nouveau diagnostic de la maladie d'Alzheimer, du père qui fini par prendre une retraite plus ou moins forcée de la fonction publique et qui se retrouve malade quelques semaines plus tard. Finalement, les enfants se dispersent dans tout le Québec et ailleurs pour se perdre plus ou moins de vue. Ce n'est donc pas très rigolo... Voilà qu'à la toute fin l'auteur nous envoie dans son épilogue un long poème intitulé «Rue Principale» qui vient jouer dans la tête de tout ceux et celles qui connaissent le Vieux-Hull.
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Clan du sorgho rouge(Le)

Par MoYan
(3,0)
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Je vous présente mon compte rendu du roman «Le Clan du Sorgho rouge» (1986/2014) de Mo Yan, un auteur chinois qui s’est mérité le prix Nobel de littérature 2012 pour l’ensemble de son œuvre. Ce roman est son premier à avoir connu du succès et il a aussi fait l’objet d’un film. Le récit se déroule autour de Gaomi, la ville natale de l’auteur, dans la province de Shandong au nord-est de la Chine près de la mer Jaune. Les personnages se retrouvent dans un contexte historique absolument affreux; la chine est en pleine guerre civile, les troupes communistes combattent les nationalistes du Kuomintang (combats débutés en 1927), l’empire japonais a envahi cette péninsule de la Chine en 1937, c’est la Deuxième Guerre dite sino-japonaise et les paysans sont aux prises avec des bandes de bandits armées. C’est dans ce fouillis où les membres de ces quatre «entités» s’entretuent tout en pouvant former des alliances inconcevables que vont tenter de survivre nos personnages principaux : le Grand-père (Yu Zhan’ao), la Grand-mère (Dai Fenglian) et le père (Douguan) de Mo Yan. Ainsi, ce roman est en grande partie historique et autobiographique puisqu’il retrace les évènements liés à la saga familiale de l’auteur décrite sur deux ou trois générations (approximativement de 1920 à 1940). Les événements dont Mo Yan nous fait le récit sont très rarement heureux. Il y est surtout question de violence dans tous les sens que ce mot peut prendre. Il y a des batailles, des incendies, des combats, de la torture, des sévices, des viols, des massacres, des corps en décomposition et cette violence est décrite de façon crue, sans détour. Il y a donc beaucoup de détails sanguinolents dans ce roman. C’est bien évidemment ce qu’exprime le rouge du sorgho dans le titre et dans la narration. Par exemple, il y a l’embuscade contre les japonais, la Grand-mère sera la première a se faire tuer, Mo Yan nous décrit les trous dans son corps, le sang rouge sur sa chemise blanche… Puis, il poursuivra en s’attardant à nous décrire les blessures de chacun avec moult détails comme pour ce paysan dont Yu tente de faire tenir les intestins à l’intérieur de son corps en appliquant de grandes feuilles vertes... Il y a le mariage forcé de la Grand-mère à un lépreux riche. Nouveau marié qui sera aussitôt assassiné avec son père par le nouvel amant de la mariée... Il y a pire, le boucher que l’on forcera a écorché un villageois exactement comme il vient de le faire en enlevant la peau d’une chèvre... Donc, c’est cru, mais tout cela ne fait qu’exprimer et décrire une réalité que nous connaissons mal, les horreurs de la guerre. À cela s’ajoute la dureté de la vie rurale dans un contexte de famine. Les paysans se battent pour survivre!!! Le moins que l’on puisse dire , c’est que la lecture de ce roman demande de la concentration (et/ou de l’abandon…) car le narrateur ne se soucie pas vraiment de la chronologie. Il passe d’une époque à l’autre sans nous avertir. Il revient sur des événements en les abordant différemment, ce qui en soi peut-être intéressants. En fait, on a l’impression qu’il s’agit de nouvelles qui ont été rassemblées dans le même bouquin. Après vérification, c’est effectivement le cas. Il s’agit de cinq histoires indépendantes bien qu’elles puissent reprendre des éléments de l’une et l’autre. Elles ont d’abord été publiées séparément en 1985 et 1986 dans un magazine chinois puis la première histoire a été traduite en français, en 1990, et les quatre autres en 2014. D'autre part, le fait de nommer les personnages principaux, «Grand-mère», «Grand-père» et «mon père» peut semer la confusion. Puisque son père peut parfois parler de sa mère et de son père et il est aussi question des arrière-grands-parents. À un moment donné, on ne sait plus de qui il parle. Par contre, on se rend vite compte que le style d’écriture de Mo Yan est particulier puisque même dans la description de cette cruauté il introduit des analogies généralement liées à la nature qui adoucissent l’horreur qui nous est exposée. Ça va loin puisqu’à quelques reprises, on constate que le sorgho prend vie. Il pose des gestes et il a des sentiments. Il en va de même lorsqu’il décrit l’ambiance ou les émotions des personnages. La nature, du plus petit insecte à la plus grande montagne, occupe une place importante dans le roman. Quoique la multiplication des descriptions et leur longueur peut devenir encombrantes. Bien qu’il s’agissait d’une lecture assez difficile, à déconseiller aux âmes sensibles, j’ai tout de même apprécié. Son rapport à la nature m’a plu. Pour prendre contact avec l’œuvre de Mo Yan, je vous suggère de lire un autre titre comme «Grenouille».
Robert Allie a commenté et noté ce livre

Mystérieuse histoire du nom des oiseaux

Par Henriette WALTER, Pierre Avenas et Pierre Avenas
(3,0)
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Je viens de terminer la lecture de «La mystérieuse histoire du nom des oiseaux - Du minuscule roitelet à l'Albatros géant» écrit par Henriette Walter et Pierre Avenas, un gros bouquin de 375 pages qui traite de 262 noms d'oiseaux. Ils ont choisi leurs noms d'oiseaux à explorer dans la mesure où ceux-ci figuraient dans trois dictionnaires français courants, soit le Larousse, le Robert et le Hachette. Ainsi les auteurs nous décrivent l'origine de ces noms d'oiseaux en prenant en considération plusieurs éléments, dont les noms de ces oiseaux dans d'autres langues, notamment l'italien, l'espagnol, l'anglais et l'allemand . Il considère également les écrits des naturalistes d’Aristote et Pline l'ancien jusqu'à Linné, Cuvier et Buffon de son vrai nom Georges-Louis Leclerc. D’ailleurs, les auteurs reviennent souvent sur les remarques de Buffon à l’égard du travail de Linné dans l’attribution des noms d’oiseaux bien entendu. L'ouvrage est divisé en 19 chapitres qui représentent autant de façons d'aborder l'origine des noms d'oiseaux. Ainsi certains noms proviennent d'une autre langue ancienne comme le latin, le grec, le breton, le normand, le Celte, etc. Par contre, beaucoup de noms d'oiseaux sont liés à d'autres choses comme les sons, leur comportement, des formes, des couleurs ou une région géographique. La longueur des textes consacrés à chaque nom d’oiseau est très variable, certains font l’objet d’un seul paragraphe alors que d'autres bénéficient de quelques pages de commentaires et remarques. Les auteurs ont également agrémenté leur texte d'encadrés intitulés «Récréation» avec lesquels ils se permettent, sous forme de quiz, de s'éloigner légèrement du sujet principal de façon rigolote. Comme je le mentionnais au départ, le livre de Walker et Avenas n’aborde que 262 types de nom alors qu’il y a plus de 10 000 espèces d’oiseaux. Sans compter qu’il y a un chapitre sur les noms dont l'origine demeure inconnue comme souchet et harle! Je vous entends vous interroger, d’où vient le nom de tel ou tel oiseau? Eh bien, vous avez des pistes de recherche bien documentées dans ce bouquin. C’est un livre de référence intéressant à consulter selon votre curiosité.
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Oiseau et ses sens (L')

Par Tim Birkhead et Allain Bougrain-Dubourg
(4,0)
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Tim Birkhead est un prof d’université, un ornithologue et un vulgarisateur scientifique de renom. Birkhead, muni de ses expériences personnelles avec les oiseaux, retrace l'évolution des connaissances sur les oiseaux surtout à la lumière des dernières années qui nous ont fait progresser à la vitesse grand V grâce au développement des technologies. Il a choisi de faire le tour de ces connaissances scientifiques accumulées par le biais des sens. Il nous fait découvrir ce que nous savons de la nature biologique du sens en lui-même et comment ceux-ci sont utilisés par les oiseaux dans leur environnement et leurs interactions. Ainsi, dans «Bird Sense» il aborde les cinq sens; la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l'odorat, auxquels il ajoute le magnétisme et les émotions, ce qui nous donne sept chapitres fort intéressants. Birkhead fait souvent référence à l’humain pour nous aider à comprendre l’aspect incroyable ou fantastique des sens et des comportements des oiseaux. Ses explications impliquent également l’histoire de la science en exposant les premières croyances, le renversement de mythes et les découvertes scientifiques plus récentes. D’autre part, l’auteur utilise sciemment, probablement afin de maintenir l’attention du lecteur, des exemples d’espèces d’oiseaux dotés de capacités extrêmes. Après six chapitres sur les sens, Birkhead aborde le septième et dernier chapitre en parlant des émotions aviaires... Est-ce qu’ils ressentent la douleur? Est-ce qu’il y a de l’amour d’impliqué chez les espèces considérées comme monogames? Est-ce que des émotions pourraient être ressenties dans des cas d’infidélité aviaire? Certains comportements ont été associés au deuil, est-ce uniquement de l’anthropomorphisme ou des émotions sont impliquées? Ce dernier chapitre nous entraîne dans le domaine le plus méconnu de tous. Après nous avoir appris tant de choses, Birkhead, pour toute réponse à ces questions, nous dit «Je vous laisse décider». Son impression, c’est que les oiseaux éprouvent quelque chose… Dans ce bouquin, Birkhead nous fait bénéficier de sa compréhension unique des oiseaux. Ainsi, en combinant ses expériences terrain, la richesse des faits scientifiques et son talent de conteur, il réussit à nous en apprendre énormément au sujet de ce que c’est que d’être un oiseau. C’est un livre fascinant qui nous rappelle également nos responsabilités à l’égard de ces êtres vivants qui volent. Le livre est illustré par Katrina Van Grouw qui a inséré un dessin explicatif au début de chaque chapitre.
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Têtes de linotte?

Par Louis Lefebvre
(4,0)
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Du bon usage des étoiles

Par Dominique Fortier
(4,38)
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J’ai lu le premier roman de Dominique Fortier, «Du bon usage des étoiles» paru en 2008. Il s’agit d’un roman inspiré de la dernière expédition dans le Grand Nord canadien de John Franklin impliquant les navires Terror et Erebus (les épaves ont été retrouvées en 2014 et 2916). En mai 1845, les deux navires sous son commandement partent à la recherche du passage du Nord-Ouest avec cent trente-trois hommes à bord. En principe, ils disposent de provisions pour trois ans et de bateaux solides disposant de chauffage. Malgré cela, l’hiver venu, les deux navires se retrouvent coincés dans les glaces de façon inattendue et beaucoup plus longtemps que prévu... C’est là que le roman prend toute son ampleur, il raconte le temps qui passe pendant cette immobilité oppressante et cruelle dont Francis Crozier, le commandant du Terror, nous fait part dans son journal. Il nous parle du beau et surtout du laid. Dans le même souffle, son esprit ne peut cesser de pensée à Sophia Cracroft son amour inavoué. C’est ce qui permet à Fortier de mettre en scène ces femmes, Sophia et sa tante Jane Franklin, la femme de John, qui vivent à Londres. Ainsi, nous avons le pouls de ce qui se passe à Londres où l’inquiétude monte en dépit des thés d’après-midi, des réceptions et des bals de fin de soirée. Malgré les mondanités, Jane, elle-même une grande voyageuse, femme de tête intelligente, aimerait bien recevoir de nouvelles de l’expédition. Tous les soirs, elle écrit de longues lettres à son mari en espérant que mystérieusement les mots se rendent jusqu’à lui. Il y a maintenant longtemps qu’un autre navire les a aperçus... Cette trame narrative secondaire qui se déroule en parallèle nous permet de souffler et d’absorber le drame qui se déroule sous nos yeux. Les hommes meurent l’un après l’autre, John Franklin succombe également à la maladie, ce qui a pour conséquence de placer Crozier, notre personnage principal en charge de l’expédition. Lui qui est plutôt timide, curieux, amant de la nature qui l’entoure se voit contraint de passer en mode survie… Jane réussira à obtenir une expédition de recherche mise en place au printemps 1848. Les navires et leur équipage ne seront pas retrouvés, sauf quelques artéfacts témoins de leur passage. Ce roman touche au journal, au récit d’aventures, et flirte avec l’histoire et la science (magnétisme, astronomie, météorologie, etc.). Une belle fiction historique basée sur un fait vécu qui met en évidence deux mondes, deux ambiances, complètement opposés; la tragédie et la frivolité. Fortier a trouvé le moyen de mettre en place des personnages féminins forts, malgré la place qui leur était réservée au 19e siècle. On prend plaisir à lire sa plume, elle réussit à nous faire sourire malgré le drame qui se joue. Un autre roman à ajouter dans la pile «à lire»…
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Mémoires d'Hadrien

Par Marguerite Yourcenar
(4,33)
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En ce qui concerne «Mémoires d'Hadrien» de Marguerite Yourcenar (petite parenthèse anecdotique; j'écris tout le temps Hadrien pas de H et je me demande tout le temps si le nom de Marguerite est Youcenar ou Yourcenar...le R m'embête!), on s'entend qu'il s'agit d'un roman historique qui s'apparente à une biographie à la fois réelle et fictive. Je ne suis pas un grand amateur de biographie. Mais comme le roman est écrit au «Je» et qu'il se présente comme une lettre rédigée par Hadrien qui s'adresse à son petit-fils Marc-Aurèle, ça donne une dynamique plus intéressante. Il tente de lui donner des conseils à la lumière de ses expériences. Ce n'est pas un livre qui se résume facilement puisqu'il faudrait refaire l'histoire de la vie d'Hadrien. L'histoire semble avoir retenu qu'il a été un bon empereur. C'est une œuvre colossale par la recherche nécessaire pour obtenir et valider autant de détails historiques. La plume de Yourcenar est agréable à lire, on n’accroche pas en cours de route. De prime abord, j'ai remarqué la place accordée à la mort, parfois violente; on tue pour régler des problèmes potentiels. Le suicide revient aussi et l'homosexualité est également bien présente. C'est bien rigolo de lire cela dans le contexte actuel où notre monde moderne est aux prises avec des questions au sujet de l'identité de genre. Je suis content de l'avoir lu, mais ça ne m'a pas trop emballé. Une faible cote, parce qu'il n'y a pas eu d'émotions, de frissons, ou quelque chose du genre.