Il y a un rapport fondamental dans l’œuvre de Foucault entre résistance politique et expérience de l’anonymat. Ce rapport est demeuré peu exploré, en particulier dans le contexte de sa réception nord-américaine. Difficile d’en expliquer le pourquoi. On peut certainement supposer que la célébration de la « différence » et le triomphe de la politique de l’identité ont fortement contribué à l’occultation de cette dimension fondamentale de son œuvre. Plusieurs critiques ont souligné l’ambivalence du lieu de la résistance chez Foucault. Il en était sans doute parfaitement conscient. Pour lui, il n’y a pas « d’ailleurs » du pouvoir, au sens d’un dehors comme d’une exception. Chez Foucault, la résistance est une mise en tension éthopoïétique et elle déchire l’intériorité privée. Cet essai formule l’hypothèse suivante : dans la mesure où notre époque est, selon Foucault, dominée par le « gouvernement par individualisation », ne faut-il pas trouver le point de départ de ses analyses, si celles-ci sont effectivement ancrées dans la résistance, dans une expérience de l’anonymat? Si tel est le cas, le défi essentiel que pose aujourd’hui l’œuvre de Foucault ne sera pas tant de remédier à une insuffisance présumée de sa conception de la résistance que de penser, dans son ambivalence constitutive, l’idée qu’« écrire pour ne plus avoir de visage » fait mieux entendre le grondement d’une bataille dont la ligne de front passe désormais au cœur même des subjectivités. C’est la figure de cet anonymat tonique qu’aimerait tracer ce livre.
Il y a un rapport fondamental dans l’œuvre de Foucault entre résistance politique et expérience de l’anonymat. Ce rapport est demeuré peu exploré, en particulier dans le contexte de sa réception nord-américaine. Difficile d’en expliquer le pourquoi. On peut certainement supposer que la célébration de la « différence » et le triomphe de la politique de l’identité ont fortement contribué à l’occultation de cette dimension fondamentale de son œuvre. Plusieurs critiques ont souligné l’ambivalence du lieu de la résistance chez Foucault. Il en était sans doute parfaitement conscient. Pour lui, il n’y a pas « d’ailleurs » du pouvoir, au sens d’un dehors comme d’une exception. Chez Foucault, la résistance est une mise en tension éthopoïétique et elle déchire l’intériorité privée. Cet essai formule l’hypothèse suivante : dans la mesure où notre époque est, selon Foucault, dominée par le « gouvernement par individualisation », ne faut-il pas trouver le point de départ de ses analyses, si celles-ci sont effectivement ancrées dans la résistance, dans une expérience de l’anonymat? Si tel est le cas, le défi essentiel que pose aujourd’hui l’œuvre de Foucault ne sera pas tant de remédier à une insuffisance présumée de sa conception de la résistance que de penser, dans son ambivalence constitutive, l’idée qu’« écrire pour ne plus avoir de visage » fait mieux entendre le grondement d’une bataille dont la ligne de front passe désormais au cœur même des subjectivités. C’est la figure de cet anonymat tonique qu’aimerait tracer ce livre.